Une semaine après les retraités de l’armée qui ont défrayé la chronique par des actions de rue qui ont fortement perturbé la circulation dans les alentours d’Alger, les chômeurs du sud, précisément ceux de Ouargla, font de nouveau parler d’eux.
Ce n’est pas la première fois qu’ils occupent la rue et les réseaux sociaux pour réclamer du travail, mais leur dernière action ne laisse personne indifférent. Des jeunes en sont arrivés à se coudre littéralement les lèvres.
Automutilation collective
Le spectacle de cette automutilation collective a beau être insoutenable, il n’est pas un acte extrême sur l’échelle de la dégradation de la situation sociale en Algérie.
D’autres aux quatre coins du pays, pour un emploi, un logement, un abus, se sont immolés devant les caméras. Mais il reste que ces images de jeunes, torse nu et la bouche ensanglantée, doit interpeller et faire comprendre que la situation a atteint un point critique, d’autant plus que l’action des chômeurs de Ouargla n’est qu’un maillon d’une série de crises et de tensions simultanées qui touchent tous les secteurs, toutes les régions et presque toutes les franges de la société.
Le mouvement des chômeurs du sud dure depuis au moins une décennie. Des promesses ont été données, des mesures prises, mais il est toujours posé, chaque année avec plus d’acuité et de bruit.
Il est vrai que l’équation est complexe et les jeunes des wilayas pétrolifères n’ont pas toujours su poser le problème dans les meilleurs termes. Le chômage n’épargne aucune région d’Algérie et beaucoup de jeunes du nord du pays rêvent de travailler pour Sonatrach ou une autre société pétrolière, c’est aussi leur droit.
Dénier aux autres un droit qu’on réclame pour soi-même n’est pas la meilleure façon d’engranger de la sympathie et de la solidarité. Sur les réseaux sociaux, la question divise et certains n’hésitent pas à se désolidariser ouvertement des protestataires de Ouargla, comme ils l’ont fait il y a quelques jours avec les retraités de l’armée.
Les deux catégories ont cela en commun : il y a un peu plus d’une année, elles ont cédé à la manipulation politicienne en prenant leurs distances avec la dynamique nationale pour le changement exprimée à travers le Hirak.
Économie en panne et irrésolution
On ne sait pas si des promesses de meilleures pensions et d’embauche ont été faites aux uns et aux autres. Si c’est le cas, on sait maintenant qu’elles n’ont pas été tenues. Faute de ressources, de bonne volonté ou de compétence de ceux qui gèrent les affaires publiques, c’est uniquement à ce niveau que doit se centrer le débat. Le véritable problème ne doit pas être occulté.
À savoir que l’Algérie vit une grave crise, fait face à des défis multiples, à des revendications qui s’accumulent et qui menacent d’une explosion et que, dans le même temps, ses ressources diminuent dangereusement et l’empêchent de satisfaire tout le monde et tout de suite.
Même la récente remontée des prix du brut, après une année de creux profond, n’offre pas un réel espoir de retrouver les niveaux de recettes de la période faste du pétrole cher.
En cause, un autre recul, celui de la production d’hydrocarbures. Au rythme actuel de désinvestissement et devant le peu d’empressement des pouvoirs publics d’y remédier, ni les revendications des chômeurs de Ouargla ni celles des autres catégories ne risquent d’être satisfaites de sitôt.
Le désinvestissement n’affecte hélas pas que les installations pétrolières et gazières. C’est toute l’économie qui se trouve en panne, sans perspective de relance et de diversification sur le court, alors que cette relance et cette diversification sont vitales pour l’économie.
Pour créer des emplois durables, il faut absolument libérer l’économie et les initiatives, d’autant que le secteur des hydrocarbures, c’est connu, ne peut pas à lui régler résoudre le problème du chômage qui affecte tout le pays, et pas seulement les régions du sud.
Et on peut même se risquer à mettre hors de cause la pandémie planétaire quand on entend l’avis des agences mondiales les plus écoutées sur le climat des affaires algérien.
Sans aucune explication rationnelle, des textes primordiaux, comme le nouveau code des investissements, attendent toujours d’être finalisés ; d’autres, quand ils sont adoptés, ne sont pas suivis par des décrets nécessaires à leur application, comme c’est le cas de la nouvelle loi sur les hydrocarbures dont l’objectif est pourtant capital.
Cette loi, élaborée dans l’urgence fin 2019, est censée attirer les capitaux nécessaires pour redynamiser l’industrie pétrolière déclinante. C’est dans cette inaction et cette irrésolution qui touche même des dossiers de moindre envergure, et qui tétanise toute l’économie nationale, que réside la source du problème des jeunes de Ouargla et de tous les chômeurs du pays.