Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a prononcé un discours ce jeudi 29 novembre à la clôture de la rencontre Gouvernement-walis. Nous le publions en intégralité.
« Bismillah Errahmane Errahim
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Walis,
Il m’est agréable d’entamer mon propos en vous transmettant les salutations de Son Excellence, Monsieur le Président de la République qui m’a chargé de clôturer en son nom cette importante réunion entre le Gouvernement et les Walis.
Je voudrai aussi vous féliciter pour la confiance placée en chacun de vous par le Chef de l’Etat, lors du dernier Mouvement dans le Corps des Walis.
Vous êtes, conformément à la Loi, les représentants du Gouvernement. Mais sur le terrain, vous êtes l’incarnation directe de l’Etat, pour conduire les programmes de développement, pour faire face aux doléances des citoyens, mais aussi pour canaliser et maitriser les situations de crises découlant de catastrophes naturelles ou provoquées par les perturbations sociales.
Voilà pourquoi, je tiens à vous exprimer, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, un hommage bien mérité ainsi qu’un soutien total dans l’accomplissement de votre mission.
Mesdames et Messieurs les Walis,
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les recommandations des cinq ateliers que vous avez animés durant cette rencontre, recommandations qui s’inscrivent en droite ligne avec les actions que développe le Gouvernement.
Ces recommandations sont également riches en propositions qui seront étudiées avec soin par le Gouvernement et qui, je n’en doute pas, seront aussi traduites en actions concrètes sur le terrain.
C’est dans un esprit de complémentarité entre l’action du Gouvernement et vos interventions locales, que je voudrai vous faire part de quelques remarques et de quelques orientations, qui seront regroupées en 04 axes, à savoir :
1°. La situation financière du pays dont vous devez être parfaitement imprégnés pour qu’elle se reflète dans vos demandes et dans vos réalisations ;
2°. La promotion locale du développement économique ;
3°. La prise en charge du défi démographique sur le terrain ;
4°. L’adaptation du service public aux évolutions de la société.
Mesdames et Messieurs les Walis,
Au titre du premier axe, je tiens à vous entretenir de la situation financière du pays et des mutations qu’elle nous dicte dans la conduite de la politique publique de développement.
Parlant de la situation financière, je vous rappelle que le prix du baril de pétrole a connu une grave chute de 70% en 2014, passant de plus de 100 $ à près de 30 $. Le budget de l’Etat a pu tenir jusqu’en 2016 grâce à une épargne publique proche de 6000 milliards DA, accumulée dans le Fonds de régulation des recettes créé par M. le Président de la République. Ce Fonds a été totalement épuisé au début de l’année 2017.
A partir de 2017, le Trésor s’endette continuellement auprès de la Banque d’Algérie pour financer le déficit budgétaire proche de 2000 milliards DA par an. A ce jour, le Trésor a emprunté près de 4000 milliards DA auprès de la Banque d’Algérie, ce qui représente une dette publique de 36 % du PIB. Cela n’est pas une catastrophe comme le prétendent certains et cela n’a pas produit une explosion de l’inflation comme d’autres l’annonçaient : l’inflation est à moins de 5%.
Cependant, le financement du Trésor auprès de la Banque d’Algérie cessera en 2022 conformément à la loi. D’ici là, nous devrons avoir progressé dans les réformes qui nous permettront de rétablir l’équilibre du budget de l’Etat.
Évitons aussi de tomber dans l’illusion d’une remontée des prix du pétrole : ils viennent de perdre de nouveau 30% ces dernières semaines, chutant de 86 $ à moins de 60 $.
Nous devons donc rationaliser nos dépenses grâce à des réformes qui sont en cours de préparation et qui seront mises en place à un rythme supportable pour la société et sans casser la dynamique du développement.
Certaines de ces réformes dépendent du seul comportement des administrations publiques centrales et locales, et elles devront donc mobiliser notre attention.
En premier lieu, nous devons pousser les entreprises qui contractent les commandes publiques de réalisations à revoir à la baisse leurs offres. Le prix du ciment à baissé. Le prix du rond à béton à baissé. Mais les contrats des chantiers publics ne baissent pas.
