Économie

Des dunes de blé dans le Sahara algérien : « Une bonne récolte cette année »

À Adrar, dans le sud de l’Algérie, la moisson des céréales bat son plein. Les camions font de continuels allers-retours entre les champs et les points de collecte des CCLS de l’Office algérien des céréales (OAIC).

Au sud, la disponibilité en moyens de récolte et de transport permet d’engranger une récolte de blé qui devrait dépasser le million de quintaux. De nouvelles concessions sont en cours d’attribution.

« La campagne moisson-battage des céréales est terminée dans le sud, et la récolte est bonne cette année », confie à TSA une source au ministère de l’Agriculture.

Adrar : des dunes de blé au niveau des points de collecte

À Kounta (Adrar) le nouveau point de collecte de la Coopérative de céréales et de légumes secs (CCLS) fait le plein. L’équipement est sommaire mais fonctionnel. Ici, pas de silos en béton ou de hangars pour stocker les céréales.

Un pont bascule et une cabine saharienne faisant office de bureau suffisent à enregistrer le va et vient des camions chargés de blé. Ces mêmes camions de couleur orange arrivés récemment en long convoi à Adrar.

Le confort est réduit au minimum : à peine un auvent au-dessus du guichet pour abriter du soleil les chauffeurs à qui sont remis les bons de pesée à chaque livraison.

À peine passés sur le pont bascule, les camions déchargent leur cargaison de grains sur une bâche à même le sol entre deux murs constitués par un empilement de big bag sur 3 mètres de haut.

Tandis que le camion repart, un rétro-chargeur muni d’un godet pousse le tas de grains laissé par l’engin vers le milieu de l’immense couloir. Les manœuvres du rétro-chargeur dessinent une mer de dunes. Mais contrairement aux dunes de sable du désert, celles de Kounta sont constituées de grains.

Des dunes éphémères, car d’autres camions de plus grande contenance sont chargés d’évacuer les grains vers les silos en dur d’Adrar à 90 km de distance.

À Aoulef, le point de collecte est de plus grande taille. Il comporte une immense enceinte en forme de fer à cheval dont les murs sont en tôle. Les camions en provenance des champs déversent leur cargaison au centre de l’enceinte et, comme à Kounta, les tas de blé sont repoussés sur les bords ce qui donne à nouveau l’impression de dunes de sable.

Un camion est en cours de chargement avant de se diriger vers un silo en dur. Pour faciliter les opérations, une mini rampe en acier a été confectionné afin que le godet du rétro-chargeur arrive à la hauteur de la benne du camion.

La multiplication des points de collecte décidée par la CCLS d’Adrar a rendu le sourire aux concessionnaires auparavant habitués à expédier leurs cargaisons de blé sur de plus longues distances.

Dans les champs aux épis fournis, les engins de récolte de marque Sampo s’activent, et une fois leur trémie remplie de grains versent leur précieuse cargaison directement dans la benne des camions attendant en bordure de champ.

À Sidi Bel-Abbès, la direction de l’usine qui fabrique les moissonneuses-batteuses sous licence Sampo annonce la future livraison d’engins de plus grande capacité avec des barres de coupe devant passer de 4 à 6 mètres d’envergure.

À Adrar, des investisseurs venus des wilayas du Nord

Au fil de l’attribution de nouvelles concessions, les quantités de blé produites dans la wilaya d’Adrar sont en constante augmentation. Ce sont plus de 3.000 hectares de céréales qui sont entrés en production en 2024 selon le directeur de la CCLS d’Adrar portant le total à 17.000 hectares

Parmi les nouveaux concessionnaires à Adrar, il n’y a pas que des néophytes tentés par l’aventure de l’agriculture saharienne. On trouve ainsi des agriculteurs chevronnés provenant de Constantine ou Mila spécialisés dans la culture du blé.

C’est le cas de la concession de 500 hectares attribuée en 2023 aux frères Yakhlef. Elle a immédiatement été équipée de 3 pivots de 40 hectares chacun sur les 6 autorisés.

La décision du wali, Larbi Bahloul de ramener de 1.200 mètres à 600 mètres la distance entre deux forages a facilité leur installation confie l’investisseur à la chaîne Web Nacer Records.

Aussitôt installés, les pivots ont été semés à partir des semences disponibles au niveau de la CCLS mais également de semences de blé tendre venu de Aïn Mlila.

L’investisseur indique être spécialisé depuis 30 ans dans la multiplication de semences de céréales et qu’une partie du matériel de l’exploitation de Mila a été rapatrié à Adrar. Au niveau de la mini base de vie de l’exploitation constituée d’une cabine saharienne équipée de panneaux solaires, d’une citerne d’eau et d’une autre de carburant sont stationnées une moissonneuse-batteuse de marque Class et une botteleuse.

