L’enseignante de sciences politiques à l’université d’Alger, Louisa Dris-Ait Hamadouche émet des craintes à propos de l’avant-projet de loi sur la déchéance de la nationalité algérienne. Entretien.
L’ancien ministre et diplomate, Abdelaziz Rehabi, a qualifié le projet de loi sur la déchéance de la nationalité algérienne de “menace contre la stabilité et la cohésion de la nation algérienne“. Partagez-vous cette crainte?
Louisa Aït Hamadouche : Il s’agit d’un projet de loi qui distingue entre deux catégories d’Algériens : ceux de l’intérieur et ceux de l’extérieur.
Cette distinction basée sur le lieu de résidence est moralement inacceptable et juridiquement illégale. Deuxièmement, il menace une partie de nos concitoyens de devenir des apatrides comme si la localisation d’un délit avait un impact sur ses conséquences. Donc, effectivement, ce projet menace la cohésion sociale et nationale.
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Cet avant-projet de loi sur la déchéance de la nationalité algérienne vise-t-il, comme certains le disent, les militants du Hirak de la diaspora ?
Ce projet de loi précède le Hirak. Il n’a pas été promulgué parce que les responsables de l’époque ont vu son caractère immoral et illégal. Il semble être dirigé contre tous les opposants comme une sorte de chantage. Si ce projet est dirigé contre le Hirak, il exprime une incompréhension totale des motivations des Hirakistes.
Des commentateurs et des observateurs de la scène politique mettent également en avant le concept-élastique qu’engloberait ce texte, du moins si on se réfère au communiqué du gouvernement qui l’a annoncé. Y a-t-il une crainte de dérive?
Les dérives sont dans chacun des aspects de ce projet. C’est une dérive sur le principe même sur lequel repose ce projet de loi et une dérive dans le fond. En effet, la notion d’atteinte aux intérêts de l’État est aussi ambiguë que les accusations annoncées dans le code pénal. Nous sommes face à une continuité des dérives.
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