Cela doit changer car il s’agit de l’argent public, et si l’Etat a des difficultés financières, les entreprises en souffrent directement. Nous l’avons constaté avec l’accumulation ces dernières années de près de 1000 milliards DA de créances impayées détenues par des entreprises, dont certaines ont même été poussées à la faillite.
En second lieu, les Ministères mais aussi les Wilayas doivent adapter leurs demandes de projets à réaliser non seulement à la situation financière du Trésor mais aussi à la réalité du portefeuille national des projets déjà inscrits.
A la fin de l’année 2017, le Programme En Cours totalisait plus de 13.500 milliards DA. L’exécution de ce programme est toujours trop lente. Il en résulte de couteuses réévaluations. A titre illustratif, le projet de Loi de Finances pour 2019 comporte un budget d’équipement doté de 2600 milliards DA en Autorisations de Programmes, parmi lesquelles 500 milliards DA de réévaluations, soit 20% du total.
Il vous reviendra donc de vous en tenir à la réalisation du Programme en cours. Les mesures prises avec les Ministères bloquent toute nouvelle inscription jusqu’en 2021. Par contre, nous continuerons à dégeler des réalisations déjà entamées, selon les capacités financières disponibles.
En troisième lieu : le Gouvernement compte sur vous, Mesdames et Messieurs les Walis pour apporter votre éclairage du terrain afin que soit améliorée la rentabilité des infrastructures existantes. Visitez vos hôpitaux par exemple : souvent il ne leur manque que quelques équipements que nous devons allouer ce qui sera à la satisfaction des citoyens.
En quatrième lieu : aidez-nous à développer et à entretenir des réalisations locales peu couteuses mais importantes pour les citoyens : des routes communales et de wilayas, des petites infrastructures sportives et culturelles, et autres.
Nous avons tracé un cap dans cette direction en augmentant de 60 à 100 milliards DA les Programmes communaux de développement (PCD). Nous sommes prêts à faire plus, y compris au titre des programmes sectoriels, pour améliorer le quotidien des citoyens dans les quartiers et dans les villages : le développement ne doit pas être concentré dans les Chefs lieux et sur les grands axes uniquement. C’est cela aussi la justice sociale et la solidarité nationale.
En cinquième lieu : nous vous demandons une attention plus soutenue pour ces petits projets de développement local, au niveau des wilayas frontalières, au niveau des wilayas des Hauts Plateaux et au niveau des wilayas du Sud. M. le Président de la République a décidé à juste titre que ces zones bénéficieront d’efforts de développement supplémentaires, en plus de leurs parts dans le budget national.
Faites donc des propositions avec des montants raisonnables, et le Gouvernement y répondra favorablement.
Mesdames et Messieurs les Walis,
Le second axe dont je souhaite vous parler est celui du développement hors hydrocarbures, qui progresse partout mais qui doit être accéléré.
Pour arriver à cette fin, nous avons d’abord pris la décision de décentraliser, vers l’autorité des walis, tout investissement de moins de 10 milliards DA.
Nous avons également doté les guichets locaux de l’ANDI des personnels nécessaires pour qu’ils soient réellement des « guichets uniques ».
Nous avons aussi mis en chantier 50 nouvelles zones industrielles à travers les wilayas avec une enveloppe budgétaire de 100 milliards DA. La réception de la quasi totalité de ces zones est attendue en 2019. Nous sommes prêts à aider les wilayas à développer aussi des Zones d’activités au niveau des communes.
Nous venons de rétablir l’accès aux avantages du Code des investissements pour près de 30 activités économiques dont le déficit existe dans plusieurs wilayas.
Nous allons engager avant la fin de cette année, un programme de mise à niveau de plus d’une centaine de Zones d’expansion touristique à travers toutes les wilayas.
La pleine autorité vous est donnée aussi sur l’investissement et la mise en valeur dans le domaine de l’agriculture.
Il vous reviendra désormais d’être de véritables promoteurs du développement économique dans chaque wilaya. Pour cela, il vous reviendra chacun de faire connaître les capacités et les opportunités de chaque wilaya et d’en faire la promotion pour attirer les investisseurs.
