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Des Marocains séquestrés et exploités en Birmanie

Des manifestations sont prévues ce jeudi 16 mai à Rabat devant le ministère des Affaires étrangères et l’ambassade de Chine au Maroc. Le motif est assez insolite : réclamer plus d’efforts pour faire libérer et rapatrier des Marocains détenus dans des camps de travail en Birmanie.

Le phénomène est nouveau mais il a pris de l’ampleur. Selon le journal français Le Monde, ils seraient quelque 200 marocains, des hommes et des femmes « très jeunes », pour la plupart des universitaires maîtrisant les nouvelles technologies, à être aux mains d’organisations mafieuses spécialisées en cybercriminalité.

Ce sont des organisations de la mafia chinoise installées en Birmanie, à la frontière avec la Thaïlande, une région ravagée par la guerre civile.

Au Maroc, le cas de ces jeunes captifs est devenu une affaire d’opinion publique, mobilisant internautes, organisations de la société civile et de défense des droits de l’Homme et même des députés qui ont interpellé le chef de la diplomatie Nasser Bourita, en vain.

La diplomatie marocaine aux abonnés absents

Sur les réseaux sociaux marocains, outre les appels à ramener ces malheureux à la maison, des messages invitant à la vigilance sont également partagés. « Pas de confiance », lit-on sur de nombreuses pages marocaines.

Car tout semble parti d’une confiance aveugle que ces jeunes ont placé en des inconnus. Pour comprendre ce que font ces jeunes marocains en Birmanie, un pays à l’autre bout du monde qui n’est pas connu comme une destination touristique ou d’émigration, le correspondant du Monde à Casablanca est allé à la rencontre de deux Marocains qui ont pu échapper à leur ravisseurs et des familles dont les enfants ne sont toujours pas revenus.

Il s’avère que ces jeunes, des universitaires pour la plupart, étaient pour certains bien installés au Maroc ou à l’étranger, dans le Golfe ou en Europe, et ont été arnaqués par ces réseaux qui leur ont miroité des postes de travail hautement rémunérés dans leur spécialité, principalement l’e-commerce, en Thaïlande.

« Jusqu’à présent, on parlait de jeunes sans diplôme et sans travail qui prennent la mer pour rejoindre l’Europe. Mais là, il s’agit pour la plupart de salariés, dont beaucoup sont allés à l’université », a indiqué le secrétaire général de l’association marocaine des droits humains, Tayeb Madmad.

Des Marocains exploités en Birmanie par des organisations mafieuses

Les arnaqueurs les font passer par la Malaisie, accessible sans visa pour les Marocains, et les acheminent ensuite vers la Birmanie, au lieu de la Thaïlande promise.

Les jeunes marocains se retrouvent ainsi prisonniers sur place, dans des baraquements le long d’une rivière où pullulent une multitude d’organisations contrôlées par la mafia chinoise et spécialisées dans la cyber-escroquerie.

Les captifs effectuent, sous la contrainte, des opérations d’escroquerie sur Internet, visant des gens aisés aux quatre coins de la planète.

Les témoins marocains rencontrés par Le Monde ont pu retourner chez eux grâce à l’intervention d’ONG saisies par leurs familles, non sans avoir payé une forte rançon, environ 6.000 dollars.

Leurs témoignages sont glaçants : tortures, humiliations, 17 heures de travail par jour tous les jours de la semaine… Et même des meurtres. Les Marocains ne sont pas la seule nationalité présente sur place.

Il y aurait aussi des Chinois, des Japonais, des Russes, des Sri-lankais, des Tunisiens, des Libanais, des Subsahariens… Toute tentative de fuir ou de contacter ses proches est suivie de tortures et d’enfermement.

Selon ce qui se rapporte au Maroc, le phénomène est nouveau. Les jeunes sont tombés dans l’arnaque entre novembre et février derniers.

La presse étrangère s’intéresse de plus en plus à leur cas. La chaîne de télévision Al Arabiya a rencontré elle aussi une Marocaine revenue de ce qu’elle qualifie de « rivière de l’enfer » grâce également à l’intervention d’ONG.

Birmanie : une prison à ciel ouvert pour des jeunes marocains

La jeune femme était étudiante en Turquie quand elle a cédé à la proposition qui lui été faite : un travail en Thaïlande pour 5.000 dollars mensuels. Elle aussi, elle a raconté des scènes insoutenables auxquelles elle a assisté, des brimades, des tortures, des meurtres et des suicides. Elle a été elle-même battue et enfermée à l’isolement.

Dans ses investigations, Al Arabiya a pu remonter une partie de la filière, du moins au Maroc.

Le centre de « recrutement » de Marocains se situerait à Marrakech et serait dirigé par un Marocain. Selon ce média, il y aurait en Birmanie 200. 000 captifs de différentes nationalités aux mains de ces organisations mafieuses spécialisées en cyber-arnaques.

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