Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens en tout premier lieu à remercier le ministre Anders Samuelsen pour avoir prévu dans le programme de ma visite de travail dans ce beau pays cette rencontre-débat au Collège Royal de Défense du Danemark consacrée à une présentation du rôle que joue mon pays dans l’affirmation de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans notre voisinage immédiat en Afrique du Nord et dans le Sahel ainsi que sur la politique de dé-radicalisation mise en œuvre dans le cadre de sa stratégie globale de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.
Je tiens aussi à remercier le commandant-directeur ainsi que tous les membres du conseil d’Administration de cette prestigieuse institution pour l’accueil et pour l’opportunité qui nous est ainsi offerte de partager avec cet important auditoire quelques réflexions sur ce thème, auquel vous accordez, j’en suis convaincu, une grande importance.
Située dans une zone géographique charnière entre l’Europe, l’Afrique et le monde arabo-musulman, et bordée par une Mer Méditerranée dont
l’importance stratégique pour la paix, la sécurité, mais aussi les échanges commerciaux et la coopération économique internationale, est vitale, l’Algérie est aujourd’hui un pays sécurisé qui vit en paix et jouit d’une grande stabilité dans une zone marquée par de grandes turbulences dues notamment aux crises que connaissent certains pays du voisinage, à la persistance de la menace terroriste et au phénomène de la migration clandestine massive qui pose, lui aussi, de sérieux défis à la stabilité et à la sécurité dans la région.
Cette stabilité dont jouit l’Algérie malgré les multiples défis sécuritaires qui marquent la région lui a valu son classement, en 2016 et 2017, au septième
rang des pays les plus sûrs au monde par l’institut Gallup de Washington. Nous attendons avec intérêt l’édition 2018 de ce rapport.
Ce résultat est l’aboutissement d’une vision de paix, de réconciliation, de dialogue et de développement à long terme préconisée par le Président
Abdelaziz Bouteflika dès son élection à la magistrature suprême en 1999 et
traduite dans les faits par des politiques, de stratégies et de programmes dans les différents domaines et sur lesquels je reviendrais dans la deuxième partie de cette présentation. C’est également grâce au rôle joué par l’Armée nationale populaire et les forces de sécurité pour la préservation de la sécurité et de la stabilité du pays.
Dans cette première partie, je voudrais souligner la fragilité et la volatilité qui distinguent certaines régions de notre environnement géopolitique direct, en particulier en Libye et au Sahel et les efforts que mon pays déploie pour contribuer aussi efficacement que possible au dépassement des divergences et au rétablissement de la paix, de la stabilité et de la sécurité.
De prime abord, je tiens à souligner que l’action que mon pays entreprend à cette fin repose sur des principes clairs, à savoir la non-ingérence dans les
affaires d’autrui, l’équidistance par rapport à toutes les parties et toutes les positions et intérêts en présence et l’appropriation des processus de règlement des crises et conflits à l’abri de toute interférence ou pression étrangères.
Cette action repose aussi sur le respect de l’intégrité territoriale des pays concernés, de leur souveraineté, de leur unité nationale et également sur la
préservation de leur cohésion nationale. Elle s’inscrit toujours dans l’esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies et dans la stricte conformité à la légalité internationale et aux valeurs universelles qui transcendent les conjonctures et concourent au rapprochement des individus et au dépassement rapide et pacifiques des différents entre les peuples et les Etats.
Je ne voudrais pas revenir sur les contributions apportées par les médiations menées par mon pays dans la conclusion, en 1975, de l’accord frontalier entre l’Iran et l’Irak, la libération, en 1981, des diplomates américains détenus en otages à Téhéran, l’accord de Paix signé en 2000, entre l’Ethiopie et l’Erythrée lequel avait mis au conflit armé et qui permet aujourd’hui à ces deux pays de établir leurs relations et d’envisager positivement leur avenir commun, ou encore la médiation dans la crise des grands Lacs et la conclusion de l’Accord de Ta’if qui a mis fin à la guerre civile au Liban.
