search-form-close
Diaspora algérienne en France : le parcours inspirant du sénateur Ahmed Laouedj

Diaspora algérienne en France : le parcours inspirant du sénateur Ahmed Laouedj

L’histoire de l’ascension dans le monde politique français d’Ahmed Laouedj, fils d’une famille algérienne immigrée qui a été élu, il y a six mois, la chambre haute du Parlement français, illustre les difficultés auxquelles la diaspora algérienne est confrontée mais elle montre aussi que rien n’est impossible.

L’histoire captivante d’Ahmed Laouedj transcende les frontières individuelles pour être un récit emblématique de la résilience de la diaspora algérienne en France.

Son parcours montre combien il est possible de construire même difficilement des réussites en France en partant de rien ou presque.

Son ascension du statut de fils d’une famille immigrée à celui de sénateur éclaire de nouvelles voies d’une société française aspirant désormais à être plus diversifiée et mieux inclusive.

Des liens très forts avec l’Algérie

Du haut de ses 55 ans, Ahmed Laouedj, fraîchement élu sénateur de la Seine-Saint-Denis (Île-de-France), a toujours entretenu des liens très forts avec l’Algérie.

Ses défunts parents étaient arrivés en France en 1946. Ils venaient de quitter Nedroma, petite commune qui s’étale sur le versant nord du mont Fellaoucene dans le massif des Trara, l’un des chaînons de l’Atlas tellien qui orne la très belle région de Tlemcen, dans l’extrême-ouest de l’Algérie.

L’Algérie était colonisée par la France. Les plaies du massacre de mai 1945 étaient encore béantes. Comme beaucoup d’immigrés arrivés en France durant les années 1940, le père d’Ahmed fut embauché dans l’industrie automobile.

Après la capitulation nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France qui se reconstruit a besoin de main d’œuvre. La vie était dure. La famille Laouedj n’attendait que les vacances pour aller se ressourcer au pays.

« J’allais à Nedroma durant les vacances scolaires », se souvient Ahmed qui se confie à TSA.

Des séjours en Algérie qui lui ont permis de s’imprégner de la culture de ses aïeux. « J’ai, par exemple, participé à la reconstruction de la maison familiale », dit-il avec une grande émotion.

Il garde de l’Algérie un souvenir d’« un beau pays plein de richesses » qu’il dit « aimer profondément ». Ahmed est le benjamin d’une fratrie de 7 frères et sœurs.

« J’étais le chouchou, mais j’étais aussi celui que toute la famille surveillait pour que je ne fasse pas de bêtises. Mon père était strict », raconte-t-il comme pour faire défiler de lointains, tendres et émouvants souvenirs.

Il y a quatre ans, la famille a été ébranlée par un drame : un des frères d’Ahmed est mort, tragiquement emporté par la Covid-19.

Des défis et des obstacles

Ahmed, diplômé mais issu de l’immigration, n’a pas eu de tapis rouge déroulé pour ses premières années dans la politique. C’est à son talent et à sa ténacité qu’il doit d’être à la tête de sa réussite en politique.

Les premières années n’ont pas été faciles. Son objectif initial était modeste : très jeune, il s’engage dans l’action militante à Aulnay-sous-Bois, sa ville natale, en région Île-de-France.

« Depuis mon enfance, j’ai toujours voulu faire de la politique », explique-t-il. Il entame son militantisme dans le milieu associatif, où il s’engage dans l’action culturelle et sociale.

À 20 ans, il entre de plain-pied dans la politique comme militant encarté du Parti radical de gauche (PRG). C’était en 1988, l’année où François Mitterrand est réélu pour un second mandat présidentiel en battant Jacques Chirac.

C’était aussi l’année où il y a eu la dissolution de l’Assemblée nationale française. « Par cet engagement politique, j’ai voulu apporter ma contribution dans ma ville qui m’a vu naître. Mes idées sont plutôt portées sur la justice sociale, notamment en direction de la jeunesse », explique-t-il.

Élu conseiller municipal de 2001 à 2008, le jeune militant devient maire adjoint en 2008, chargé de l’administration générale, de la vie associative et de la coopération décentralisée.

En 2011, il assume la fonction de vice-président du PRG (centre gauche) et président de la fédération départementale de la Seine-Saint-Denis du parti.

Ce cumul de responsabilités lui a permis de tisser des liens politiques à travers tout le département qui compte une quarantaine de villes de la région Île-de-France.

« Cette responsabilité m’a permis de conclure des accords avec d’autres formations politiques pour permettre à mon parti, le PRG, d’avoir des élus dans tout le département », souligne-t-il.

De 2014 à 2020, il assure de nouveau la fonction de conseiller municipal. En 2017, il se présente aux élections sénatoriales. Un pari difficile, les élections se faisant par suffrage indirect des grands électeurs.