L’investisseur remercie les services de wilaya pour leurs efforts et indique : « On dispose d’un raccordement au réseau électrique, d’une route goudronnée en cours de réalisation » et ajoute : « Nous sommes venus à Adrar pour améliorer notre situation matérielle et participer à l’autosuffisance alimentaire du pays ».

Il espère le renforcement du réseau Internet car en l’absence de réseau, à la place d’une simple communication téléphonique il dit devoir se déplacer jusqu’à Adrar distante de 140 km soient près de 300 km aller et retour.

Autre concession située à 130 km de Timokten et à 70 km d’Adrar. Au milieu d’un champ de blé prêt à être récolté, le représentant de la Sarl Baravir de Constantine indique être spécialisé dans la production de céréales et détenir une concession de 750 hectares déjà équipée de 6 forages et de 6 pivots. Trois autres devraient suivre. Il se félicite du raccordement prochain de la concession au réseau électrique et espère également une extension du réseau Internet.

À Adrar, des investisseurs algériens et turcs

Les services de wilaya d’Adrar et en particulier le wali s’est personnellement impliqué dans le suivi des opérations de mise en valeur : extension du réseau électrique, ouverture de nouvelles routes, respect des chantiers confiés aux entreprises privées et attributions d’autorisations de forages.

C’est depuis Timokten qu’en début du mois de mai il a officiellement lancé le début de la campagne des moissons. Devant une assistance fournie il a tracé un bilan d’étape de l’agriculture dans la wilaya félicitant les entreprises et les investisseurs engagés dans la mise en valeur et notamment ceux d’origine turque.

Depuis 2020 la société Dunaysir, filiale du groupe turc de BTP Dekinsan, bénéficie d’une concession agricole de 4.000 hectares et a investi plus de 25 millions d’euros créant 200 emplois.

Le forage de 36 puits et l’installation de 11 pivots permettent de produire des céréales, des fourrages et des produits maraîchers. Dunaysir a créé une « base de vie » comportant tous les équipements de base à l’image des campements de la compagnie pétrolière Sonatrach. Une partie du matériel agricole, dont les engins de récolte de marque Class ont été importés.

Selon le wali, c’est ce type de réalisation qui a convaincu la délégation qatarie de la laiterie Baladna du choix de la wilaya d’Adrar comme lieu d’implantation du futur complexe laitier algéro-qatari.

Des récoltes de blé à Illizi et à Hassi Messaoud

Produire du blé en plein désert n’est pas aisé. Lors du lancement de la campagne de moisson, le wali d’Adrar a rappelé qu’il fallait forer jusqu’à une profondeur de 170 mètres pour atteindre la nappe d’eau souterraine.

Des investisseurs se disent satisfait de disposer aujourd’hui d’un meilleur réseau routier et du raccordement au réseau électrique mais reste le réseau Internet. Une fois la récolte arrivée, les investisseurs ne sont pas au bout de leur peine.

Dans les conditions extrêmes de chaleur, il suffit d’une étincelle jaillie d’un engin de récolte en surchauffe pour provoquer un incendie et ravager les récoltes. La société Dunaysir en a fait l’amère expérience en 2023 et a ainsi vu partir en fumée 26 hectares de blé.

Le spectacle de dunes de grains observées dans les points de collecte d’Adrar l’est également dans le sud de Khenchela, à Illizi ou à Ouargla. Dans cette wilaya, la Sonatrach s’est lancée dans la culture du blé et exploite 10 pivots à Gassi Touil (Hassi Messaoud) dont 4 pour la multiplication de semences.

Des semences indispensables pour couvrir les besoins de superficies qui ont doublé en une année atteignant ainsi 3.000 ha. Dans cette région où les eaux sont chargées en sel, Fayçal Hamitouche, l’ingénieur agronome chargé de la production, confie à la Télévision algérienne que les rendements « sont passés de 55 quintaux en 2023 à 60 quintaux tels qu’attendus cette année ».

Les rendements de 60 voire de 70 quintaux obtenus au sud tranchent avec les rendements bien inférieurs obtenus dans certaines wilayas du nord où est concentré l’essentiel des surfaces céréalières du pays.

Si dans les wilayas de l’est et du centre, l’optimisme est de rigueur, dans la wilaya de Chlef cela n’est pas le cas. Récemment, le directeur des services agricoles confiait à Ennahar News que 65 % des surfaces étaient sinistrées pour cause de sécheresse.

Une sécheresse déjà présente en 2023 et à la suite de laquelle les agriculteurs affectés avaient bénéficié d’indemnisations sous forme de gratuité des semences et engrais ainsi que d’un report de trois ans de l’emprunt de campagne Rfig.

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