Près de 90 détenus politiques et d’opinion croupissent dans les prisons en Algérie où les arrestations et les condamnations se sont poursuivies en 2020 alors que l’année 2021 démarre avec de nouvelles condamnations, selon un décompte établi ce lundi par le Comité national pour la libération des détenus (CLND).
Pourtant, l’année qui vient de s’écouler avait bien commencé. Le 2 janvier 2020, moins de deux semaines après la prestation de serment du nouveau président Abdelmadjid Tebboune, près de 80 (76 précisément) détenus politiques et d’opinion étaient libérés d’un coup.
Parmi eux, le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, qui décèdera 10 mois plus tard du Covid-19. Mais l’apaisement entrevu à travers ce geste n’aura pas lieu et l’année sera marquée par la poursuite des arrestations et condamnations d’activistes et même de journalistes, comme Khaled Drareni, arrêté en mars et condamné à 2 ans de prison ferme.
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Au cours de l’année, d’autres détenus ont retrouvé la liberté, connus comme Karim Tabbou ou moins célèbres, mais un autre contingent les a remplacés progressivement.
Selon le décompte établi régulièrement par le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) et actualisé ce lundi 4 janvier, 87 détenus politiques et d’opinion purgent des peines de prison à travers le pays ou sont incarcérés dans l’attente de leur jugement.
C’est le cas notamment des hommes politiques Ali Ghediri et Rachid Nekkaz, détenus respectivement depuis juin et novembre 2019 et qui ne sont toujours pas jugés.
Ce lundi, des militants et des défenseurs des droits de l’homme sont consternés par l’annonce de la condamnation d’un activiste à une lourde peine de prison à Sétif.
Walid Kechida, un jeune de 25 ans, a écopé de 3 ans de prison ferme et 500 000 Da d’amende pour des « memes » publiés sur le net et jugés offensant pour la personne du président de la République et à la religion musulmane. Le procureur avait requis 5 ans de prison ferme à son encontre. Kechida est en détention depuis avril 2020.
Des appels à la libération des détenus d’opinion
D’autres verdicts sont rendus dans la même journée. À Constantine, l’activiste Mohamed Zakaria Boudjaâda est condamné à 6 mois de prison avec sursis, Walid Hamzaoui a écopé d’une amende devant la Cour d’Alger et, à Chlef, l’ex-policier Toufik Hassani est condamné à 6 mois fermes dans une des nombreuses affaires dans lesquelles il est poursuivi. Hassani purge actuellement une peine de 2 ans de prison. Mansour Belferroum est quant à lui relaxé à Bordj Bou Arréridj.
Alors que le CNLD actualisait le décompte, trois détenus en étaient à leur neuvième jour de grève de la faim à la prison de Koléa. Il s’agit de Mohamed Tadjadit, surnommé le poète du Hirak, Noureddine Khimoud et Abdelhak Benrahmani. Les trois activistes ont entamé une telle action extrême le 27 décembre pour protester contre leur détention.
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L’acquittement, le 2 janvier, par le tribunal militaire de Blida des généraux Toufik et Tartag, de Saïd Bouteflika et de Louisa Hannoune, précédemment condamnés dans l’affaire du supposé « complot contre l’autre l’autorité de l’armée et de l’État », a été accompagné par des appels à étendre les mesures d’élargissement aux détenus d’opinion.
« La clémence de la justice militaire envers les enfants du système contraste avec la condamnation de Walid Kechida à trois années de prison fermes par la justice civile. Liberté pour tous les détenus d’opinion », a réagi Mohcine Belabbas, président du RCD, au verdict prononcé ce lundi à Sétif.
Immédiatement après l’acquittement de sa secrétaire générale, le Parti des travailleurs avait appelé à en faire de même pour tous les détenus d’opinion.
« Acquittement pour Mme Louisa Hannoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs. Cette heureuse nouvelle constitue une victoire pour l’action politique et doit être suivie par la libération immédiate de tous les détenus politiques et d’opinion », avait écrit le parti sur les réseaux sociaux.
« Je l’ai dit et je le répète : les délits d’opinion ne sont pas passibles de prison, parce que ce ne sont pas des délits. Chacun pense ce qu’il veut comme il veut », a déclaré de son côté à l’issue du procès de Blida, Me Miloud Brahimi, avocat du général Toufik et de Saïd Bouteflika.
« Nous souhaitons qu’il y ait une réhabilitation de tous les jeunes du Hirak, c’est ce que nous voulons aujourd’hui. Nous voudrions que la justice ne divise pas le peuple mais le réunit », a plaidé pour sa part Me Khaled Bourayou, avocat de Saïd Bouteflika, après le même procès.
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