Des Algériens et des Marocains sont venus grossir en 2017 le flux migratoire à travers la Méditerranée vers l’Espagne, qui a vu le nombre d’arrivées sur ses côtes tripler, au prix de plus de 200 morts.
“En cette fin d’année, le bilan reste désolant”, conclut l’ONG Commission espagnole d’aide au réfugié (CEAR).
Alors que le nombre total de morts en Méditerranée a baissé de 4.967 en 2016 à 3.116 cette année, celui de ceux qui ont péri en cherchant à gagner l’Espagne est monté à plus de 223, selon le dernier bilan de l’agence onusienne des migrations OMI.
Du 1er janvier au 20 décembre, 21.468 personnes ont atteint les eaux ou les côtes espagnoles en risquant leur vie sur des embarcations de fortune après avoir payé des passeurs, soit trois fois plus que les 6.046 de l’an dernier.
“Nous subissons une pression migratoire dans toute la zone de la Méditerranée”, a souligné jeudi le ministre espagnol de l’Intérieur, le conservateur Juan Ignacio Zoido, à la radio.
Le flux diminue en revanche vers l’Italie et la Grèce.
L’Italie reste la principale porte d’entrée des migrants en Europe, avec quasiment 119.000 arrivées et 2.832 morts, mais ces chiffres ont baissé de plus d’un tiers par rapport à 2016, alors que les traversées à partir de la Libye chutaient.
Puis vient la Grèce avec 28.800 arrivées (six fois moins qu’en 2016) et 61 morts (sept fois moins), après la signature d’un accord entre l’Union européenne et la Turquie pour bloquer les arrivées de migrants.
– Traversée sur une planche de surf –
Ce type d’accord reste vivement critiqué par un grand nombre d’ONG selon lesquelles l’UE est guidée par l’unique ambition de maintenir ces personnes hors d’Europe, plutôt que d’améliorer réellement leur sort. Leur véritable efficacité est également contestée car pour Estrella Galan, secrétaire générale de la CEAR, l’augmentation des arrivées en Espagne “démontre que quand une route migratoire se ferme, une autre est activée”.
Ces dernières années, une grande partie des migrants arrivés par la mer en Espagne étaient originaires d’Afrique subsaharienne. La nouveauté cette année semble être une hausse du nombre d’Algériens et de Marocains prenant la mer.
“Cette année, il y a eu une augmentation significative des personnes originaires d’Algérie”, explique à l’AFP Carlos Arce de l’Association pour les droits humains en Andalousie (APDHA).
M. Arce l’attribue au fait que “la situation économique en Algérie s’est détériorée au cours des trois dernières années”, le pays ayant notamment enduré une baisse des prix du pétrole dont il tire 95% de ses revenus en devises.
Une augmentation des arrivées de Marocains depuis juin a également été signalée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dans un rapport le mois dernier.
“Les Marocains utilisent toutes sortes de méthodes pour gagner l’Espagne (par la mer) tels les jet skis, planches de surf, bateaux gonflables et embarcations en bois, transportant parfois plus de 60 personnes”, a constaté le HCR.
– Migrants retenus dans une prison –
M. Arce estime que dans le cas du Maroc, le mouvement de contestation ayant débuté fin 2016 dans la région septentrionale du Rif a pu avoir des conséquences: les forces policières semblent avoir été “plus concentrées sur la répression que sur le contrôle migratoires”, juge-t-il, ce qui aurait facilité le départ d’embarcations.
En novembre, une forte polémique a éclaté en Espagne quand près de 500 migrants, essentiellement algériens, ont été internés dans une prison – n’ayant encore jamais servi – de la localité andalouse d’Archidona.
Selon Alejandro Cortina, directeur de l’association Málaga Accueil, au cours des deux dernières semaines, des “centaines de personnes ont déjà été renvoyées en Algérie”, dont “plusieurs mineurs”.
Les autorités avaient fait valoir que les centres d’internement pour étrangers étaient saturés et que cette prison était équipée de “douches, chauffage, lits, salles de sport”. “Nous ne pouvons accepter que ces personnes restent en liberté sous prétexte qu’arrivent autant de bateaux et que nous pouvons les sauver”, avait affirmé le ministre Zoido.
“La privation de liberté doit être réservée pour les cas où un délit a été commis, ce qui n’est pas le cas” pour l’immigration irrégulière, fait valoir José Villahoz, avocat de l’association Algeciras Accueil.