La création de richesses et d’emplois est désormais aussi importante que la seule satisfaction de la demande sociale en logements et autres commodités. Je dirai même que c’est la création de plus de richesses, dans toutes les wilayas, qui permettra au pays d’assurer la poursuite de sa généreuse politique sociale.
Du côté du Gouvernement, et conformément aux directives de M. le Président de la République, nous avons décidé d’avancer rapidement dans l’approfondissement de la décentralisation.
Ainsi, durant le mois passé, le Gouvernement a décidé de transférer totalement 14 domaines de décisions du niveau central au niveau de la wilaya. Parmi ces transferts, je citerai des questions relevant de l’urbanisme, et d’autres concernant la conduite de l’investissement dans tous les secteurs.
Le Gouvernement va poursuivre cette décentralisation des attributions et nous vous demandons de nous faire des propositions en la matière.
Mesdames et Messieurs les Walis,
Le troisième axe sur lequel le Gouvernement attend une plus grande contribution de votre part, est celui relatif au défi de la croissance démographique.
Comme vous le savez, la population augmente à présent chaque année d’un million de citoyens. Ce sont là autant de demandes nouvelles dans tous les domaines, dont je distinguerai deux.
En premier lieu, nous devons tout faire pour garantir des conditions de scolarisation correcte à nos enfants.
En cela, nous avons été quelque peu dépassés, du fait de (i) l’augmentation de la demande, de (ii) l’effet des gels de construction des établissements scolaires ; (iii) de la livraison de cités nouvelles sans écoles.
Le gel des constructions scolaires a été largement résorbé, avec plus de 1700 projets libérés, et nous finaliserons ce processus en 2019.
Nous avons aussi interdit la livraison de cités nouvelles sans établissements scolaires et vous devrez veiller au strict respect de cette instruction.
Quant à l’augmentation de la demande, elle demeurera forte pour les années à venir, et je vous charge d’accorder une grande priorité aux constructions et aux extensions d’établissements scolaires, jusqu’à maitrise totale de cette question.
En second lieu, et concernant toujours le défi de la croissance démographique, nous devons tout faire pour garantir une plus grande offre d’emplois à nos jeunes sur le terrain.
Certes, le développement de l’investissement générera plus d’emplois, mais cela restera insuffisant.
Voilà pourquoi, tous les programmes publics de soutien et d’encouragement à la création d’emplois devront être dynamisés encore plus dans tous les secteurs, et j’en citerai trois devant vous.
Il s’agit d’abord de la création des micros entreprises dans tous les créneaux d’activités. Faites en sorte de les promouvoir, de conseiller les jeunes sur les créneaux rentables et faites en sorte aussi de leur aménager des locaux dans les zones industrielles et les zones d’activités.
Mettez aussi le même intérêt à orienter les jeunes vers la création d’activités dans le large domaine de l’agriculture. Faites connaître les opportunités existantes, et dotez-vous de structures et d’équipes locales d’accompagnement des jeunes qui s’engageront dans ces créneaux.
Enfin, engagez sur le terrain la mise en œuvre de la délégation de service public qui est désormais réglementée et qui apportera plusieurs solutions aux besoins locaux. Cela mettra en activité des infrastructures réalisées mais non exploitées faute de budget. Cela offrira aussi des emplois à de jeunes compétences qui seront concessionnaires de ces services publics. Cela permettra enfin d’améliorer les réponses aux attentes de la population, notamment en matière de développement humain.
Mesdames et Messieurs les Walis.
Le quatrième et dernier axe de mes remarques est relatif à l’amélioration du service public en direction du citoyen.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que nos citoyens attendent beaucoup sinon même tout, de l’Etat que vous incarnez.
En matière de développement humain, le pays a enregistré des avancées énormes sous la direction du Président BOUTEFLIKA et d’importants programmes sont encore en réalisation. Concernant le développement économique, je vous disais il y a peu qu’il doit devenir notre priorité localement. Il reste donc à améliorer l’efficacité de l’administration locale, la sécurité publique ainsi que la communication.
S’agissant de l’efficacité de l’administration elle continuera à progresser grâce à la numérisation qui fait l’objet d’une véritable mobilisation du gouvernement.
