Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a prononcé son deuxième discours sur l’état de la nation pour la deuxième année consécutive devant le Parlement réuni en Congrès dimanche 29 décembre au Palais des nations à Club des pins sur la côte Ouest d’Alger.
C’est son premier discours à la nation depuis son investiture le 16 septembre pour un second mandat présidentiel après sa réélection à l’issue des présidentielles du 7 septembre dernier.
Devant le Parlement réuni en Congrès et en présence des membres du gouvernement ainsi que des hauts cadres de l’État, Abdelmadjid Tebboune a dévoilé sa feuille de route pour le second mandat (2024-2029), a longuement abordé le litige mémoriel avec la France, évoqué l’affaire Boualem Sansal et réitéré le soutien de l’Algérie aux causes sahraouie et palestinienne.
1- Tebboune dévoile sa feuille de route pour le second mandat
Le président Tebboune a tracé la feuille de route pour le second mandat présidentiel qui s’articule autour de trois axes principaux : développement économique et réduction des importations, dialogue et réformes politiques, et lutte contre la corruption « jusqu’au dernier souffle ».
« Il y a un an et demi, lors d’un simple salon au Centre international des conventions, j’ai été surpris de trouver une startup algérienne qui crée de petits satellites. Ils avaient même un contrat avec le Brésil pour lui créer des petits satellites. Nos jeunes sont propres. Ils ne sont pas pollués par la surfacturation ou acheter un logement de l’autre côté. Nos jeunes ne convoitent ni la rive gauche, ni la rive droite », a-t-il dit, allusion à ceux qui surfacturent pour acheter des appartements à Paris.
Sur l’investissement, le président Tebboune a lancé un appel aux Algériens pour investir dans leur pays et combattre « ceux qui le combattent ». « La loi sur l’investissement ne changera pas avant dix ans », a-t-il dit.
Le chef de l’État a réitéré ses engagements de mener un « dialogue politique pour consolider notre indépendance, et renforcer le front interne », sans fixer une date précise. Pour cela, il va commencer d’abord par la révision des codes des collectivités locales (commune et wilaya).
Le document portant cette révision a été transmis aux différentes parties pour donner leur avis. S’il n’a pas dévoilé la date exacte du début de ce dialogue, il a expliqué son mécanisme.
« Ce ne sera pas forcément dialogue direct, dans une salle. Je vous envoie les documents, vous allez me donner votre avis et nous allons débattre », a expliqué le chef de l’État qui veut un « dialogue calme, sans surenchère ».
Dans la foulée, le président a dénoncé « ceux qui réclament le changement, tout en refusant eux-mêmes de changer », avant d’enchaîner sur la lutte contre la corruption.
« Nous avons combattu la corruption, et nous allons continuer à le faire jusqu’au dernier souffle », a dit M. Tebboune.
Au plan économique, le président a évoqué sa stratégie basée sur la libération des initiatives et la diversification de l’économie algérienne. Un plan qui commence à porter ses fruits« », a-t-il dit.
« Tous les indicateurs économiques et financiers de l’Algérie sont au vert comme le reconnaissent les institutions internationales », a expliqué le président Tebboune en affirmant que ces indicateurs « montrent que nous sommes en bonne voie pour rejoindre, d’ici quelques mois, les pays émergents ».
Il a cité le cas de l’agriculture qui a réalisé un chiffre d’affaires de 37 milliards dollars, ainsi que le lancement du projet d’exploitation de la mine géante de fer de Gara Djebilet. Le Port d’Oran « recevra les premières cargaisons de fer de Gara Djebilet en 2026 », a-t-il dit.
« L’Algérie a réalisé l’autosuffisance en électricité et dispose d’un excédent de 12.000 mégawatts pour l’exportation », a-t-il ajouté. « L’Algérie importait de l’essence jusqu’en 2021, mais aujourd’hui, elle la produit sous toutes ses formes avec une main d’œuvre algérienne », a encore rappelé le chef de l’État.
Pour les engagements, il a cité « l’autosuffisance en blé tendre » comme un objectif à atteindre, après celle du blé dur, la réalisation de la ligne ferroviaire entre Alger et Tamanrasset qui « nous aidera à exploiter des ressources minières très importantes ».
