Le roi Mohamed VI a parfois de bonnes intuitions, comme celle qui l’a poussé à solliciter en 2016 l’adhésion du Maroc à l’Union africaine, mais l’idée d’écourter ses vacances à Cuba pour être reçu par le président Donald Trump en Floride ne lui a pas réussi.
Le souverain marocain avait prévu de passer dix jours en famille dans cet archipel des Caraïbes, selon Santiago Piñol, correspondant à La Havane du quotidien espagnol El Mundo, qui cite des sources hôtelières. Il en est reparti le jeudi 13 avril, après un séjour de six jours, pour un voyage improvisé en Floride, dans un avion de la famille royale saoudienne, où Trump venait justement d’arriver pour se reposer à Pâques dans la résidence de Mar-a-Lago à Palm Beach.
C’est Walid Phares, un conseiller présidentiel d’origine libanaise et ancien dirigent de la milice chrétienne Forces Libanaises, qui avait fait miroiter au Palais royal marocain la possibilité d’une audience avec Trump, apprend-on de source marocaine. L’information avait été transmise à l’hebdomadaire français Jeune-Afrique qui le 14 avril titra : « Maroc : le roi Mohamed VI attendu par Donald Trump ce week-end ». Le « scoop » n’était pas signé.
Le 360, le journal online marocain plus proche du Palais, reprit aussitôt l’information et ajouta de son propre cru : « Mohamed VI sera l’hôte d’un déjeuner offert par le président américain » le dimanche 16 avril. Trump offrit ce jour-là un brunch à sa famille et à ses amis et, en début d’après-midi, prit l’avion à Palm Beach pour rentrer à Washington, selon la presse américaine. Il n’y eut pas de déjeuner avec le roi.
À défaut de rencontrer le président américain, Mohamed VI et sa famille se sont promenés dans Miami se prêtant volontiers à des selfies. Dans le restaurant où ils dînaient dimanche un jeune marocain résident en Floride, Yassine Amiri, a demandé au serveur qui s’apprêtait à servir le dessert d’écrire sur le gâteau : « We love you… you are the best (Nous vous aimons… vous êtes le meilleur)« , selon le journal marocain Le Site. Le souverain a vivement apprécié le geste.
Tout espoir n’est pas encore perdu avec Trump. L’entourage royal attend maintenant à Miami de savoir si le président aura un moment dans les prochains jours pour recevoir Mohamed VI à Washington auquel cas il fera le déplacement. Le souverain tient à être reçu à la Maison Blanche pour toutes sortes de raisons à commencer par le Sahara occidental dont le Conseil de sécurité de l’ONU devra débattre à la fin du mois. C’est l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, qui rédigera la première mouture de la résolution qui sera votée.
Mohamed VI cherche aussi à se faire pardonner de Trump son appui à sa rivale démocrate, Hillary Clinton. Des emails échangés entre les collaborateurs de la candidate démocrate, et dévoilés par Wikileaks en octobre 2016, révèlent que le souverain s’était engagé à obtenir 12 millions de dollars pour la Fondation Clinton, mais il n’est pas certain que cette somme lui ait été versée.
La dernière audience présidentielle au roi du Maroc remonte à novembre 2013 quand Barack Obama avait reçu Mohamed VI à la Maison Blanche. Le souverain avait alors prit un triple engagement auprès de son hôte qu’il n’a pas entièrement respecté. Il avait promis, selon des câbles diplomatiques dévoilés par Wikileaks, de mettre en place un programme de visites au Sahara du Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU ; de légaliser les associations saharaouies des droits de l’Homme et de mettre fin au procès de civils par les tribunaux militaires.
Sur le premier point il n’a pas tenu parole ; sur le deuxième le ministère de l’Intérieur marocain a procédé à une légalisation partielle, mais sur le troisième la législation a bien été modifiée pour que les gradés de l’armée ne jugent plus les civils. C’est bien pour cela que les 24 Saharaouis accusés pour les événements de Gdim Izik au Sahara occidental, où 11 agents des forces de l’ordre sont morts fin 2010, sont maintenant en train d’être rejugés par la Chambre criminelle de Salé, près de Rabat.
Même écourtées, les vacances royales à Cuba n’en finissent pas d’étonner les cercles diplomatiques qui suivent de près la politique étrangère du Maroc. La Havane n’a pas de relations diplomatiques avec Rabat et soutient fermement le Front Polisario, le mouvement qui prône l’indépendance du Sahara annexé par le Maroc en 1975, lors du départ de l’Espagne. Pour justifier ce séjour surprenant Le 360 signale que « Mohamed VI a eu des rencontres diplomatiques avec des hauts responsables cubains. Même pour ses vacances, le roi choisit ses destinations en fonction des intérêts de l’État », ajoute le journal proche du Palais.
Le 360 se garde bien de donner des noms de ces officiels cubains. Le roi est un chef d’État et seule une rencontre avec son homologue cubain, Raúl Castro, qui détient lui aussi de très larges pouvoirs, aurait été vraiment significative, mais elle n’a pas eu lieu. Les médias cubains, tous entre les mains du pouvoir, ont ignoré la visite royale tout comme la grande majorité des habitants de La Havane qui n’étaient pas au courant. « La population cubaine a réservé un accueil enthousiaste au souverain », affirme pourtant Le 360.
Les autorités cubaines ont fait, en apparence, le strict minimum pour le roi et son entourage. Elles ont renforcé la sécurité autour de l’hôtel de luxe Saratoga, dans la vieille ville de La Havane, que la famille royale a entièrement occupé, et aussi au Meliá las Dunas, sur la petite île paradisiaque de Cayo Santa Maria. Elles ont également mis à leur disposition les limousines noires dans lesquelles se déplacent les grands pontes du régime.