Nommé début avril par le président Bouteflika juste avant sa démission, le gouvernement Bedoui était censé se contenter de la gestion des affaires courantes.
Mais au fil des semaines et pendant les huit mois qu’a duré la transition, il s’est projeté sur le long terme, outrepassant largement son mandat. Lorsqu’il s’était mis à s’attaquer à des dossiers non frappés du sceau de l’urgence, beaucoup y avaient vu une manière de baliser le terrain au futur président, en prenant à sa place les mesures indésirables susceptibles de lui causer des soucis de popularité pour les débuts de son mandat.
C’était la lecture qui avait été faite notamment de la précipitation de l’ancienne équipe gouvernementale à réviser la loi sur les hydrocarbures, autorisant notamment les concessions et l’exploitation du gaz de schiste, et de l’intention qui lui avait été prêtée de revoir le régime des retraites, avec moins d’avantages pour le travailleur.
L’idée était que Bedoui et son équipe, décriés par le mouvement populaire qui réclamait leur départ depuis leur nomination, n’ayant donc plus aucune popularité à engager, avaient consenti de laisser le beau rôle à celui qui allait sortir des urnes le 12 décembre.
Le désormais ancien Premier ministre était aussi tenté de calmer la rue qui bouillonnait en décrétant une série de mesures populistes, dont celle autorisant l’importation des véhicules d’occasion.
Il a surtout concocté une loi de finances dont les dispositions sont un mélange de mesures visant à ne pas fâcher le front social et à trouver des ressources supplémentaires susceptibles de boucher un trou dans le déficit encore abyssal attendu dans les finances publiques.
Entré en fonction le 19 décembre dernier, le nouveau président de la République, et son Premier ministre Abdelaziz Djerrad, nommé début janvier, devront faire avec cet héritage qui s’avère empoisonné de l’ancienne équipe dirigeante.
Bedoui et ses ministres avaient agi dans une telle précipitation que beaucoup de décisions prises s’avèrent difficilement applicables. On a vu par exemple comment la rue et de nombreux experts ont réagi aux premier propos tenus par le président sur l’exploitation du gaz de schiste.
On a vu surtout le gouvernement surseoir officiellement (pour la première fois parait-il) à l’application d’une mesure actée dans la loi de finances 2020. Celle-ci est entrée en vigueur début janvier et l’Exécutif, sous la pression des corporations des médecins, avocats et notaires, a décidé de ne pas appliquer les nouvelles dispositions concernant l’imposition au réel des professions libérales, jusque-là soumise au régime de l’IFU (impôt forfaitaire unique), plus avantageux.
Et tout porte à croire que la décision d’autoriser l’importation des véhicules d’occasion (de moins de trois ans) est sur le point de connaître le même sort à cause d’une disposition incompréhensible prévue par l’ancien gouvernement.
Il est en effet question que le paiement des véhicules à importer se fera en devises et en passant obligatoirement par les banques algériennes, au moment où celles-ci sont tenues de réclamer des justificatifs sur les sommes déposées quand elles dépassent les 1000 euros.
Appliquer la disposition, c’est légaliser l’informel et le marché noir de la devise, et forcer les banques à fermer les yeux sur la provenance des fonds en devises.
Le gouvernement est mis devant un casse-tête et, en attendant de trancher, le marché national n’est pas approvisionné en véhicules neufs à cause des restrictions qui frappent les usines d’assemblage, une autre décision héritée de l’ancien gouvernement.
La remise en cause des dispositifs SKD-CKD a aussi frappé de plein fouet l’industrie de l’électronique et de l’électroménager avec l’annonce des premiers licenciements et mises en congé technique de travailleurs qui iront grossir les rangs de ceux qui ont perdu leur gagne-pain conséquemment à la gestion à la hussarde de ces derniers mois.