Cinq jours après son installation, le panel de dialogue est déjà sous forte pression. La première difficulté est arrivée dès vendredi, à l’occasion de la 23e marche contre le pouvoir. Alors que le chef de l’Etat Abdelkader Bensalah promettait la veille des mesures d’apaisement, le fort dispositif policier a été maintenu notamment à Alger. Les accès à la capitale ont été filtrés et la police a occupé les principales places publiques pour tenter d’étouffer la marche.
Dès vendredi soir, Karim Younes hausse le ton et met sa démission et celle du panel dans la balance. « Cette semaine sera décisive. Si les engagements pris par la Présidence ne connaissent pas un début d’exécution, le panel, Tajma3th n’el khir se réunira et examinera l’éventualité de la suspension de ses travaux et pourra même aller jusqu’à son auto-dissolution », affirme-t-il.
Un message qu’il a répété ce lundi sur El Watan. « M. Bensalah a promis de prendre en charge ces revendications, mais vous comprendrez qu’il est difficile d’y donner suite en moins de 24 heures, puisque la marche citoyenne a eu lieu le lendemain. Nous attendons des réponses concrètes pour la semaine en cours, faute de quoi il ne sera pas possible d’entamer notre mission. Cette semaine sera décisive. Si les engagements pris par la Présidence ne connaissent pas un début d’exécution, le panel se réunira et examinera l’éventualité de la suspension de ses travaux et pourrait même aller jusqu’à son auto-dissolution », a-t-il précisé.
Aucune mesure d’apaisement
Karim Younes aura l’occasion de vérifier si son message a bien été reçu par les autorités dès ce mardi, à l’occasion de la 23e marche des étudiants. Si le dispositif policier est maintenu dans les mêmes proportions que vendredi, il sera difficile pour le pouvoir de le justifier par des considérations techniques. Cinq jours, c’est un délai largement suffisant pour adapter un dispositif policier.
En fait, le dispositif policier n’est pas la seule promesse faite par Bensalah qui n’a pas encore été concrétisée. Sur les sept préalables énumérés par Karim Younes (l’impérieuse nécessité de la libération de tous les détenus du Hirak,dans l’urgence, dans un premier temps ; le respect du caractère pacifique des manifestations par les forces de l’ordre ; la cessation des actes de violence et d’agression à l’encontre des manifestants pacifiques du Hirak et des étudiants ; l’allègement du dispositif policier notamment dans la capitale lors des marches hebdomadaires ; l’Ouverture de tous les accès à la capitale les jours des marches ; la Libération du champ médiatique tel que revendiqué par les professionnels de la presse et souhaité par la population en général ; l’appel unanime au départ du gouvernement en place et son remplacement par un gouvernement formé de technocrates non partisans) aucun n’a encore été satisfait.
Seule bonne nouvelle : deux manifestants, arrêtés à Chlef pour port du drapeau amazigh, ont été condamnés, dimanche 28 juillet, à deux mois de prison avec sursis, synonyme de leur libération immédiate. Mais des dizaines d’autres sont toujours en détention, notamment à Alger.
Des personnalités déclinent l’invitation du panel
Dans ce contexte, l’appel lancé, dimanche, par le panel de dialogue en direction de 23 personnalités nationales a déjà été rejeté par les principaux acteurs sollicités. Mouloud Hamrouche, Ahmed Taleb Ibrahimi, Mokrane Ait Labi, Djamila Bouhired, Drifa Ben M’hidi, Lyes Merabet et maître Bouchachi ont décliné.
Même si son nom ne figure pas sur la liste des 23, Abdallah Djaballah a exprimé clairement son opposition au Panel de dialogue et de médiation. « Le régime a surpris le peuple en désignant un comité de dialogue composé de personnalités qu’il (régime) n’a pas consultées», a écrit, lundi 29 juillet, le président du Front pour la justice et le développement (FJD).
Samedi, le parti de Benflis a dénoncé l’ambiguïté du pouvoir. « Le Bureau politique constate l’ambiguïté de l’attitude du pouvoir qui d’un côté, affiche sa disponibilité au dialogue et de l’autre, tarde à créer un climat politique favorable à ce dialogue », a-t-il écrit dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion mensuelle.
Toutes ces personnalités sont d’accord sur un point : les conditions pour lancer un dialogue ne sont pas encore réunies. Le pouvoir, malgré un discours en faveur du dialogue, n’a pas encore fait la moindre concession pour tenter de donner du crédit à la démarche du panel.