Un mois après la démission du président Bouteflika, et alors que les manifestations populaires ne s’estompaient pas et l’organisation de l’élection présidentielle du 4 juillet devenait de plus en plus incertaine, le chef d’état-major de l’ANP appelle au dialogue pour trouver une issue à la crise.
« Je demeure entièrement convaincu qu’adopter le dialogue constructif avec les institutions de l’État est l’unique moyen pour sortir de la crise, étant conscient que le dialogue est l’un des moyens les plus civilisés et les plus nobles dans les relations humaines et la voie la plus judicieuse pour présenter des propositions constructives, rapprocher les points de vue et atteindre un consensus autour des solutions disponibles », déclarait-il, le 30 avril à partir de Biskra.
Le 5 mai, le chef de l’État donne en quelque sorte un caractère officiel à l’appel en le réitérant dans un discours à la Nation, indiquant qu’un dialogue « intelligent, constructif, de bonne foi, reste l’unique moyen pour construire un consensus fécond, le plus large possible, de nature à permettre la réunion des conditions appropriées pour l’organisation, dans les délais convenus, de l’élection présidentielle, seule à même de permettre au pays de sortir définitivement et durablement de l’instabilité politique et institutionnelle ».
L’appel est immédiatement rejeté par les rares partis politiques qui avaient régi. Le chef de l’armée revient à la charge le 28 mai à Tamanrasset, appelant à « adopter la voie d’un dialogue sérieux, rationnel, constructif et clairvoyant, qui placerait l’Algérie au-dessus de toute considération ».
Le 1er juin, le Conseil constitutionnel constate l’impossibilité d’organiser l’élection du 4 juillet et la reporte sine die officiellement. À la même occasion, il émet une déclaration constitutionnelle permettant au chef de l’État de rester en poste après l’expiration de son mandat légal, le 9 juillet.
L’apaisement réclamé unanimement
Le 6 juin, nouveau discours à la Nation du chef de l’État et nouvel appel au dialogue, cette fois avec un objet spécifié : la préparation de la présidentielle pour laquelle aucune date n’est encore fixée.
« J’appelle la classe politique, la société civile et les personnalités nationales de choisir la voie du dialogue global (…) Je les invite à débattre de tout ce qui est relatif à l’organisation de la prochaine élection présidentielle » qui devrait être organisé dans « des délais acceptables, sans perte de temps ».
Le jet de la présidentielle faisait l’unanimité chez l’opposition. Pour le hirak aussi, il était hors de question d’aller aux urnes avec à la tête de l’État des hommes nommés par Bouteflika, dont justement Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui. L’autre personnage contesté, Tayeb Belaïz, avait, lui, démissionné dès le 16 avril de son poste de président du Conseil constitutionnel.
Même si elles ont rejeté toutes les offres du pouvoir, la classe politique et la société civile ont multiplié les tentatives pour dégager une proposition consensuelle. Il y a eu, le 15 juin, la conférence des dynamiques de la société civile, regroupant plus de soixante-dix associations et syndicats, le forum du dialogue, organisé le 6 juillet par les partis des forces du changement et l’appel du 18 juin émanant des partis des forces de l’Alternative démocratique qui réclament toujours une période de transition.
Le 3 juillet, on assiste enfin à une offre du pouvoir qui suscitera un réel intérêt d’une partie de l’opposition. Ce jour-là, Bensalah a dévoilé son « approche » pour le dialogue qualifiée de « nouvelle », mais toujours axée sur la préparation de la présidentielle.
La nouveauté résidait dans le fait que le dialogue est censé avoir lieu sans la participation d’aucune institution de l‘État, y compris l’armée. La classe politique est appelée à se concerter pour définir tous les mécanismes et toutes modalités inhérentes au processus électoral, comme la révision du fichier électoral et la mise en place d’une instance électorale indépendante.
L’offre est perçue comme une opportunité, mais le climat n’est pas jugé propice pour le dialogue, encore moins pour une élection du fait des atteintes répétées aux libertés. Des mesures d’apaisement sont du coup réclamées par toutes les factions de l’opposition et de la société civile et réitérées dans toutes les propositions.
Qu’en penseront la rue et la classe politique ?
Le Forum civil pour le changement, un conglomérat de syndicats et d’associations, prend les choses en main le 17 juillet et propose un panel de treize personnalités pour mener le dialogue auquel le pouvoir a appelé deux semaines plutôt. Dès le lendemain, celui-ci accueille la proposition à bras ouverts et annonce que la liste définitive sera rendue publique incessamment. Mais de nombreuses personnalités déclinent la proposition ou exigent des garanties et des mesures d’apaisement. La liste s’est fait attendre une semaine, jusqu’à ce jeudi 25 juillet. Certes, elle ne contient ni Mouloud Hamrouche, ni Ahmed Taleb Ibrahimi ni Djamila Bouhired, mais les six personnalités retenues ne peuvent être attaquées sur leur crédibilité. Il s’agit de Karim Younès, Fatiha Benabou, Smaïl Lalmas, Azzedine Benaïssa, Lazhari Bouzid et Abdelouahab Bendjelloul.
Surtout, Abdelkader Bensalah s’est engagé devant eux à décréter les mesures d’apaisement réclamées par tous. Cela ne signifie pas que la machine du dialogue est irrémédiablement lancée. Il reste à connaître l’avis de la classe politique avec toutes ses factions, et surtout des manifestants qui s’apprêtent à marcher pour le vingt-troisième vendredi de suite.