Politique

Dialogue : Karim Younes reste ferme sur ses exigences

C’est à un exercice difficile que s’est adonné Karim Younès ce mardi 6 août sur les ondes de Radio M, celui d’expliquer à l’opinion sa décision de poursuivre sa mission de coordinateur du panel de médiation même après le recul du pouvoir sur son engagement initial d’apaiser la situation.

Le 26 juillet, soit au lendemain de l’installation de la commission, M. Younès avait brandi la menace de l’autodissolution si les mesures d’apaisement réclamées par la rue et promises par l’État ne sont pas concrétisées.

Le 1er août, le chef d’état-major de l’armée balaie tout d’un revers de main et assimile les préalables à des « diktats ». « Je ne commente rien d’autre que ce que dit le premier responsable du pays qui est le chef de l’État et qui s’est engagé à travers un communiqué présidentiel à concrétiser ces mesures », dit-il.

« Mais qu’est-ce que je peux faire ? J’ai démissionné devant les membres du panel en demandant qu’ils comprennent ma position qui est une position de dignité. Ils ont été contactés par leurs relations qui leur ont dit que si je démissionne, ça créera plus de problèmes et compliquera davantage la situation. Ma démission aurait en effet entraîné la dissolution du panel », dit-il.

« Ce qu’a dit Gaïd Salah n’est pas de ma responsabilité »

Y aurait-il donc des divergences au sommet de l’État, comme l’a soutenu Smaïl Lamas qui a claqué la porte de la commission ? « Ce n’est pas mon rôle de commenter s’il y a des divergences ou pas au sommet de l’État (…) Ce qu’a dit Gaïd Salah n’est pas de ma responsabilité. On s’est entendu avec le chef de l’État. Soit il concrétise ses engagements, soit il ne le fait pas et là, l’opinion verra comment fonctionne l’État algérien », dit-il, ajoutant à propos du rôle de l’armée : « Dans la prochaine étape, le rôle de l’armée sera dans les casernes. Le discours du chef de l’État est clair, aucune partie ne s’immiscera dans le dialogue, ce sont les partis et la société civile qui discuteront de tous les points ».

L’ancien président de l’APN est visiblement très contrarié par ce double discours et des actions qui sapent les efforts fournis pour apaiser la situation. Dernier exemple en date, ce procureur d’Annaba qui a requis une très lourde peine de prison à l’encontre d’un manifestant.

« Je n’ai peut-être pas le droit de commenter une position de la justice, mais c’est une mascarade au moment où nous tentons d’apaiser les esprits. Où vit ce procureur ? Si c’est une réponse du régime, je ne change pas mon discours, je condamne ce comportement qui ne permet pas d’apaiser le climat, qui sabote le processus de médiation », s’emporte-t-il.

Préalables maintenus

« Je ne peux pas concevoir de me réunir autour d’une table pour dialoguer avec des partis politiques alors que des jeunes sont en prison pour des raisons qui ne tiennent pas debout. Nous avons fait notre devoir, je ne peux rien dire sur les actions que nous avons entreprises, mais j’espère que ce jeune passera l’Aïd avec sa famille », assure le coordinateur du panel.

M. Younès réitère qu’il n’a pas abandonné les préalables et qu’il est toujours dans l’attente de leur concrétisation. Surtout, il défend le droit des gens à brandir le drapeau amazigh qu’il considère comme celui de « l’algériannité ».

« Nous demandons la libération des jeunes qui ont manifesté avec le drapeau amazigh qui est le drapeau de l’algérianité, des couleurs algériennes, des couleurs historiques (…) On ne peut pas arrêter quelqu’un pour avoir brandi un drapeau. Ce drapeau ne change pas la géographie de l’Algérie », soutient-il.

Censure des sites d’information

Karim Younes a également dénoncé le blocage des sites TSA et Interlignes ainsi que les pressions exercées sur les médias en général.

« Quelles que soient les conditions, il est anormal que la presse soit empêchée de faire son travail », a-t-il dit, affirmant être « solidaire » avec les journalistes.

« Fermer TSA et des sites électroniques comme Interlignes est inacceptable », a-t-il ajouté. « Je suis contre la fermeture de médias importants et de les empêcher de faire leur travail », a-t-il encore dit.

Karim Younes trouve « anormal » que des Algériens soient obligés de se tourner vers des médias basés à l’étranger pour s’informer sur la situation dans leur pays.

Mais en dépit de la position très inconfortable dans laquelle le met le pouvoir par son double discours, Karim Younès n’évoque à aucun moment la possibilité de jeter l’éponge. Au contraire, il estime que le panel n’est pas rejeté par le hirak.

« Le rejet du panel, on l’entend dans certaines rues. Croyez-moi à Annaba, Tlemcen, Oran, dans le Hoggar où on a été rejoints par le fils d’Akhamokh, à M’sila, on est soutenus dans toutes les régions du pays. On nous supplie partout de ne pas démissionner », assure-t-il.

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