Politique

Des dépenses en hausse financées par la planche à billets : une Loi de Finances 2019 à fort relent électoraliste

Le projet de Loi de finances 2019, qui est soumis ce jeudi 15 novembre au vote des députés, présente tous les traits classiques de la préparation d’une année d’élection. On y chercherait en vain la trace d’une volonté de réforme de l’économie. Tous les « dossiers chauds » évoqués au cours des dernières années ont été mis entre parenthèses et renvoyés à plus tard, à l’image de la réforme du système de subventions ou du retour à la discipline budgétaire.

Le texte proposé par le gouvernement confirme tout d’abord les promesses du ministre des Finances. Abderrahmane Raouya avait annoncé la couleur dès octobre dernier en affirmant qu’« aucune nouvelle taxe ou augmentation du prix des prestations publiques n’est proposée dans le projet de Loi de finances pour 2019 ».

Pas question donc de relever les prix des carburants ainsi que l’habitude en avait été prise depuis 2016. On ne touchera pas non plus l’année prochaine aux tarifs de l’électricité ou de l’eau dont la révision est pourtant réclamée avec insistance par les opérateurs publics et a été jugée indispensable par le ministre de l’Énergie lui-même. Le projet éphémère de relèvement des tarifs de délivrance des documents d’état-civil, défendu voici quelques mois dans le cadre de la préparation de la LFC 2018 par Ahmed Ouyahia, est également renvoyé à des jours meilleurs.

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Stagnation des recettes budgétaires en 2019

La conséquence de cette option fortement teintée d’électoralisme est immédiate. Il s’agit de la stagnation des recettes budgétaires. Elles devraient s’établir l’année prochaine à 6.508 milliards de dinars, en hausse d’un tout petit 0,2% par rapport aux recettes prévues en clôture de 2018.

Coté recettes, la surprise vient de la fiscalité pétrolière qui a été évaluée à 2.714 mds DA, en légère baisse par rapport à 2018, sur la base de d’un baril à 50 dollars. La fiscalité ordinaire devrait faire entrer l’année prochaine 3.793 milliards DA dans les caisses de l’État.

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Le budget de fonctionnement établit un record historique

Coté dépenses, le gouvernement a complètement oublié les promesses faites l’année dernière à la même époque et qui annonçait le retour à la discipline budgétaire en 2019.

Pas question de réduire les dépenses de l’État à la veille d’une échéance électorale importante. En 2019, les dépenses budgétaires s’élèveront à 8.557 mds DA quasiment au même niveau que celles de 2018.

Contrairement au budget 2018 qui avait été marqué par une véritable explosion des dépenses d’équipement de l’État, l’année prochaine, c’est le budget de fonctionnement qui sera le principal bénéficiaire de l’allocation des ressources de l’État.

Il devrait établir un record historique en frôlant pour la première fois la barre des 5000 milliards (4.954 mds DA) en hausse de 7,5% par rapport aux prévisions de clôture de 2018.

C’est ce que le communiqué officiel du gouvernement qualifiait, lors de l’adoption du PLF 2019 par le Conseil des ministres, de « légère hausse » découlant de « la situation sécuritaire aux frontières ainsi que du relèvement des transferts sociaux qui atteindront 1.763 mds DA (près de 21% de la totalité du budget de l’État) ».

Transferts sociaux : il y en aura pour tout le monde

En matière de transferts sociaux, le gouvernement n’a pas lésiné et il y en aura pour tout le monde .

Les crédits budgétisés pour les transferts sociaux couvriront notamment plus de 445 milliards DA destinés au soutien aux familles et près de 336 mds DA pour la politique publique de santé,

La contribution du budget de l’État aux régimes de retraites sera également exceptionnelle et en hausse très sensible l’année prochaine avec près de 290 mds DA (auxquels s’ajoutera une « dotation d’appui » de 500 mds DA à la Caisse nationale des retraites),

Le secteur de l’habitat n’est pas oublié et sera également particulièrement choyé avec plus de 350 mds DA pour la politique publique de l’habitat auxquels s’ajouteront pour la première fois près de 300 mds DA mobilisés pour le même secteur par le Fonds national d’investissement qui est appelé à la rescousse pour des engagements extérieurs à ses activités normales de financement de l’investissement productif.

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Dans son volet législatif, le projet de Loi de finances prévoit également la bonification totale des intérêts sur les crédits bancaires destinés à l’AADL pour la construction de 90.000 nouveaux logements.

Le budget d’équipement en baisse

Côté budget d’équipement, la baisse est sensible par rapport aux plus de 4000 milliards de dinars annoncés en 2018. L’année prochaine, il s’élèvera à 3.602 milliards de dinars de crédits de paiements et de 2.600 milliards d’autorisations de programme destinées à de nouveaux projets ou à des réévaluations.

Le communiqué du gouvernement précise avec une certaine gène que « la légère baisse nominale du budget d’équipement “ne correspond pas à un recul de la politique publique d’investissement, mais découle notamment d’une baisse de près de 300 mds DA des crédits consacrés l’année dernière à l’assainissement des créances détenues sur l’État”.

Un déficit budgétaire de 2.200 milliards de dinars

Les prévisions très prudentes du gouvernement en matière de prix pétroliers ont une autre conséquence. Il s’agit du maintien des déficits du budget de l’État et du Trésor public à des niveaux particulièrement élevés.

Le PLF 2019 évoque un déficit budgétaire à 2 chiffres et encore largement supérieur à 10% du PIB en 2019 contre 10,8 % prévus en 2018. Le solde global du Trésor pour l’exercice 2019 affichera ainsi un déficit de près de 2.200 milliards de dinars et des besoins de financements sensiblement du même montant.

En l’absence d’épargne budgétaire, c’est donc la planche à billets qui sera sollicitée de nouveau l’année prochaine, dans des proportions qui pourraient être encore importantes. Abderrahmane Raouya annonçait dimanche dernier dans ce domaine un montant de 730 milliards de dinars en 2019 contredisant ainsi les déclarations récentes du DG du Trésor qui évoquait tout récemment, de façon très optimiste, une possible interruption du recours au financement non conventionnel dès l’année prochaine.

À moins que les prix pétroliers ne réservent une bonne surprise et se maintiennent à des niveaux élevés tout au long de l’année prochaine. Une hypothèse qui semble de moins en moins plausible au vu des développements récents sur le marché pétrolier.

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