Politique

Deux anciens Premiers ministres devant le juge : le grand déballage ?

Un méga-procès s’ouvre ce lundi 2 décembre au tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. À la barre, devrait défiler du beau monde : deux anciens Premiers ministres, trois anciens ministres, un ex-wali, quatre hommes d’affaires comptant parmi les plus fortunés du pays, en plus de nombreux cadres de l’administration centrale et locale.

Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, Abdelghani Zaâlane (ancien ministre des Transports), Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda (Industrie), Mounia Zerhouni (ex-wali de Tipaza) seront jugés pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions.

Il s’agit d’ « abus de fonction délibéré à l’effet d’octroi d’indus avantages à autrui en violation des dispositions légales et réglementaires », « passation de contrats en violation des dispositions réglementaires en vue d’accorder d’indus privilèges à autrui », « dilapidation de deniers publics »…

Abdeslam Bouchouarb, poursuivi en tant qu’ancien ministre de l’Industrie, est en fuite à l’étranger. Les bénéficiaires présumés de ces entorses présumées à la loi s’appellent Ali Haddad, Hassan Larbaoui, Ahmed Mazouz et Mohamed Bairi.

Le premier est le patron du groupe de travaux publics ETRHB et les trois autres sont versés dans l’industrie automobile, propriétaires respectivement des groupes Kia, Mazouz et Ival. Une cinquantaine de prévenus seront jugés, défendus par une centaine d’avocats.

Certes, c’est la première fois depuis l’indépendance qu’un tel nombre d’anciens hauts responsables comparaissent devant la justice, mais le procès risque d’être vite éclipsé par d’autres qui suivront sans doute après l’élection présidentielle du 12 décembre, au vu du nombre de ministres, PDG et autres fonctionnaires qui se trouvent en détention provisoire.

Ceux qui seront jugés à partir de ce lundi, notamment Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, sont du reste cités dans d’autres affaires.

Hommes d’affaires et responsables politiques ont commencé à être arrêtés dès fin mars avec l’interpellation d’Ali Haddad à la frontière algéro-tunisienne, en possession de deux passeports.

Le patron de l’ETRHB a été jugé pour cette infraction en juin et a écopé de six mois de prison ferme. Les arrestations se sont intensifiées dans le sillage de la chute du président Bouteflika.

En septembre, Saïd Bouteflika, le frère de l’ancien président, les deux anciens chefs du DRS, les généraux Toufik et Tartag, ainsi que la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, ont été condamnés par le tribunal militaire de Blida à 15 ans de prison ferme.

Ils avaient été arrêtés en mai pour « complot contre l’autorité de l’État et de l’armée ». Cité dans la même affaire, le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, en fuite à l’étranger, a écopé de vingt ans par contumace.

Le procès qui s’ouvre ce lundi se distingue par le fait que c’est le premier qui concerne les affaires de corruption et de dilapidation incluant d’anciens hauts responsables de l’État.

Les deux procès de l’affaire Khalifa, en 2007 et 2015, avaient laissé beaucoup sur leur faim puisqu’aucun parmi les hauts responsables cités lors des audiences n’avait été inquiété.

Cette fois, il y aura au banc des accusés des ex-Premiers ministres et d’anciens ministres, qui ont exercé durant le règne de Bouteflika.

Une première qui devait être le début d’un grand déballage. Le procès vaudra surtout par les révélations attendues et qui devraient éclairer l’opinion sur les pratiques du système Bouteflika.

Le ministre de la Justice Belkacem Zeghmati a laissé entendre que des révélations hallucinantes seront faites. « Vous serez étonnés », a-t-il déclaré la semaine passée, tout en promettant que l’audience sera publique, contrairement au procès de Blida en septembre dernier auquel seules les familles des accusés étaient autorisées à assister.

Les plus lus