« Ce n’était pas évident avec les grands partis politiques. C’était plus une candidature pour dire que c’est possible d’arriver », confie-t-il.

Six ans plus tard, Ahmed Laouedj prend sa revanche en sortant vainqueur des sénatoriales après avoir triplé son score obtenu, six ans plus tôt. Le 24 septembre 2023, il est élu sénateur de la Seine-Saint-Denis avec 253 voix (10,81 % des suffrages).

Une victoire qui lui ouvre les grandes portes du Sénat français. Le lendemain de cette victoire aux sénatoriales, le journal Le Parisien lui consacre un article sous le titre : « Ahmed Laouedj, l’invité surprise des sénatoriales en Seine-Saint-Denis : ’’Personne ne m’attendait’’ ».

« Contre toute attente, la liste Confiance en l’Avenir a réuni près de 11 % des voix des grands électeurs du département », a écrit Le Parisien.

Au Sénat, Ahmed Laouedj intègre la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport et assume la mission de vice-président de la commission des affaires européennes.

« C’est le fruit d’un travail de longue haleine. Je me suis battu contre les grands appareils politiques qui sont là depuis longtemps et qui font la pluie et le beau temps. Je les ai coiffés au poteau », commente-t-il fièrement. Devenu un personnage public, il est désormais connu du microcosme politique français.

« Les immigrés sont toujours montrés du doigt »

La stigmatisation des immigrés, notamment d’origine algérienne, est-elle un cliché ou une réalité aujourd’hui en France ? « Les immigrés sont toujours montrés du doigt par les tenants du populisme, mais quand la France a besoin d’eux, ils sont là », répond-il.

Le département de la Seine-Saint-Denis abrite de grands chantiers de construction d’installations sportives dans le cadre des Jeux olympiques que s’apprête à accueillir Paris cet été.

« Une grande partie des travailleurs sur ces chantiers est constituée d’immigrés. Les immigrés sont aussi présents en force dans la restauration, devant les caisses des supermarchés et dans le secteur des services, à l’image de l’aide aux personnes âgées », fait-il remarquer.

« Dans les médias, on parle matin, midi et soir, pour dire qu’il y a trop d’immigrés. Dans les années à venir, le taux de natalité va baisser. Qui va payer nos retraites ? On a beau stigmatiser les immigrés, mais ce sont ces derniers qui ont construit et qui construisent la France », insiste-t-il. Et de poursuivre : « Mon père est arrivé en France en 1946, il a travaillé durant 36 ans comme travailleur dans l’industrie automobile ».

« Il est difficile de réussir en France »

Est-il difficile de réussir en France quand on est issu de l’immigration ? « Oui, c’est difficile », répond clairement Ahmed Laouedj. « Il y a toujours une connotation de la part de certains. Heureusement qu’il y a des Français qui reconnaissent que les personnes issues de l’immigration constituent une richesse et qu’il faut arrêter de les mettre au pied du mur à chaque fois », relativise-t-il.

Le parcours d’Ahmed Laouedj témoigne de la capacité à surmonter les obstacles et à suivre des chemins de vie fructueux. « On se bat, on ne baisse pas les bras. Quoi qu’il arrive, les Français issus de l’immigration sont Français. Il y a de plus en plus de Français issus de l’immigration en France qui sont des médecins, chefs d’entreprise, hommes politiques, journalistes… Ils doivent toujours travailler plus et démontrer leurs compétences », témoigne-t-il.

« Le Conseil mondial de la diaspora, une bonne idée »

Sur le Conseil mondial de la diaspora algérienne qui a été lancé vendredi 8 mars à Paris par l’ex-député européen, le Franco-Algérien Karim Zéribi, Ahmed Laouedj estime que c’est « une très belle initiative ».

« C’est la première fois que je participe à une initiative qui a tout pour réussir. Il y a une dynamique entre l’Algérie et sa diaspora établie à travers le monde entier. Je souhaite bon vent à son organisateur Karim Zéribi et son équipe qui ont fait un excellent travail. J’applaudis des deux mains cette initiative qui permet un rapprochement entre la diaspora algérienne et son pays d’origine », apprécie-t-il.

Sur l’attitude de la droite française qui réclame la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration, Ahmed Laouedj tient à mettre les points sur les i.

« Depuis 1968, l’accord a été révisé à trois reprises. Trois avenants ont été introduits en 1985, 1994 et en 2001. Ceux qui disent qu’il faut remettre en cause cet accord ne comprennent pas que seul le président de la République à la prérogative de décider de la politique étrangère du pays, et non pas l’Assemblée nationale ou le Sénat », argumente-t-il.

Le Sénateur s’en prend ainsi aux tenants du populisme et de la démagogie. « S’il y a une quelconque révision qui sera faite, elle sera faite par le président français et son homologue algérien. Moi je ne vois aucun motif de révision de cet accord », tranche Ahmed Laouedj.

  • Les derniers articles

close