Aujourd’hui, en s’adossant à ces mêmes principes, mon pays investit ses efforts et s’investit pleinement dans les processus de paix en Libye, au Mali et au Sahara Occidental et développe avec ses voisins, au Nord comme au Sud, une coopération multidimensionnelle dans la lutte contre les fléaux du terrorisme et de l’extrémisme violent.
Dans la crise libyenne, l’Algérie, en tant que pays voisin, soutient pleinement les efforts et la feuille de route des Nations Unies pour une solution politique entre toutes les parties libyennes sans interférence ou ingérence étrangère, respectant la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité et la cohésion nationale de ce pays frère. Nous entretenons une position d’équidistance avec toutes les parties, avec lesquelles nous maintenons, d’ailleurs, des contacts réguliers.
Au Mali, l’Algérie reste pleinement engagée dans la mise en œuvre de l’Accord de Paix d’Alger par toutes les parties signataires de ce document, en dépit de la multiplication des actes de violence et de terrorisme.
Au Sahara Occidental, mon pays appuie les efforts des Nations Unies en faveur de l’exercice par le peuple de ce territoire non autonome de son droit
inaliénable à l’autodétermination, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et à la légalité internationale. C’est dans cet esprit et sur cette base que mon pays a pris part, en qualité d’observateur, comme d’ailleurs l’autre pays voisin, la Mauritanie, au récent round de négociations organisé à Genève par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara Occidental.
Nous aurons l’opportunité de revenir plus en détails sur ces différentes questions dans le cadre du débat qui suivra cette présentation.
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
S’agissant de la deuxième partie de cette présentation, et comme vous le savez, l’Algérie a vécu dans les années quatre-vingt-dix une tragédie nationale
engendrée par l’agression terroriste qui a visé le peuple algérien et ses institutions.
Tout en organisant la réponse sécuritaire à cette agression, pour protéger la population, les institutions et tout le pays contre la violence terroriste, mon pays a progressivement mis en œuvre une politique de dé-radicalisation qui a porté ses fruits et qui lui permet aujourd’hui de vivre dans la paix, la stabilité et la sécurité et de consacrer ses ressources au seul service du développement socioéconomique.
Cette politique repose sur la conviction que l’option sécuritaire, bien qu’elle soit indispensable, n’est pas à elle seule suffisante.
Dans cette brève intervention, je voudrais vous donner un aperçu des grands principes sur lesquels repose cette politique, les domaines qu’elle couvre ainsi que les acteurs concernés.
Mesdames, Messieurs,
Parmi les principes sur lesquels repose la politique de dé-radicalisation en Algérie, la lutte contre les facteurs de marginalisation et d’exclusion, la
promotion de la justice sociale et de l’égalité de chances, la réconciliation nationale, la promotion de la démocratie, de l’état de droit, de la bonne
gouvernance, des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’indépendance de la justice occupent une place centrale.
Le discours extrémiste qui est fondé sur la logique de l’exclusif et de l’exclusion est battu en brèche, dévalorisé et vidé de sa substance et de sa portée par ces différents leviers sur lesquels reposent la stabilité et la pérennité des sociétés modernes.
La justice et la bonne gouvernance renforcent la confiance du citoyen dans ses institutions publiques. La démocratie consolide la liberté d’expression. Elle dévoile par là-même le discours extrémiste et toute la violence qu’il véhicule. Elle contribue à sa marginalisation et à son rejet par la population et expose ses tenants à la rigueur de la loi.
A la vérité, la démocratie s’affirme comme le meilleur antidote à l’extrémisme violent et au terrorisme. La réconciliation nationale, prônée par le Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika et mise en œuvre sous sa conduite avec le soutien massif, par voie référendaire, de tout le peuple algérien, sacralise la vie humaine et la place au-dessus de toute autre considération. Elle repose sur les valeurs fondamentales de tolérance, de dialogue, du vivre ensemble en paix, de l’acceptation mutuelle et du respect de la différence.
La justice sociale, pour sa part, réduit les vulnérabilités ainsi que les marges d’exposition aux arguments développés, et fortement exploités, par les
idéologues et les recruteurs des groupes extrémistes et terroristes. En somme, la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme consiste à
priver les tenants et promoteurs du terrorisme et de l’extrémisme violent de facteurs d’ancrage dans la société et dans son mode de fonctionnement
politique et socioéconomique.