Le président Tebboune s’est engagé à augmenter le pouvoir d’achat des Algériens de 53 % au cours de ce mandat. « Nous prévoyons une hausse des revenus de l’Algérie grâce à l’accélération de la dynamique de production », a-t-il dit.
Avec un budget de 130 milliards de dollars, « ce qui est énorme », l’Algérie a mis « les pieds dans le club des pays émergents ». « Nous ne sommes plus un pays en voie de développement. Tous les indicateurs le disent. Le PIB a augmenté et va encore augmenter », a-t-il dit.
Le chef de l’État a souligné le passage de l’Algérie du statut de pays importateur de rond à béton et de ciment à celui d’exportateur.
« Nous, notre production de ciment atteint 40 millions de tonnes. En 2016-2017, nous étions importateurs de 3 millions de tonnes, aujourd’hui, nous sommes exportateurs de ciment », a précisé Tebboune, qui a défendu la politique de l’État dans le domaine du logement. « Il n’y aura pas de bidonvilles en Algérie, quel que soit le prix. Le logement, c’est la dignité du citoyen ».
Sur l’industrie, le président de la République s’est montré rassurant. « Rassurez-vous, nous avons mis le doigt sur la plaie en matière d’industrie, après une déshérence industrielle qui a relégué le secteur au taux de 3 % du PIB », a-t-il dit, en rappelant que du temps du président Boumedienne, cette part était de 18-19 %. « 3 % du PIB signifie que tout était importé, ou c’était une fausse industrie », a critiqué le président.
« Aujourd’hui, le part de l’industrie dans le PIB est de 6 % et notre objectif est d’atteindre 12 % à la fin du mandat », a ajouté le chef de l’État.
Dans la foulée, il a demandé aux Algériens de la diaspora à venir « investir dans leur pays afin qu’ils ne soient jamais considérés comme des étrangers ».
2- L’Algérie réclame la reconnaissance des crimes coloniaux par la France
Dans son discours, le président Tebboune a été clair sur le litige mémoriel avec la France. L’Algérie, a-t-il dit, « ne veut pas de compensation financière sur les crimes coloniaux, ni d’excuses, mais de la reconnaissance ».
« Je ne vous demande pas de vous excuser sur ce que vos ancêtres ont fait en Algérie, mais au moins, reconnaissez ». « Nous ne voulons pas d’indemnisation financière. Nous demandons une indemnisation morale », a-t-il dit.
« Ils ont gazé des Algériens dans des grottes, et ça ce n’est pas un génocide ? En mai 1945, il y a 45.000 morts en l’espace d’un mois », a asséné le président Tebboune. « Vous n’avez ramené que des destructions », a-t-il ajouté, en réclamant de la France de venir nettoyer les sites de ses essais nucléaires dans le Sahara algérien.
« La France est devenue une puissance nucléaire, et a laissé des maladies en Algérie ». « Il faut venir nettoyer, je ne veux pas de votre argent, je n’ai rien à faire avec votre argent », a réclamé le président Tebboune qui a accusé la France d’avoir exterminé des générations entières d’Algériens pendant les 132 ans de colonisation du pays.
« Quand vous êtes venus, l’Algérie comptait quatre millions d’habitants. Quand vous êtes partis, l’Algérie comptait à peine 9 millions de personnes. C’est-à-dire en un siècle et demi, la population n’a augmenté que de trois millions. Des générations entières d’Algériens ont été exterminés », a détaillé le chef de l’État, tout en proposant à la France de s’asseoir autour d’une table pour régler le litige mémoriel.
3 – Affaire Sansal : Tebboune dénonce un imposteur
Dans son discours à la nation, le président Tebboune a évoqué pour la première l’affaire Boualem Sansal qui est détenu en Algérie depuis la mi-novembre et poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État.
« Vous envoyez un imposteur qui ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père et vient dire que la moitié de l’Algérie appartient à un autre État », a asséné le chef de l’État à l’adresse de l’écrivain franco-algérien.
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