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Départ de Hamel et affaire de la cocaïne d’Oran : que faut-il comprendre ?

Départ de Hamel et affaire de la cocaïne d’Oran : que faut-il comprendre ?

Le premier ministre Ahmed Ouyahia a appelé, mercredi 27 juin, la gendarmerie nationale et la police à travailler ensemble. « J’appelle les deux corps à coordonner leurs actions et à renforcer leurs efforts dans le traitement des affaires ayant un lien avec la justice au service des institutions de l’État », a-t-il déclaré au Centre international des conférences, à Club des Pins, à l’Ouest d’Alger, en marge de la rencontre internationale sur les Smart cities, organisée par la wilaya d’Alger, selon El Khabar.

Gendarmerie nationale et police sont mises en avant depuis quelques jours à la faveur de l’enquête sur l’affaire de la saisie de 701 kg de cocaïne au port d’Oran, fin mai dernier. À la demande du parquet d’Alger, la gendarmerie nationale est chargée de mener les investigations de ce qui est désormais appelée l’affaire Kamel Chikhi (El Bouchi), principal accusé.

Parallèlement, le général major Abdelghani Hamel a annoncé lundi que la police détenait des dossiers sur l’affaire avant qu’il ne soit démis de ses fonctions de directeur général de la sûreté nationale (DGSN) sur décision du président Abdelaziz Bouteflika.

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Hamel n’a pas dit qu’il remettra ces dossiers à la gendarmerie nationale, officiellement chargée de l’enquête, mais à la justice. « Nous faisons confiance à la justice », a-t-il appuyé. Il n’a pas évoqué cette « confiance » par rapport à la gendarmerie, qu’il a critiquée indirectement en affirmant que l’enquête préliminaire sur l’affaire de la cocaïne d’Oran a été émaillée de « dépassements ».

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Ce qui a jeté une ombre lourde sur l’enquête sur cette affaire mais également sur les relations entre deux institutions sécuritaires importantes du pays.

Changements en vue en juillet ?

Après le départ de Hamel, des bruits courent à Alger sur d’éventuels changements au sein et à la tête de la gendarmerie nationale. Des changements qui pourraient être liés au développement retentissants de l’enquête sur la saisie de la cocaïne et sur le blanchiment d’argent, suivie de près par l’opinion nationale et par la presse.

Chaque mois de juillet, les rumeurs reprennent de plus belle sur les promotions et les mises à la retraite au sein de l’armée et des services de sécurité. En période préélectorale, ces mesures suscitent plus d’intérêt, ce qui est naturel.

En 2013, à quelques mois de l’élection présidentielle de 2014, le président Abdelaziz Bouteflika avait entamé ou achevé les reformes des services de renseignements (DRS) qui devaient aboutir, en septembre 2015, au départ du général de corps d’armée Mohamed Mediène dit Toufik du poste de patron du DRS, après 25 ans de service.

Cinquième mandat 

Ces réformes, défendues publiquement par le FLN, étaient présentées comme une volonté d’instaurer « l’État civil » en Algérie. À première vue, Bouteflika, qui n’a pas encore déclaré son intention de rempiler pour un 5e mandat, entend poursuivre l’action de « normalisation » des services de sécurité et d’endiguement de l’armée pour les éloigner davantage du champ d’action politique.

Cela pourrait être un argument solide pour l’actuel chef d’État de poursuivre sa gestion du pays en 2019 et les années d’après pour concrétiser « l’État civil » qu’il veut réussir comme sa principale œuvre politique pour un président qui a vécu quatre époques : post indépendance, système de Boumediene, parti unique et multipartisme.

En 1999, Bouteflika est apparu comme le premier président civil de l’Histoire de l’Algérie qui refusait d’être « un trois quart de chef d’État ». Pendant vingt ans, il a essayé de réduire la présence de la décision militaire dans les choix politiques majeurs. Une entreprise qui s’est avérée compliquée au fil des ans en raison d’un héritage lourd qui remonte au Congrès de la Soummam et des cumuls internes d’un système qui a appris à évoluer en dehors des normes de contrôle populaire et des règles de la démocratie.

De nouvelles ambitions politiques à l’approche de la présidentielle

L’approche de l’élection présidentielle ouvre la voie à toutes les ambitions politiques dans un pays où le renouvellement des élites politiques n’est curieusement pas à l’ordre du jour malgré la jeunesse visible de sa population.

En attendant de savoir si Bouteflika sera candidat ou pas en 2019, des candidats potentiels pointent déjà du nez. Il n’y qu’à citer deux d’entre eux. Le général major Abdelghani Hamel, qui s’est habitué au costume-cravate, pendant les huit ans de son commandement de la DGSN, est cité comme un homme « présidentiable ».

Son éloignement de la DGSN ne signifie pas qu’il renonce à ce projet, à supposer qu’il soit réellement intéressé par une carrière de magistrat suprême en 2019 ou après. Les milieux initiés évoquent aussi des ambitions prêtées au général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée.

Sur la carte, rien n’empêche ces deux options mais le retour d’un militaire de carrière à la présidence de la République est-il possible plus de vingt ans après Zeroual et trente ans après Boumediene ? L’État civil, défendu par Bouteflika, est-il un choix stratégique de l’État algérien ou juste une tactique politique conjoncturelle ? L’absence de débat politique public et ouvert dans le pays ne permet pas d’avoir des réponses à ce genre de questionnements, du moins pour l’instant.

La lutte contre la corruption sera dure

Au-delà des interprétations faites des récentes déclarations de Abdelghani Hamel, il existe certains signes qui prouvent que des lignes bougent dans un sens comme dans un autre et que l’affaire de la saisie de la cocaïne n’a fait qu’accélérer l’apparition de certaines contradictions au sein même du système politique actuel et de sa périphérie.

Un système qui évolue sans être bousculé par des contre-pouvoirs à même de l’amener à s’expliquer, au mieux, à combler ses failles, au pire. Dans ce climat, la lutte contre la corruption et l’argent sale, tel qu’évoquée récemment par le ministre de la Justice, Tayeb Louh, sera plus dure surtout avec des institutions faibles ou affaiblies.

Dans l’affaire de la cocaïne par exemple, la douane est hors-jeu autant que les autres institutions et instruments chargés de traquer et de lutter contre le trafic de drogues ou le blanchiment d’argent.

Mettre tout sur les épaules des magistrats en charge de l’enquête, sans véritables appuis et dans un contexte politique aussi brumeux, rendra pénible la mission de la justice. À moins que le combat contre l’impunité soit efficacement et durablement consolidé loin des règlements de comptes politiques ou autres.

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