Dimanche 15 septembre, c’est la date jugée « opportune » par le chef d’état-major de l’armée pour la convocation du corps électoral en vue de l’organisation de l’élection présidentielle avant la fin de l’année.
La très forte mobilisation populaire lors du trentième acte de la révolution populaire, vendredi 13 septembre, avait laissé subsister une légère incertitude quant à la résolution du pouvoir de décréter le lancement officiel de l’opération électorale sans possibilité de faire machine arrière. Mais les derniers doutes commencent à se dissiper dès le début de la matinée, lorsque les médias officiels annoncent la promulgation par le chef de l’État par intérim des nouveaux textes relatifs aux élections, adoptés sans débat en fin de semaine par les deux chambres du Parlement, soit la loi relative au régime électoral et celle portant création d’une autorité électorale indépendante.
La suite sera une petite surprise : Mohamed Charfi, ministre de la Justice par deux fois sous Bouteflika, est désigné président de l’Autorité électorale. Pris au dépourvu, les journalistes, notamment des sites électroniques, fouinent dans les archives et ressortent quelques faits d’armes de l’homme.
C’est sous son autorité qu’une procédure judiciaire était lancée contre l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khellil en 2013 et ce serait à cause de cette témérité qu’il a perdu son poste la même année au profit de Tayeb Belaïz. Mais aussi quelques casseroles, notamment son rôle en tant que procureur lorsqu’un soulèvement populaire était durement réprimé à Constantine du temps du parti unique.
La liste des membres de l’instance, une quarantaine, est simultanément dévoilée. Des universitaires, quelques magistrats, des militants associatifs, mais aucun opposant notoire au régime.
Les textes promulgués et l’Autorité installée, la mission de Karim Younès et de son panel de dialogue et de médiation vient de prendre officiellement fin. Il ne reste plus que la convocation du corps électoral.
Les mêmes canaux officiels se chargent d’annoncer que cela ne saurait tarder. Sur les bandeaux des chaînes privées et de la télévision d’État, le message diffusé en boucle ne peut avoir deux significations : le chef de l’État par intérim s’adressera à la nation ce soir à 20h…
Ali Benflis, l’un des rares poids lourds de la scène politique à avoir affiché sa disposition à participer à l’élection, se félicite du fait que « les conditions institutionnelles et légales pour la tenue d’un scrutin présidentiel transparent, régulier et impartial, sont globalement réalisées ».
Il ne reste à ses yeux qu’à « dissiper les doutes, à apaiser les craintes, à tisser des liens de confiance, à réunir les conditions, pour assurer un environnement apaisé favorable à la réussite de ce scrutin salvateur (…) Le respect des libertés collectives et individuelles, notamment la liberté de réunion, d’expression et de rassemblements pacifiques est de nature à contribuer à la création d’un tel environnement ». Mais entre ce qu’écrit Benflis sur sa page Facebook et la réalité du terrain, il y a comme un gros décalage.
Au même moment, un rassemblement était observé devant le tribunal d’Alger où les manifestants arrêtés lors de la marche de vendredi allaient être présentés devant le procureur. La décision ne tombera qu’en début d’après-midi : vingt-deux sont placés en détention provisoire. Les avocats de la défense sont outrés et se retirent dès le troisième mandat de dépôt prononcé.
Le contingent des détenus du hirak passe d’un coup du simple au double. Les vingt-deux jeunes rejoindront en prison les détenus du drapeau amazigh incarcérés depuis juin, Lakhdar Bouregaâ, Karim Tabbou…
Une autre mauvaise nouvelle arrive, de Constantine cette fois. Une marche pacifique contre l’élection présidentielle est réprimée et des manifestants arrêtés, parmi lesquels deux journalistes.
Si, à Alger et Constantine, la rue a bougé en lien avec le hirak et l’élection présidentielle, la contestation sociale s’est subitement réveillée aux quatre coins du pays. La page Infotrafic Algérie, alimentée par les internautes, recense une douzaine de coupures de routes, dont trois à Alger.
Décidément, le processus de l’élection censé sortir le pays de la crise et lui faire retrouver la stabilité ne commence pas de la meilleure des manières.