D’Aguemoune à l’est de Béjaïa à Brisbane en Australie, le roboticien algérien Farid Kendoul a réalisé son rêve d’enfance, qui est celui de devenir un chercheur.
De retour récemment sur les terres qui l’ont vu naître, Farid Kendoul, roboticien algérien de renom, répétait à l’envi, aux élèves réunis dans la cour de l’école de ses débuts, le secret de sa réussite : « Rêvez grand, même si vous n’avez pas de moyens. Vous pouvez toujours réaliser vos rêves ».
De contemplateur des étoiles dans sa tendre enfance, dans le hameau d’Aguemoune, dans la commune de Melbou à l’est de Béjaïa, Farid Kendoul, à la curiosité aiguisée, est aujourd’hui à la tête de Emesent, une entreprise leader mondial de l’autonomie des drones, de la cartographie LiDAR, (LiDAR) est un acronyme anglais pour « Light Detection And Ranging » (signifiant en français « détection et estimation de la distance par la lumière » et de l’analyse des données), établie à Brisbane dans la lointaine Australie.
Un accomplissement au terme d’un parcours prodigieux et exceptionnel. Enfant déjà, cet ainé d’une fratrie de sept bambins, né en 1980 dans une famille modeste et paysanne, s’interrogeait sur tout l’environnement qui entourait sa maison paternelle, plantée à flanc de montagne, au milieu d’une forêt où le chêne côtoie l’olivier.
Tout y est objet de sa curiosité : les plantes, les étoiles, la lune, les arbres, les animaux. « J’ai toujours été curieux. J’ai toujours cherché à comprendre même les choses les plus simples », confie Farid Kendoul à TSA.
Malgré sa passion pour le football, comme tous les gosses de son âge, ce sont les études et son désir irrépressible pour la recherche qui le passionnent.
Brillant élève, sociable et plein d’humilité, de l’avis même de son cousin, Abdenour Boukeram, Farid Kendoul se distingue très vite au lycée « Krim Belkacem » de Souk El Ténine (est de Béjaïa) où il se révèle aux yeux de ses enseignants grâce à son intelligence, son sens de l’observation et ses excellentes notes, particulièrement dans les matières scientifiques : les mathématiques et la physique.
« C’était un élève studieux, éduqué et très persévérant. Il était tout le temps souriant. Il lui arrivait de finir le programme scolaire en milieu de l’année, loin devant ses camarades de classe », témoigne un des enseignants de Farid Kendoul, aujourd’hui en retraite.
On raconte même qu’un jour, Farid Kendoul avait dû troubler un de ses enseignants par une question improbable portant sur le sujet du jour et qui, faute de réponse, lui promet de lui répondre le lendemain.
Le parcours du roboticien algérien Farid Kendoul
Le Bac en poche, Farid Kendoul s’inscrit à la fin des années 90 à l’université « Abderrahmane Mira » de Béjaïa après un court passage à l’École d’informatique d’Alger qu’il a dû quitter faute « d’adaptation », dit-il.
Mais à Béjaïa, Farid Kendoul ne fait pas de vieux os. Il ne reste qu’une année seulement, son ambition de réaliser son rêve le poussant à chercher un point de chute à l’étranger en postulant à de nombreuses universités françaises.
« Je voulais toujours faire de la recherche et, en Algérie, je savais que je ne pouvais pas le faire », assure-t-il. C’est ainsi qu’il réussit à s’inscrire à l’université Jules Verne d’Amiens avant de rejoindre l’université technologique de Compiègne où il obtient, au terme de trois années d’études, un diplôme d’ingénieur en robotique.
Loin d’assouvir son ambition, il participe à un concours international sur les drones, puis prépare un doctorat, qu’il obtient en 2007, sur le guidage de ces objets volants sans pilote qui le fascinent.
Alors qu’il candidate pour un éventuel poste d’emploi en Allemagne, en Angleterre ou encore aux États-Unis, une rencontre aléatoire, au cours d’un séminaire avec un chercheur japonais, change son destin et le convainc de rejoindre le pays du soleil levant où, dit-il, la « recherche sur les drones est très avancée contrairement à la France où les études sont beaucoup plus théoriques ».
Arrivé en 2007 au centre de recherche de l’université de Chiba, où il reste deux ans, Farid Kendoul affine ses connaissances et recherches en robotique, particulièrement sur les drones.
Il participe même durant cette période, avec ses collègues chercheurs, représentant le Japon, à un concours international sur les drones organisé par l’armée américaine.
Cette expérience enrichissante dans un pays pionnier dans la haute technologie et l’intelligence artificielle lui ouvre les portes de la prestigieuse Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO), organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique, mondialement reconnu, auquel il avait postulé.
Après plusieurs années passées dans ce centre de recherches, entrecoupées d’un séjour de deux mois à la NASA aux États-Unis où il collabore à la fabrication d’un drone envoyé quelques années plus tard dans l’espace, le roboticien algérien décide, avec un collègue à lui, de voler de ses propres ailes en projetant de créer une entreprise baptisée Emesent.
« On a développé des systèmes qui utilisent le laser pour faire naviguer un drone là où il n’y a pas de GPS et qui créent une cartographie en trois D », explique-t-il.
« On a présenté l’idée aux investisseurs américains et australiens et on a fait une levée de fonds », détaille-t-il.
Fondée en 2018, avec des liens étroits avec le CSIRO, Emesent s’est depuis bâti une réputation de fournisseur de capture de données de haute qualité dans les secteurs de l’exploitation minière, des infrastructures, de l’enquête et de la cartographie, explique la notice de présentation de l’entreprise.
« Notre produit phare, Hovermap, est une unité de numérisation mobile intelligente qui combine des technologies avancées d’évitement des collisions et de vol autonome pour cartographier les environnements dangereux et sans GPS. Hovermap est particulièrement polyvalent, il peut être monté à la main, sur un drone ou sur un véhicule pour cartographier des zones difficiles et inaccessibles. Avec une large gamme d’applications, Hovermap est utilisé par des clients du monde entier », précise la notice.
Source : Facebook – Melbou plage bejaia
Rêver toujours plus grand
Employant aujourd’hui 150 personnes, Emesent vend ses produits à travers une quarantaine de pays dans le monde, dont le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, mais aussi certains pays africains miniers, comme l’Afrique du Sud ou le Maroc.
L’Algérie figure-t-elle dans la liste des clients ? « Pour le moment, non. Peut-être que le produit est cher, mais cela ne veut pas dire qu’on ne le fera pas plus tard », soutient Farid.
Galvanisé par ce succès, l’ambition toujours chevillée, ce père de trois enfants se lance dans d’autres défis : développer et affiner mieux le système de telle sorte à permettre au drone de fournir des réponses précises à toutes les interrogations des entreprises engagées, notamment dans le domaine minier.
Grâce à ce système, le drone est en mesure d’accomplir de façon autonome des tâches multiples et pointues, allant de l’exploration dans des zones inaccessibles, à la défense en passant par le suivi de certains chantiers.
« On investit beaucoup dans l’innovation », assure-t-il. Même s’il est au bout du monde, le roboticien algérien qui se définit comme un « simple chercheur sans attache géographique » exclut pour l’heure de revenir au pays où les « conditions ne sont pas encore réunies pour la recherche », selon lui.
« Je n’ai pas de plan dans l’immédiat, mais j’espère rentrer un jour pour créer un écosystème et encadrer les incubateurs et les start-up », souhaite-t-il. « À défaut, je me verrais bien en retraite avec des chèvres dans ma montagne à Aguemoune ».
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