Durement touchés par la chute des revenus pétroliers, des pays du Golfe ont réduit des subventions et augmenté des prix pour résorber leurs déficits budgétaires. Ils vont désormais passer à la vitesse supérieure avec, pour la première fois, l’introduction de la TVA.
Cette mesure, qui entrera en vigueur dès le 1er janvier aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, aura un effet sur l’inflation et affectera durement les travailleurs expatriés aux revenus faibles ou moyens, selon des experts.
Recommandée par le Fonds monétaire international (FMI) pour assainir les finances publiques, la TVA, un impôt indirect, constituera une rupture avec le passé. Elle devrait être de l’ordre de 5% sur la majorité des biens et des services.
Les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG: Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar) n’ont jamais pratiqué d’impôts et ont alimenté durant des décennies la culture de l’Etat-providence.
Avec la chute du prix du pétrole, leurs finances ont plongé dans le rouge malgré le gel des salaires, la réduction des subventions, la hausse des prix de l’électricité et du carburant et le report de grands projets. En outre, leurs réserves ont fondu avec des prélèvements réguliers depuis trois ans dans les fonds souverains.
Les prix vont grimper
« L’introduction de la TVA à partir du 1er janvier 2018 marque le début de changements socio-économiques les plus spectaculaires et les plus profonds depuis la découverte du pétrole », a estimé le cabinet Deloitte dans un récent rapport.
Les nationaux, formant la moitié des 50 millions d’habitants du CCG et ayant jusqu’ici été largement épargnés par les mesures d’austérité, seront directement touchés par la TVA.
« Je peux vous dire que les citoyens ne seront pas contents de la hausse des prix due à la TVA », a déclaré à l’AFP Khaled Mohammed, un Saoudien travaillant dans le secteur immobilier à Dubaï.
L’Arabie saoudite et les Emirats, qui représentent 75% de l’économie du CCG (qui pèse quelque 1.400 milliards de dollars) et abritent 80% de sa population, ont déjà adopté plusieurs mesures d’austérité.
Ryad a réduit des subventions publiques et les Emirats vont doubler à partir de dimanche les prix des cigarettes et des boissons énergisantes et augmenter de 50% ceux des boissons gazeuses.
Les quatre autres pays du CCG ont encore toute l’année 2018 pour appliquer la TVA, en vertu d’un accord régional.
La TVA devrait faire grimper les prix. Capital Economics s’attend à un taux d’inflation de 4 à 4,5% en Arabie saoudite et de 4% aux Emirats.
Exonérations prévues
Un certain nombre de produits devraient être exonérés de la TVA.
Bryan Plamondon, d’IHS Markit Economics, basé aux Etats-Unis, a estimé que les biens et services liés à l’alimentation, à l’éducation, à la santé, à l’eau, aux énergies renouvelables, aux transports et à la technologie devraient bénéficier d’un traitement préférentiel.
« Le nombre d’exonérations déterminera les effets de la TVA sur la consommation des ménages », a-t-il déclaré à l’AFP.
Selon lui, la TVA augmentera de 0,5% à 1,5 % le PIB des pays concernés (entre 7 et 21 milliards de dollars par an), alors que le FMI prévoit un chiffre de 2%.
Des millions d’expatriés, notamment des travailleurs venus d’Asie, devraient souffrir le plus de l’introduction de la TVA, selon des experts.
« Ca va être difficile pour tous ceux qui perçoivent de petits salaires », a dit Rezwan Sheikh, un restaurateur indien de Dubaï.
« Nous faisons face à des difficultés financières. Combien allons-nous économiser après la TVA. », s’est interrogé M. Sheikh, dont la femme est enceinte et qui fait vivre ses parents en Inde.
Mais le FMI estime que l’introduction de la TVA ne fera pas fuir les expatriés du Golfe qui ont été attirés par l’absence d’impôts.
L’économiste koweïtien Jassem al-Saadoun, du cabinet Al-Shall Consulting, croit à peine au succès de la TVA.
« Les gens doivent être convaincus que la taxe apportera de la justice sociale, que les fonds collectés seront utilisés pour des projets de développement et que la corruption sera combattue », a-t-il déclaré à l’AFP, ajoutant qu' »aucun de ces facteurs n’est garanti ».