Depuis le début de la crise sanitaire en Algérie, en février 2020, l’usine algérienne du géant pharmaceutique français Sanofi, située à Sidi Abdallah, dans la banlieue ouest d’Alger, tourne à plein régime.
Des antalgiques aux produits de cardiologie, du diabète et du système nerveux central, des dizaines de milliers de boîtes de médicament y sont produites quotidiennement.
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Principal traitement pour ceux qui développent une forme légère de covid-19, le Doliprane, médicament à base de paracétamol, est incontestablement le médicament phare de cette unité.
Aujourd’hui, l’usine produit chaque jour plus de 140 000 boîtes de cet antalgique. « Avant la crise sanitaire, nous produisions environ 100 000 boîtes de Doliprane par jour. Avec le vovid, nous avons augmenté nos capacités de production. Actuellement, la production du Doliprane est de l’ordre de 140 000 boîtes par jour », révèle le directeur du site, Abdelkrim Sahnoun, qui a accepté d’ouvrir les portes de l’usine à TSA.
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En cette journée ensoleillée de février, les chaînes de fabrication fonctionnent sans discontinuer. « Nous travaillons en shift, en 3 x 8, sur tous les ateliers de l’usine. Depuis l’arrivée du covid, il y a à peu près deux ans, nous assurons des heures supplémentaires tous les week-ends. Les équipes n’ont pas pris de congé l’été dernier. C’est difficile pour eux, mais ils comprennent la situation », tient à souligner le directeur de l’usine.
Le 16 janvier, le ministère de l’Industrie pharmaceutique a annoncé dans un communiqué de presse avoir réquisitionné les unités de production de plusieurs médicaments utilisés dans le protocole thérapeutique du covid-19.
Depuis cette date, les producteurs sont tenus d’augmenter leurs capacités de production, de mobiliser leurs effectifs (au moins six jours par semaine) et l’ensemble de leurs moyens de production. Ceci, « afin de répondre aux besoins en produits pharmaceutiques et de garantir un approvisionnement continu des établissements pharmaceutiques de distribution en gros », indiquait le ministère dans un communiqué.
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« Les instructions sont claires. Elles viennent du ministère de l’Industrie pharmaceutique. On nous a demandé d’augmenter les quantités, et c’est ce que nous faisons », assure M. Sahnoun.
Et de poursuivre : « Nous communiquons l’état de nos stocks, de façon hebdomadaire, tous les jeudis, au ministère via une adresse internet. Le ministère demande désormais plus de Paracétamol et dans des délais de plus en plus courts ».
Tensions sur la matière première
Outre l’augmentation des capacités de production, les producteurs réquisitionnés sont tenus de mettre sur le marché toutes les quantités fabriquées dans un délai maximum de 48 heures.
« Nous respectons bien le délai. Cela se faisait auparavant sur certains produits qui étaient en rupture, mais depuis la note ministérielle, nous le faisons systématiquement pour le Paracétamol », assure M. Sahnoun.
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Une hausse de la production rendue possible grâce notamment à « la mobilisation des effectifs, l’approvisionnement en matière première, et un ajustement dans les volumes de production des produits autres que le Doliprane », explique-t-il.
Autrement dit, la production du Paracétamol a été « priorisée » par rapport aux autres produits.
Bien que le Doliprane, médicament très demandé actuellement en Algérie, soit produit localement, son principe actif, le Paracétamol, lui, est importé.
« Il n’y a pas de fabrication de Paracétamol en Algérie. L’Europe ne le fabrique plus et quasiment tout le Paracétamol mondial vient d’Asie, essentiellement de Chine ou d’Inde », fait savoir le directeur.
Avec la crise sanitaire, la demande sur le Paracétamol a explosé et de fortes tensions sur les chaînes d’approvisionnement à l’échelle internationale ont été enregistrées.
Des tensions qui, selon M. Sahnoune, n’ont cependant pas eu de répercussions sur la production locale du Doliprane.
Cela grâce à l’aide du ministère de l’Industrie pharmaceutique et la mise en place de plans de continuité qui ont permis à la filiale algérienne de Sonofi de ne pas se retrouver en rupture de matière première.
« Nous ne manquons pas de principe actif et nous n’en avons jamais manqué. Nous avons pu importer avec l’aide du ministère toutes les quantités nécessaires malgré l’augmentation de la demande et des prix sur le marché mondial », assure notre interlocuteur.
« On place à l’avance, sur un an, nos prévisions chez le fournisseur pour que l’on puisse être servis parmi les premiers. En termes d’approvisionnement en matière première, la crise ne nous a pas pris de cours. Que ce soit au début de la crise ou maintenant, nous avons toujours eu une couverture de stocks suffisante sur cinq à six mois, sans compter ce qui a été commandé et qui est en cours d’arrivage », ajoute-t-il.
Depuis le début de la crise sanitaire, à chaque pic épidémique son lot de pénuries. Aujourd’hui, alors que le pays fait face à une quatrième vague de covid-19, des Algériens peinent parfois à trouver dans les pharmacies de nombreux médicaments, particulièrement le Paracétamol.
Entre psychose et dysfonctionnements dans la distribution
Des tensions sur ce produit, que le directeur de l’usine de Sanofi de Sidi Abdallah dit ne pas comprendre.
« Je ne comprends pas pourquoi il y a ces tensions. Mais nous sommes en temps de crise, et en temps de crise, il y a des choses complètement irrationnelles », déplore le directeur.
Il explique que la demande locale en Paracétamol a particulièrement augmenté l’été dernier. L’Algérie faisait face, à ce moment-là, à une troisième vague de covid-19 brutale.
« Sur la première et la deuxième vague, le nombre de personnes infectées n’était pas très important. Notre production et celles des autres producteurs nationaux suffisaient largement. Sur la troisième vague, nous étions sur un autre tableau de pathologie, la fièvre était importante. À partir de là, la demande a fortement augmenté », se rappelle M. Sahnoune.
Avec une production maximale et des lots distribués en 48 heures, comment peut-on expliquer alors cette pénurie et cette tension sur certains médicaments ?
Le directeur avoue son incompréhension : « Honnêtement, je ne pourrai pas l’expliquer. Probablement, comme le ministre l’a indiqué, il y a cette peur qui incite les gens à faire des stocks de médicaments. C’est la peur de l’inconnu. Cela a créé une psychose. Il y a aussi certains circuits de distribution qu’il faut revoir ».
À propos de probables dysfonctionnements dans ces circuits de distribution, il se contente de dire que « cette partie est totalement invisible » pour lui, son rôle en tant que directeur d’usine étant de communiquer au ministère toutes les informations sur ce qui est produit et à qui il est vendu. « Notre responsabilité s’arrête là », dit-il.
Sanofi produit en Algérie 70 % des médicaments qu’il y vend. L’objectif est d’arriver à 75 % cette année puis à 80 % l’année prochaine.
Des produits « qui ne peuvent pas être différents » de ceux qui sont vendus dans d’autres pays, assure M. Sahnoune, en réponse à ceux qui pensent qu’il y a une différence entre le Doliprane fabriqué en Algérie et celui importé.
« Les produits fabriqués en Algérie sont soumis à des contrôles suivant les standards internationaux et conformément à ce qu’il y a dans les pays d’origine. Ce sont exactement les mêmes produits. Ils ne peuvent pas être différents. Nous avons exactement la même formule, la même composition et souvent les mêmes fournisseurs d’intrants, mis à part, peut-être, les cartons d’emballage », souligne-t-il.
« Sanofi est engagé en Algérie et nous portons cet engagement et tous les collaborateurs en sont conscients », conclut le directeur du site de Sanofi.