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Dans un débat impossible, Le Pen attaque Macron sur la colonisation et l’islamisme

Dans un débat impossible, Le Pen attaque Macron sur la colonisation et l’islamisme

Les deux candidats finalistes à la présidentielle française se sont affrontés mercredi soir au cours d’un débat télévisé en direct de 2H30. Que faut-il retenir de cette confrontation violente et souvent désordonnée ?

Ce débat d’entre-deux-tours avait plus des allures de match de boxe que de débat présidentiel. Pire : de scène de ménage. Dès sa première prise de parole, Marine Le Pen, candidate du Front national, a d’emblée attaqué son adversaire, l’accusant, une nouvelle fois, d’être « l’enfant chéri du système ». « Monsieur Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de l’ubérisation, de la précarité sociale, (…) de la guerre de tous contre tous (…) et tout cela piloté par M. Hollande qui est à la manœuvre de la manière la plus claire qui soit. (…) Face à cela, je suis la candidate du peuple, la candidate de la France telle que nous l’aimons. Je suis la candidate de la France qui protège », a-t-elle lancé, le sourire aux lèvres.

Emmanuel Macron aurait pu ignorer cette première attaque. Il a préféré utiliser son temps de parole pour rétorquer à la fille de Jean-Marie Le Pen qu’elle n’était pas, « la candidate de l’esprit de finesse », avant de lui rappeler, le sourire aux lèvres : « Je ne vais pas vous dire que vous êtes la véritable héritière d’un nom, d’un parti politique de l’extrême droite française, de tout un système qui prospère sur la colère des Français depuis tant et tant d’années ».

Si la candidate du FN cherche à tout prix à faire sortir Emmanuel Macron de ses gonds, celui-ci va tenter de montrer l’amateurisme de son adversaire sur les sujets de fond. En économie notamment. Pauvre en arguments et insuffisamment préparée sans doute, Marine Le Pen se contente d’attaquer plutôt que de défendre et de présenter son programme pour la France.

Quand elle est interrogée sur sa vision du travail, elle préfère rappeler à Emmanuel Macron qu’il a été ministre de François Hollande. « Pourquoi vous n’avez pas fait profiter le président Hollande de vos recettes ? Si vous n’avez pas de recettes, pourquoi vous présentez-vous à l’élection présidentielle ? ». Malgré les invectives et un débat qui tourne en rond, au point d’étourdir le téléspectateur, les duettistes gardent le sourire. Les journalistes qui arbitrent le débat peinent à se faire entendre et à rappeler qu’il faut parler « du fond ». « Arrêtez tous les deux », tente Nathalie Saint-Cricq; sans succès.

Au moment où les deux prétendants à la magistrature suprême abordent la question du terrorisme, Marine Le Pen préfère poursuivre sa stratégie de salves d’invectives et lance à son adversaire : « Non seulement vous n’avez pas de projet, mais en plus vous avez une complaisance pour le fondamentalisme islamiste ». Le sujet est pourtant majeur pour le pays qui a connu en 2015 une vague d’attentats sans précédent, et qui vit toujours sous le régime de l’état d’urgence…Mais Mme Le Pen préfère manifestement faire du ….Marine Le Pen. Attaquer, sans proposer.

Elle accuse Emmanuel Macron d’être proche de l’UOIF (« Union des organisations islamiques de France » désormais appelé « Musulmans de France »). Le candidat d’En Marche ! tente de clore le chapitre, manifestement très surpris par l’agressivité de la frontiste : « Je vais d’abord démanteler les bêtises que vous dites sur l’UOIF. J’ai pris mes responsabilités contrairement à Marine Le Pen qui fait des luttes contre le terrorisme sur les plateaux télé mais ne vote pas les réformes. Si l’UOIF invite des activités contraires aux valeurs de la République, je la fais interdire », rétorque Macron. Avant de poursuivre : « L’UOIF, c’est simple. Si l’UOIF prononce, invite, mène des activités interdites, je la démantèlerai. Je ne connais pas ses dirigeants, je n’ai pas de relation avec eux ». Manifestement, il est impossible de débattre avec Mme Le Pen. Les attaques ad hominem se poursuivent comme si la candidate du FN s’adressait à ses partisans dans un meeting.

Quand elle accuse Macron de laxisme envers les jeunes radicalisés, celui-ci cherche à revenir sur le terrain du débat et à détailler une vision aux Français. « La question à se poser est sur la place que la République donne à chacune et chacun. Il faut une tolérance zéro mais il faut aussi reconnaître que la République enclave des jeunes Français. Elle les enclave quand il y a un échec scolaire, quand il y a une exclusion économique et sociale. En tant que chef des armées, je lutterai sur tous les plans contre le terrorisme islamique mais le piège c’est la guerre civile ».

Macron veut aussi interpeller les électeurs, en faisant référence à une théorie défendue par Gilles Kepel, chercheur spécialiste du djihadisme en France, qui estime que les inspirateurs des attentats de l’EI en France ont cherché à faire croître le vote pour l’extrême droite. « Le plus grand souhait des djihadistes c’est que Marine Le Pen arrive au pouvoir en France, car ils cherchent la radicalisation et la guerre civile que vous portez dans le pays. Le piège de la guerre civile qu’ils nous tendent en insultant les Français, en jetant le trouble dans notre pays. Je ne laisserai jamais le pratiquer », promet le candidat d’En Marche !

« Le projet explicite des djihadistes, tel qu’on peut le constater en consultant leurs sites et leurs tchats, consiste à favoriser la victoire de l’extrême droite, afin de convaincre les musulmans que la France est un pays raciste, que l’intégration est une impasse et qu’il leur faut se rassembler derrière les plus radicaux d’entre eux », expliquait le chercheur dans une interview à Marianne, le 2 mai.

Le Pen va alors sortir sa dernière carte. Avec une analyse plutôt inattendue, pour ne pas dire fallacieuse, en faisant référence aux propos d’Emmanuel Macron, à Alger, sur la colonisation. « Est-ce que vous ne croyez pas que vous avez, vous, une part de responsabilité dans la haine qui se développe chez un certain nombre de jeunes ? Quand vous allez en Algérie pour accuser la France de crime contre l’humanité, c’est-à-dire le crime le plus grave qui puisse exister. Comment vous étonnez-vous que certains jeunes disent pourquoi on ne vient pas lui faire payer son crime ? Ne croyez-vous pas que vous avez une responsabilité considérable lorsque vous tenez ce genre de propos ? ».

Les journalistes-modérateurs du débat, manifestement effarés par un tel spectacle, tentent de rappeler Le Pen à la raison. « Et vos propositions, Marine Le Pen ? »

Si Macron a cherché pendant plus de deux heures à se projeter dans sa future fonction présidentielle, Marine Le Pen n’a jamais dit ce qu’elle ferait comme présidente de la République.

Quand à la fin du débat, les deux prétendants à l’Élysée doivent conclure, Le Pen attaque de nouveau. « La France vaut mieux que ça », lâche quant à lui Macron. Une amertume certainement partagée par les millions de téléspectateurs.

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