Issue d’une technologie développée par la Nasa, cette plateforme robotisée permet de réaliser des interventions lourdes de manière moins invasive. Un réel bénéfice pour le patient, mais aussi pour le praticien, qui opère dans des conditions plus confortables.
Le grand inventeur Léonard de Vinci aurait-il pu imaginer un robot chirurgien ? Sans doute pas, mais la société californienne Intuitive Surgical a tenu à donner son nom à sa plateforme chirurgicale robotisée. Présentée à la Paris Healthcare Week, Da Vinci est composée de deux éléments. D’une part, une console équipée d’un dispositif de vision en 3D et de deux petits joysticks avec lesquels le chirurgien effectue les gestes opératoires en position assise, d’autre part un chariot sur lequel est installé le patient. Au-dessus de lui, des bras robots (trois ou quatre selon le modèle), dont l’un est équipé d’une caméra endoscopique. Les autres sont munis de pinces articulées pour manipuler les instruments chirurgicaux (scalpels, bistouris, ciseaux, etc.), et reproduisent sans trembler les gestes du praticien, qui peut zoomer sur la partie de l’organe à opérer.
« Cette technologie est issue d’un projet de la Nasa et de la Darpa [l’agence de R & D de l’armée américaine, ndlr] pour opérer à distance sur le champ de bataille. Il n’a pas abouti pour des raisons de budget, mais des ingénieurs du MIT (Massachussets Institute of Technology) ont racheté les brevets il y a 20 ans et ont développé la première plateforme de chirurgie assistée. Aujourd’hui, nous en sommes à la quatrième génération », raconte Vincent Delaunay, market access director Western Europe d’Intuitive Surgical.
Plus de 4.500 de ces robots sont installés dans le monde (123 en France) et ont permis aux chirurgiens de réaliser plus de 5 millions d’opérations mini-invasives. Au départ, Da Vinci servait uniquement à la chirurgie laparoscopique (ou coelioscopique) : une mini-caméra et des instruments sont introduits dans la cavité abdominale à travers une incision ombilicale. Depuis, Intuitive a reçu les autorisations pour intervenir en urologie, en gynécologie et en chirurgie cardiothoracique.
Ce système robotisé n’est pas donné – environ 2 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 150.000 euros de maintenance par an, selon le Comité d’évaluation des technologies de santé de l’AP-HP -, mais ses avantages sont nombreux. En chirurgie ouverte, le chirurgien effectue une large incision et écarte les muscles : il a alors une bonne vision des organes et peut opérer. En revanche, le patient à qui on a cisaillé les muscles de l’abdomen doit rester alité entre huit et quinze jours, avec des risques d’infection nosocomiale (750.000 cas chaque année sur 15 millions de malades hospitalisés), sans oublier la douleur postopératoire.
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[Les bras du robot manipulent la caméra endoscopique et les instruments chirurgicaux. Photo : DR]
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Des ablations lourdes désormais possibles en ambulatoire
« Avec la chirurgie mini-invasive, on réalise trois ou quatre petites incisions. Les cicatrices sont donc nettement plus réduites, ainsi que la durée de convalescence », explique Vincent Delaunay.
Les risques d’infection nosocomiale sont également beaucoup moins importants. Une avancée technologique qui permet de faire des prostatectomies (ablation chirurgicale de la prostate en cas de cancer) et des néphrectomies partielles (ablation d’une partie d’une tumeur rénale) en chirurgie ambulatoire : le patient rentre le matin et ressort le soir, une performance inimaginable il y a quelques années. « Ça va dans le sens de l’histoire. Dans le contexte économique actuel, plus on réduit la durée de séjour, plus on fait d’économies. Et le patient peut retourner à sa vie normale nettement plus vite. C’est vraiment du gagnant-gagnant », estime le market access director Western Europe d’Intuitive Surgical.
Selon la société de Sunnyvale, les patients opérés de la prostate par Da Vinci souffriraient moins d’incontinence et de troubles érectiles postopératoires. Une affirmation remise en cause par une étude de l’Université de Queensland (*), en Australie, pour qui les résultats seraient identiques à ceux d’une opération par un chirurgien humain.
« Une fois qu’ils ont essayé le robot, les chirurgiens ne veulent pas revenir en arrière. Et il y a un autre facteur difficile à mesurer : ils sont assis. La caméra ne tremble pas, et le praticien ne subit plus la fatigue causée par des opérations qui peuvent durer plusieurs heures en position debout », ajoute Vincent Delaunay.
Da Vinci se positionne sur les pathologies tumorales : prostate, rein, hystérectomie (ablation de l’utérus), cancer du rectum et du colon, ainsi que sur la chirurgie thoracique (poumon). La technologie d’imagerie par fluorescence Firefly – un marqueur permet de discerner le flux sanguin – améliore encore la précision du robot. Et contrairement à d’autres systèmes robotisés, ce n’est pas l’intelligence artificielle qui commande le geste, mais bien le chirurgien.
Le 4 mai dernier, l’AP-HP a inauguré deux nouvelles unités de chirurgie ambulatoire multidisciplinaires à l’hôpital Cochin et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et ce dernier devrait être équipé d’un robot chirurgien d’ici la fin de l’année.
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(*) https://www.uq.edu.au/news/article/2016/07/trial-castsdoubt-relative-benefits-of-robotic-prostate-surgery