Le gouvernement ne semble pas avoir pris par le bon bout cette histoire de hausse des prix des documents biométriques, prévue dans le projet de loi de finances complémentaire 2018.
Déjà dans la gêne suite aux informations faisant état d’une seconde lecture du texte qu’aurait exigée le président Bouteflika, Ahmed Ouyahia et ses ministres ont multiplié les maladresses et les tâtonnements dès la publication des premières fuites.
Que ce soit sur la forme ou dans le fond, l’action gouvernementale dans ce dossier est contestable. Tout a donc commencé par la divulgation de la teneur du document par la presse, ce qui constitue déjà une faille dans le dispositif.
L’Exécutif a été pris de court et on ne peut pas dire qu’il a déployé une communication efficace pour rassurer et éviter la tempête qui allait se déclencher sur les réseaux sociaux.
Le communiqué des services du Premier ministre du 24 mai crée un climat de malaise en évoquant explicitement des fuites organisées, donc intentionnées et surtout malveillantes.
« Des « fuites » organisées sur l’avant-projet de loi de finances complémentaire pour l’année 2018 alimentent la spéculation et parfois même les fausses informations sur les nouveaux tarifs de délivrance des documents électroniques », lit-on dans le texte.
Puis, les augmentations révélées par la presse sont vite confirmées. Ce ne sont donc pas des spéculations et de fausses informations. Ces documents indispensables dans la vie du citoyen seront bien plus chers, beaucoup plus chers que ce qu’ils étaient.
Ensuite, le gouvernement défend les nouvelles mesures comme si elles étaient définitivement adoptées. À aucun moment, il n’est relevé que la loi de finances complémentaire est encore au stade de projet et que des modifications pourraient survenir en Conseil des ministres ou au niveau de l’une des deux chambres du Parlement.
En un mot, que les augmentations annoncées pourraient être réduites ou carrément annulées. Personne ne se fait d’illusion quant au sort du texte une fois devant les députés et les sénateurs, mais le gouvernement, dans sa communication, se doit de s’en tenir à la stricte procédure.
L’impair sera rectifié par le ministre de l’Intérieur dimanche 27 mai en conférence de presse : « Pour le moment, nous sommes dans une phase de débat, de discussions. Nous avons évoqué le sujet au niveau du gouvernement, et nous sommes à ce niveau de débat et de propositions ». Mais Noureddine Bedoui passera lui aussi à côté en comparant les nouveaux tarifs aux prix appliqués en France pour ce genre de documents.
Si le ministre de l’Intérieur s’est montré prudent, ce n’est pas le cas du ministère du Commerce, qui a annoncé dimanche dans un communiqué, qu' » un droit additionnel provisoire de sauvegarde sera mis en place comme en matière de droits de douanes avec des taux extrêmement dissuasifs (de 30 à 200%). » Une mesure contenue dans le PLF 2018, qui n’est pas encore adopté.
C’est surtout dans le fond que le gouvernement a véritablement failli dans ce dossier. Même si, officiellement, les augmentations ne sont pas destinées à couvrir quelque déficit, c’est subséquemment ce à quoi elles seront destinées.
Le message ressemble à peu près à ceci : les documents biométriques ont un coût que l’État ne peut pas prendre en charge. Mais pourquoi alors aller vers une telle mesure impopulaire à un moment de relative embellie financière et ne pas l’avoir fait dans la période de véritable disette traversée par le pays ?
À titre de rappel, lorsque le Premier ministre criait famine devant le Parlement en octobre dernier, assurant ne pas avoir de quoi payer les fonctionnaires, la loi de finances 2018 était en phase d’élaboration.
Aussi, le gouvernement doit expliquer à l’opinion quels objectifs chiffrés ont été assignés à cette nouvelle niche fiscale, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Les montants recouvrés ne seront sans doute pas astronomiques et ne couvrirons pas d’importants trous. On s’interroge du coup sur l’opportunité d’une telle mesure, au moment où existent d’autres niches plus porteuses et moins impopulaires. Car si dans cette opération l’État ne gagnera pas grand-chose, le simple citoyen perdra gros.
Que l’on juge : 2500 DA pour la carte d’identité, 10 000 DA pour le passeport de 28 pages, 15 000 DA le permis de conduire (léger) et 20 000 DA pour la carte grise automobile.
Ces hausses sont présentées comme de nouveaux tarifs conformes aux coûts de confection des documents considérés, avec cependant une marge inexpliquée de 500 DA sur la carte d’identité, de 5000 DA sur le permis et de 4 000 DA sur le passeport. A-t-on pensé aux franges démunies qui pourraient être privées des documents de citoyenneté faute de pouvoir les payer ?