A l’heure où la décrue de l’épidémie de covid-19 semble s’amorcer en Algérie, avec un bilan quotidien de 700 nouveaux cas de contamination en moyenne en 24 heures, le professeur Réda Djidjik, chef de service d’immunologie au CHU de Beni Messous (Alger), met en garde contre l’arrivée d’une nouvelle vague. Il lance un appel du cœur pour la vaccination. Entretien.
Aujourd’hui, on parle de baisse des contaminations au covid-19 en Algérie. Au niveau des structures de santé, on dit qu’il y a moins de malades, moins de pression sur le personnel de santé. La décrue de l’épidémie a-t-elle commencé ?
Effectivement, on remarque que le pic, nous l’avons probablement eu fin juillet, aux alentours du 28, 29 juillet. Et à partir de début août, nous avons constaté une diminution des cas qui arrivent au niveau de l’hôpital, avec moins de monde qui se présente pour faire le diagnostic, et moins de cas positifs.
Nous avons constaté cela début août, et la tendance se confirme actuellement à la mi-août. Nous avons moins de patients qui viennent se faire diagnostiquer, et moins de cas positifs.
Donc officiellement, nous avons abordé la phase décroissante de cette vague ou de ce pic.
Mais le retentissement réel, nous allons l’observer fin août sur le service clinique, car il y a un décalage entre le diagnostic des nouveaux cas et les hospitalisations.
Nous allons remarquer une baisse de la pression au niveau des services cliniques, au niveau de la réanimation, d’ici fin août.
Cette troisième vague a fait beaucoup de dégâts et n’a épargné personne. Quelle est la différence avec les deux précédentes vagues qui ont touché l’Algérie en été et en automne 2020 ?
La caractéristique de cette vague est le variant Delta. L’une des grandes caractéristiques de ce variant est la grande transmissibilité, et la contagiosité élevée.
Qui dit contagiosité élevée, dit nombre de cas très élevés. Nous avons eu un certain nombre de cas en cours de cette vague. Il me semble que c’est la plus importante en termes de nombre de nouveaux cas enregistrés, de malades hospitalisés et de décès. C’est l’une des plus importantes vagues que nous ayons eue depuis le début de la pandémie covid-19.
Quelles sont les leçons à tirer de cette 3e vague du covid-19 qui touche actuellement l’Algérie ?
J’espère de tout cœur que cette troisième vague va nous servir de leçon. Qu’on se prépare à d’éventuelles futures vagues. J’espère qu’il n’y en aura pas, et que nous sommes à la fin de cette pandémie.
Mais je pense qu’il faudrait tirer toutes les leçons et les conséquences, pour se préparer à d’éventuelles vagues ou pics dans le futur.
L’Algérie doit-elle s’attendre et se préparer à une 4e vague du covid-19 ?
Aucun spécialiste, aucun scientifique ne peut prédire le futur. Tout est possible. Nous pouvons assister à la fin de cette pandémie avec la disparition de ce virus, comme on peut avoir de nouveaux variants plus dangereux, plus virulents, plus forts.
Il faut donc se préparer à tout. Si l’on voit ce qui s’est passé l’année dernière, on peut probablement s’attendre à une nouvelle vague au mois de novembre prochain.
Si l’on calque l’année 2020, nous avions eu un pic en plein été, au mois de juillet 2020, nous l’avons également eu cette année, en juillet 2021. Nous avons aussi eu un pic en 2020 au mois de novembre, pourquoi pas une nouvelle vague en novembre 2021. Il faut donc se préparer à toutes les éventualités.
Se préparer à une 4e vague signifie de régler le problème du manque d’oxygène dans les hôpitaux qui s’est posé lors de la 3e vague ?
Je pense que devant une épidémie, une pandémie de cette ampleur, si l’on est devant un variant Delta, ou un autre variant, qui a un indice de contagiosité très élevé, aucun système de santé ne peut y faire face.
Il faudrait avoir des indicateurs vrais de l’arrivée d’une vague, pour se préparer rapidement, pour faire des confinements, et avoir des réactions rapides, et freiner l’augmentation rapide et exponentielle du nombre de cas.
Il faudrait donc avoir une réaction rapide, pour faire des confinements stricts si l’on voit l’arrivée de nouveaux cas, et bien sûr se préparer à une production d’oxygène un peu plus élevée, et préparer un nombre de lits de réanimation un peu plus élevé.
Voilà ce qu’il faudrait faire : augmenter le nombre de lits de réanimation, préparer la production l’oxygène, réagir rapidement en confinant.
Tirer des leçons, se préparer à une éventuelle future vague, mais qu’en est-il de la vaccination ? Faut-il accélérer la cadence de vaccination ?
Absolument. La vaccination reste le seul moyen de contrôle de cette pandémie. Lorsque l’on voit ce qui se passe en Occident où certains pays ont vacciné près de 70 % de leur population, ils sont revenus à une vie normale, même s’il y a parfois recrudescence des cas.
On voit que le nombre de nouveaux cas augmente aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, mais pas le nombre d’hospitalisés ou de décès. La courbe est restée plate.
Cela est l’effet de la vaccination. On ne peut pas revenir sur les bénéfices de la vaccination. Nous n’avons pas le choix. Il faut que l’on vaccine au maximum la population.
Sensibiliser au maximum, ramener le vaccin, et vacciner le maximum de personnes pour que l’on puisse se préparer à d’éventuelles vagues et avoir moins d’hospitalisés et de décès. Vaccinons-nous. Vaccinons-nous.
Il faut vacciner la population au maximum. Par ailleurs, si l’on voit les pays voisins, le Maroc a atteint 43 % de vaccinés au sein de sa population. Qu’en est-il en Algérie ? Il faudrait qu’on vaccine le maximum de notre population pour se protéger et contrôler la pandémie.
Que pensez-vous de la décision du ministère de la Santé d’accorder aux pharmacies le droit de vacciner ?
Tous les moyens sont bons pour accélérer la vaccination, pour se rapprocher de la population, et du citoyen.
L’officine est un point de santé public qui est très proche du citoyen. Si l’on peut accélérer la vaccination par le biais des officines, pourquoi pas. Mais attention, la vaccination est un geste un peu particulier, il faudrait donc bien former le pharmacien d’officine, pour qu’il n’y ait pas de problèmes ou d’accidents. Il faut que le pharmacien soit très bien formé, pour que cette campagne de vaccination puisse se faire au niveau des officines.
La vaccination est-elle efficace contre le variant Delta ?
Je peux vous dire qu’au niveau de notre service, durant cette troisième vague, nous avons récolté 500 PCR positives, et que durant tout le mois de juillet, le variant Delta a représenté 98 % des variants qui circulaient.
Je pense donc qu’en Algérie nous sommes dans une phase où le variant Delta prédomine. La bonne nouvelle est que les vaccins qui existent actuellement en circulation nous protègent contre ce variant Delta. Même s’il y a une légère baisse d’efficacité vis-à-vis de la vaccination contre le variant Delta, cela reste quand même très efficace, et très protecteur contre les formes graves du covid-19.