Politique

Diplomatie algérienne : retour aux fondamentaux

Contrairement aux attentes après deux ans de crise politique interne, la diplomatie algérienne ne se replie pas. Elle tente même de se redéployer tous azimuts et s’active sur plusieurs fronts.

En plus des conflits qui se jouent à ses frontières (Libye, Mali), l’Algérie se propose de contribuer au règlement du litige entre l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte à propos du barrage éthiopien de la Renaissance.

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L’initiative algérienne est une première en dehors du Maghreb et du Sahel depuis 20 ans et sa médiation dans le conflit armé entre l’Ethiopie et l’Erythrée et qui avait débouché sur la signature d’un cessez-le-feu durable.

Les efforts de redéploiement de la diplomatie algérienne, après une longue période d’« absence », pour reprendre le mot du président Abdelmadjid Tebboune, se fait par le retour aux fondamentaux et dogmes qui la fondent et qui ont fait ses heures de gloire de l’indépendance jusqu’à la fin des années 1980 : non-ingérence dans les affaires des Etats-souverains, le respect de la légalité internationale, soutien aux causes justes et voie du dialogue pour le règlement des conflits.

Le retour de Ramtane Lamamra, un diplomate chevronné et très écouté en Afrique, à la tête du ministère des Affaires étrangères traduit la volonté de l’Algérie de retrouver sa place d’abord dans l’espace qui est sien, le continent africain.

C’est aussi dans cette optique que s’inscrit l’initiative algérienne pour désamorcer la crise dans le bassin du Nil qui concerne trois nations importantes du continent.

Entre le 28 et le 31 juillet, Lamamra a effectué une tournée qui l’a mené en Ethiopie, au Soudan, en Egypte et en Tunisie qui avait soumis une résolution sur le dossier en sa qualité de membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans son entrevue périodique avec la presse nationale diffusée dimanche soir, le président Tebboune a confirmé qu’il y a bien une initiative algérienne pour le règlement du conflit autour du barrage de la Renaissance. « Je suis convaincu que nous allons réussir parce que nous n’avons aucun intérêt» dans ce dossier, a-t-il dit.

Au sein de l’Union africaine, c’est encore l’Algérie qui a pris l’initiative de contester l’octroi du statut de membre observateur à Israël. Le 3 août, les ambassades à Addis-Abeba de sept pays africains (Algérie, Egypte, Tunisie, Iles Comores, Djibouti, Mauritanie et Libye) ont signé une note adressée au président de la Commission de l’UA Moussa Faki, dans laquelle elles ont contesté sa décision datée du 22 juillet.

Dans des déclarations faites hier au journal algérien Al Fadjr, Ramtane Lamamra a mis en garde contre le risque de division que fait encourir à l’instance panafricaine l’admission d’Israël.

L’initiative de l’Algérie et des six autres pays a fait bouger les choses puisque Moussa Faki a cédé à leur demande d’inscrire la question à la prochaine session du Conseil exécutif.

Rattraper le terrain perdu en Afrique

Cette histoire de l’admission d’Israël illustre à la fois le recul du poids de l’Algérie en Afrique et ses efforts pour revenir au premier plan. C’est pendant les années du repli de la diplomatie algérienne qu’Israël a fait une percée en Afrique par le biais de la diplomatie économique, se faisant reconnaître par un nombre important d’Etats du continent (plus des deux-tiers des membres de l’UA, selon Moussa Faki).

Même la note de contestation du 3 août n’a été signée que par sept Etats, tous arabes, et n’a été soutenue par aucun pays de l’Afrique subsaharienne.

Pendant la même période, une autre cause juste défendue par l’Algérie, celle du peuple sahraoui, a perdu des soutiens en Afrique. Par son redéploiement, la diplomatie algérienne tentera de remettre les choses à leur place et de faire retrouver à l’Algérie son poids sur la scène continentale.

Une scène sur laquelle le Maroc a gagné quelque peu du terrain grâce lui aussi à une diplomatie économique agressive, grâce au soutien financier des monarchies du Golfe.

Dans un récent rapport, un institut allemand a suggéré aux membres de l’Union européenne de contrecarrer les tentations hégémoniques du royaume en Afrique et au Maghreb qui se font au détriment de l’Algérie et de la Tunisie.

Ce dernier pays connaît en ce moment même une crise politique interne qui, pour la diplomatie algérienne, constitue une occasion de confirmer son retour à ses fondamentaux.

Certaines voix ont tenté d’impliquer l’Algérie dans un conflit géopolitique entre puissances régionales (axes Qatar-Turquie et Arabie Saoudite Emirats arabes) en lui prêtant une position en défaveur des décisions prises par le président Kais Saied le 26 juillet.

Diplomatie de la parole

Des assertions démenties par la cohérence des déclarations algériennes sur la question (ministre des Affaires étrangères, une source haut placé au MAE qui s’est exprimée sur TSA et enfin le président de la République), à savoir que ce qui se passe chez le pays voisin était une affaire interne qui ne concerne que les Tunisiens.

La même position de principe est adoptée sur le dossier libyen depuis le début, malgré l’inimitié affichée à moult reprises à son égard par le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen.

Une neutralité qui n’est pas synonyme de passivité pour l’Algérie devant un conflit armé qui se joue à ses frontières. « Rien ne se fera en Libye sans l’Algérie », avait mis en garde le président Tebboune en mai 2020. Pour la Tunisie, Tebboune a mis en garde : l’Algérie « n’accepte aucune pression » sur la Tunisie de quelle partie soit-elle.

Toutefois, si avec le retour de Lamamra, la diplomatie algérienne commence à retrouver ses fondamentaux : discours apaisé, reprise des médiations pour résoudre les conflits en Afrique, unicité du porte-parole…

Il reste à mettre en place les moyens de pérenniser ce retour de la diplomatie algérienne en Afrique.

La diplomatie de la parole n’est pas suffisante pour peser sur le cours des choses, quel que soit le poids de Lamamra en Afrique.

L’Algérie doit aussi passer aux actes, en aidant ses entreprises à s’installer en Afrique pour gagner des parts de marchés, en multipliant les actions de solidarité avec les pays africains qui sont dans le pays et en disposant de médias crédibles et puissants pour agir sur les opinions publiques africaines.

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