Après une pause d’un peu plus de deux mois, les dynamiques de la société civile reprennent l’initiative pour tenter de trouver une issue consensuelle à la crise qui vient d’entamer son septième mois.
Ce samedi 24 août, elles se sont réunies à Alger avec cette fois, la présence de personnalités et de partis politiques, y compris ceux de l’Alternative démocratique.
L’objectif de la rencontre est de « mettre en œuvre les recommandations de la conférence du 15 juin » et, surtout, de « rapprocher les points de vue » afin de dégager un projet commun de sortie de crise. L’initiative prévoit la tenue d’une conférence nationale pour s’entendre sur une feuille de route consensuelle.
La nouveauté, c’est donc la présence de représentants de formations politiques des deux blocs de l’opposition, les Forces du changement et les forces de l’Alternative démocratique.
Le mois de juin et une partie de juillet avaient été marqués par la multiplication des initiatives mais le projet de dégager une feuille de route commune était resté un vœu pieux.
Il y a eu d’abord la conférence du 15 juin, regroupant trois dynamiques de la société civile, soit plus de soixante-dix organisations syndicales et associatives, puis l’appel du 18 juin lancé par sept partis politique et la Ligue algérienne des droits de l’Homme aux forces de l’Alternative démocratique et, enfin, le Forum national de dialogue organisé le 6 juillet à Aïn Benian par treize partis politiques et de nombreuses organisations de la société civile et personnalités nationales.
Sans être inconciliables, les projets des uns et des autres portaient de profondes divergences, notamment ceux des deux blocs de l’opposition axés, l’un sur la tenue d’une élection présidentielle avec la mise en place préalable de mesures d’apaisement et l’autre sur une période de transition et un processus constituant.
L’incapacité des différentes factions à se mettre d’accord sur un projet commun a constitué comme une brèche dans laquelle le pouvoir s’est engouffré pour mettre en œuvre son appel au dialogue lancé le 3 juillet. Le 25 du même mois, des personnalités nationales proposées par une des dynamiques de la société civile, le Forum civil pour le changement, avaient été retenues par la Présidence et chargées de mener la médiation et le dialogue devant mener à l’organisation de la présidentielle. C’est le fameux panel de dialogue dirigé par Karim Younès.
Deux feuilles de route qui imposeraient un compromis
La nouvelle initiative de l’opposition politique et de la société civile intervient au moment où le panel multiplie certes les tractations et les rencontres, mais peine à rallier à son projet les poids lourds parmi la classe politique, les personnalités nationales et la société civile.
Rien ne permet de prédire l’échec de l’ancien président de l’APN dans sa mission, mais la qualité des soutiens qu’engendre sa démarche n’est sans doute pas à la hauteur de ce qu’espérait le pouvoir pour faire aboutir son plan de sortie de crise.
L’initiative est mise à mal par le refus des autorités de décréter les mesures d’apaisement réclamées par tous, y compris par le coordinateur du panel, le refus de l’opposition et des personnalités nationales crédibles d’y prendre part et, surtout, son rejet par la rue.
Or, le hirak ne faiblit pas et tout indique qu’il retrouvera toute sa vigueur dès la rentrée, au vu du regain de mobilisation constaté lors du vingt-septième vendredi. C’est dire si la nouvelle initiative, qui survient au lendemain de cette petite démonstration de force de la rue, tombe à pic et maintient l’espoir d’éviter l’impasse qui commençait à se profiler.
Dans la forme, la rencontre de ce 24 août constitue le début d’un autre dialogue tout aussi conforme à la « nouvelle approche » du pouvoir dévoilée le 3 juillet. Ne l’oublions pas, Abdelkader Bensalah avait, ce jour-là, invité la classe politique, la société civile et les personnalités nationales à entamer un dialogue dans lequel ni l’État ni l’armée ne seront partie prenante.
Certes, le chef de l’État avait cadré l’objet de ce dialogue qui ne devrait porter que sur les modalités d’organisation de la présidentielle et il n’est pas acquis que tous ceux qui se sont réunis ce samedi se rallieront à la démarche. De profondes divergences divisent encore les deux blocs de l’opposition sur ces points précis de la présidentielle et de la période de transition.
Néanmoins, une feuille de route commune est de nouveau possible avec cette nouvelle rencontre, la première depuis le début de la crise à réunir la société civile et tous les courants de l’opposition. Le cas échéant, le pays se retrouverait avec deux dialogues et deux feuilles de route qui imposeront le « grand compromis national » comme la voie la plus courte vers la fin de la crise.