C’est dans cette voie que l’Algérie s’est engagée depuis l’accession de M. Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême du pays en 1999. Et c’est grâce
à cette politique que le pays a rapidement refermé, par des voies pacifiques et en partant de la conviction que la voie de la répression légale a nécessairement ses limites, les plaies de la décennie noire et mobilisé le peuple tout entier autour du seul objectif qui vaille la peine, le développement du pays et le bien-être de tous ses citoyens, sans exception ou exclusion, dans le respect de la Constitution et des lois de la République.
Aujourd’hui, l’Algérie s’emploie à promouvoir et à ancrer dans les esprits et le comportement des citoyens et des institutions les valeurs et vertus du vivre ensemble en paix. C’est d’ailleurs à l’initiative de mon pays que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies avait adopté, il y a exactement une année, la Journée Internationale du vivre ensemble en paix qui sera célébrée le 16 Mai de chaque année.
Mesdames, Messieurs,
Le deuxième volet de cette intervention porte sur quelques-uns parmi les nombreux domaines couverts par la politique de dé-radicalisation mise en
œuvre en Algérie. En fait, dans la guerre livrée au terrorisme et à sa matrice, l’extrémisme violent, les autorités algériennes se sont vite aperçues que pour être gagnée, celle-ci nécessitait l’implication directe de tous les autres secteurs politique, socioéconomique, culturel, cultuel, éducationnel, médiatique, technologique…etc.
La question était non pas qui était concerné par cette lutte, mais plutôt qui ne l’était pas. C’est ainsi qu’au plan politique, la révision constitutionnelle de l’année 2016 avait pour objectif principal le couronnement des nombreuses réformes institutionnelles lancées les années précédentes ainsi que la consolidation de la démocratie à travers l’élargissement des espaces démocratiques et le renforcement par une large gamme de nouvelles dispositions des fondements de l’état de droit, notamment l’extension des droits de l’opposition, des partis politiques et de la société civile dans la participation à la gestion des affaires publiques.
Au plan économique, les stratégies et ambitieux programmes de développement avaient pleinement intégré la nécessité d’une réduction
substantielle du chômage, celui des jeunes en particulier, et la multiplication et la diversification des opportunités de formation, de manière à offrir aux jeunes des opportunités d’intégration à l’économie et les soustraire à la menace de l’influence des groupes terroristes. C’est ainsi que le taux de chômage est tombé de 29% en 1999 à 9% avant de remonter actuellement à 11,1%.
Le secteur de l’éducation a connu, en 2008, une réforme en profondeur des programmes avec l’objectif de former un citoyen à l’esprit critique développé, imbu et fier de son identité nationale et ouvert sur la civilisation universelle et sur la modernité.
Au plan religieux, l’action de l’Etat s’est concentrée sur le rétablissement de la centralité du référent national religieux dans la vie religieuse de la Nation. Elle s’est déployée dans plusieurs directions, dont, notamment : l’amélioration de la formation des imams, le recours accentué aux mourchidates (femmes imams), le rétablissement de la mosquée dans son rôle traditionnel, la centralisation du discours religieux et de la fetwa et leur mise à l’abri des influences et manipulations extrémistes ou politiciennes, la création en cours d’une académie du Fiqh et d’un observatoire national de l’extrémisme violent, la création d’une chaire de l’orientation religieuse et de l’imamat au niveau de l’université, la dissémination à grande échelle et à travers une large gamme de vecteurs, séminaires nationaux et internationaux, cycles de formation et de vulgarisation, débats télévisés, programmes radio, publications diverses …etc. de l’Islam authentique celui porteur des valeurs de paix, de tolérance, de dialogue, de fraternité et de sacralité de la vie humaine.
Vis-à-vis de l’étranger, l’Algérie contribue à la formation des imams des pays du Sahel et envoie des imams prêcher un Islam modéré auprès de la communauté algérienne installée en France, et ce dans le cadre d’un accord bilatéral avec ce pays. Elle est disposée à élargir cette expérience positive à d’autres pays intéressés par cette formule.