En effet, l’année 2019 connaitra une interconnexion approfondie entre le niveau central et le niveau local de nombreuses administrations ainsi qu’une interconnexion élargie entre secteurs, avec tous les moyens que cela exige. A l’horizon 2021, l’Algérie aura parachevé sa profonde mutation en matière de numérisation et d’administration électronique comme l’a décidé M. le Président de la République.
S’agissant de l’amélioration de la sécurité publique, le pays soutient un nombre incalculable d’associations locales qui doivent être mises à contribution dans la prévention des incidents et dérapages sur le terrain.
L’Etat s’est également doté d’importantes forces de police et de gendarmerie parfaitement formées pour contenir toutes tentatives de semer le trouble dans les cités, dans les stades et sur la voie publique.
Le Gouvernement compte donc sur vous, Mesdames et Messieurs les Walis, pour faire usage avec discernement de ces moyens préventifs et de maintien de l’ordre.
Enfin, la communication est une véritable lacune dans notre gouvernance tant au niveau national qu’au niveau local. Cela s’aggrave de plus en plus avec le développement des réseaux sociaux.
Le redressement de cette lacune est un défi que nous veillerons à relever. Au niveau local, la diffusion de l’information par toute administration concernée ne laissera pas le terrain à la rumeur et, parfois même, à la manœuvre subversive.
Vous êtes donc instruits de communiquer davantage, vous mêmes Mesdames et Messieurs les Walis ainsi que vos collaborateurs, y compris les Chefs de daïras. Utilisez les radios locales. Dotez-vous aussi de sites de vos services sur la Toile.
Nous sommes naturellement disposés à organiser et à financer tout programme de formation ou de perfectionnement qui sera jugé nécessaire.
Au nom du Gouvernement aussi, nous garantissons par avance la couverture requise pour toute initiative engagée dans ce domaine, car c’est avec la pratique que se développera une communication bien efficace.
Mesdames et Messieurs les Walis,
A travers mes remarques, je n’ai pas parlé des élus locaux qui sont vos partenaires dans l’action au quotidien, et dont la prochaine révision des Codes pertinents consolidera la place et le rôle.
Ainsi que vous l’aurez constaté, j’ai souhaité vous entretenir de questions pratiques, en espérant avoir complété ainsi les bénéfices que vous aurez retiré de ces importantes Assises.
De plus, j’espère que ce message qui reflète les orientations et les directives régulièrement soulignées par M. le Président de la République, nous permettra de mobiliser les énergies requises pour franchir cette étape nationale financièrement difficile, encouragés en cela par les perspectives prometteuses de notre pays à moyen terme.
En effet, en termes d’infrastructures et de développement humain, l’Algérie a doublé ses capacités durant les vingt dernières années.
Dans le domaine agricole, les progrès sont immenses et les marges de progression demeurent encore très importantes.
Dans le domaine industriel, d’importantes réalisations démarrent chaque mois dans divers secteurs et dans toutes les régions du pays. Il en est de même pour les projets moins visibles engagés localement et qui ont été de plus de 8000 au cours des dix huit derniers mois.
Pour les hydrocarbures, les potentialités à mettre en valeur sont immenses, qu’il s’agisse des hydrocarbures conventionnels y compris en offshore, ou qu’il s’agisse des hydrocarbures de schiste.
Dans le domaine minier enfin, le pays a enregistré au début de cette semaine le lancement du chantier à travers plusieurs wilayas de l’Est, d’un énorme complexe d’exploitation de phosphates et de production d’engrais, qui, à lui seul, générera 2 milliards $ d’exportations hors hydrocarbures à partir de 2022.
Tout cela souligne que l’Algérie a de grandes potentialités à mettre en valeur, avec un peu de patience et avec beaucoup plus de travail.
Il nous revient à nous, Ministres et Walis, serviteurs de l’Algérie et dirigeants de son administration centrale et locale, d’y concourir avec plus de rationalité dans nos efforts et avec plus de proximité dans notre action.
Dans cette noble bataille au service du pays, le Gouvernement sait pouvoir compter sur votre précieuse contribution Mesdames et Messieurs les Walis.
Je vous remercie de votre attention et formule tous mes vœux pour votre succès.