Dans le domaine de la communication, l’Etat a consenti d’importants efforts pour encourager l’exercice effectif de la liberté d’expression, garantie par la Constitution. L’action a porté sur l’amélioration de la formation des journalistes, notamment dans le traitement de l’information sécuritaire, la
création d’une cinquantaine de radios locales et thématiques, dont certaines sont dédiées aux jeunes, la création de la radio et de la chaine de TV du Coran, l’ouverture du secteur audiovisuel au capital privé national, ce qui a permis l’émergence d’une cinquantaine de chaines de TV privées, dont le premier résultat positif a été de détourner l’attention de l’écrasante majorité des jeunes algériens du discours extrémiste développé par certaines stations de Tv étrangères. L’action de l’Etat en matière de dé-radicalisation porte aussi sur d’autres secteurs que vous pourriez consulter dans un recueil consacré à ce sujet.
Mesdames, Messieurs,
Le troisième volet de cette introduction a trait aux acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la politique de dé-radicalisation menée en Algérie. Celle-ci repose sur la combinaison des efforts de l’Etat, de la société civile dans sa grande diversité et surtout du citoyen.
En vertu de ses missions régaliennes, l’Etat assume la responsabilité première dans la préservation de l’ordre public et de la protection des personnes et de leurs biens. Le contexte de lutte contre l’extrémisme violent exige que l’Etat bénéficie pleinement de la confiance de la population et que celle-ci puisse jouir de sa protection face à la menace terroriste sous ses différentes formes.
Un Etat fort, juste et capable, tirant sa légitimité de la primauté du droit, reste la condition indispensable au succès de la lutte contre ces fléaux. Les efforts déployés par mon pays dans cette voie sont restitués dans le recueil consacré à la présentation de l’expérience algérienne en matière de promotion de la démocratie et de l’état de droit en tant qu’antidote de l’extrémisme violent et du terrorisme que vous pourriez consulter sur le site du Ministère algérien des affaires étrangères.
Je tiens cependant à souligner que le rôle de la société civile et du citoyen ont été et restent déterminants dans la lutte anti-terroriste.
Mesdames, Messieurs,
Pour terminer, je reviendrais sur les trois grandes conclusions suivantes :
Tout d’abord, le fait que la politique de réconciliation nationale, combinée aux différentes autres mesures, a permis une nette décantation, dévoilant une écrasante majorité de terroristes qui ne demandait qu’à réintégrer la société contre une infime minorité d’extrémistes qui a préféré persister dans son aventure criminelle. L’insignifiance du niveau de récidive parmi ceux qui ont bénéficié des dispositions de la réconciliation nationale est un indice à lire positivement du point de vue de la politique de dé-radicalisation menée par l’Etat.
En second lieu, même parmi la minorité des extrémistes, l’appel du repentir et du retour au sein de la communauté nationale est resté une option que
beaucoup de chefs terroristes et de simples éléments de ces groupes ont fini par choisir en se rendant aux autorités, fuyant ainsi l’impasse de la voie de la violence terroriste.
En troisième lieu, la politique de dé-radicalisation est certes née dans le feu de l’action avec l’objectif de préserver le maximum de vies humaines, mais elle s’est vite adaptée à la nature évolutive de la menace extrémisme et terroriste et s’est inscrite dans la durée en priorisant la prévention, ceci afin de mettre durablement la nation à l’abri de nouvelles dérives extrémistes et terroristes. J’espère vous avoir apporté quelques éclaircissements utiles sur l’expérience algérienne en matière de dé-radicalisation et reste à disposition pour répondre
à vos questions.
En conclusion de ce point sur la politique de dé-radicalisation, et comme indiqué plus haut nous avons élaboré un recueil détaillant ses axes principaux, document que nous mettons également à votre disposition et que vous pouvez retrouver aussi sur le site de notre ministère des affaires étrangères.
Je vous remercie pour votre aimable attention.
* Ministre des Affaires étrangères