Donald Trump a finalement mis à exécution sa menace d’instaurer des droits de douanes sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance d’Europe mais aussi du Canada et du Mexique, à hauteur respectivement de 25% et 10%. Ces droits de douanes, entrés en vigueur le 1er juin 2018, ont été vivement dénoncés par les pays concernés, alliés traditionnels des États-Unis, comme étant inamicaux mais surtout illégaux et contraires aux obligations internationales américaines en matières commerciales.
L’Union européenne (UE) et le Canada ont d’ores-et-déjà porté plainte auprès de l’Organisation mondiale pour le commerce (OMC). Ils ont annoncé, tout comme le Mexique, l’instauration prochaine de mesures symétriques sur certaines exportations américaines agro-alimentaires, sur les jeans, les alcools et certains produits américains en acier et en aluminium. Côté canadien et européen, on veut une réponse mesurée pour éviter ce que tout le monde redoute, une guerre commerciale à propos de laquelle Donald Trump avait ouvertement déclaré « qu’elles [les guerres commerciales] étaient faciles à gagner ».
Conséquences économiques des mesures protectionnistes américaines
En 2017, la valeur des exportations d’acier et d’aluminium du Canada, du Mexique et de l’UE vers les États-Unis a atteint près de 23 milliards de dollars sur un total de 48 milliards d’importations américaines de ses produits. En volume, en combinant l’acier et l’aluminium, les restrictions américaines portes sur 5 millions de tonnes sur un total de 1,7 milliard de tonnes pour l’année 2017.
Les grands perdants de ces mesures seront certainement le Canada et le Mexique qui sont dans le top 4 des exportateurs d’acier et d’aluminium vers les États-Unis. Le Canada arrive premier pour les deux matières alors que le Mexique est en quatrième position.
Pour l’Europe, ses exportations en acier et aluminium vers les États-Unis ont atteint 6,4 milliards de dollars en 2017. À ce sujet, les experts sont pratiquement tous unanimes à dire que les droits de douanes américains sur ces exportations auront des conséquences minimales sur les industries de l’acier et l’aluminium européennes car leurs principaux marchés se trouvent en Europe.
Dans ces circonstances, et à ce stade, il semble un peu exagéré de parler de guerre commerciale, sauf dans l’éventualité où les mesures protectionnistes américaines déclenche un engrenage de rétorsions d’un côté comme de l’autre, et que cela touche le secteur de l’automobile.
Et ce risque existe, car aux mesures de rétorsions européennes, qui devraient prendre effet dès la mi-juin, Trump envisageait de répondre en taxant les exportations de voitures européennes à destination des États-Unis. Selon les experts, toucher à cette industrie qui est le réacteur des échanges commerciaux inter-atlantiques pourrait avoir des effets négatifs aussi bien sur les consommateurs que sur le commerce au niveau mondial.
Une augmentation des droits de douane en Amérique sur les automobiles risque de chambouler la chaîne logistique des constructeurs en raison de l’augmentation du coût de production des véhicules qui perdront ainsi en compétitivité. In fine, même les consommateurs américains, grands acheteurs d’automobiles, seront touchés de plein fouet.
Un protectionnisme préjudiciable aux Américains
En mars dernier, le président américain avait justifié son intention de taxer les importations américaines d’acier et d’aluminium sur la base de la préservation de la sécurité nationale. Trump faisait aussi valoir que les importations bon marché nuisent à l’industrie américaine et coûtent des emplois aux travailleurs américains.
Il avait aussi mentionné que la surabondance mondiale d’acier et d’aluminium, entraînée par la Chine, menaçait les producteurs d’acier et d’aluminium américains, qui sont vitaux pour les États-Unis. Cet avis est aussi partagé par les experts : la production chinoise a inondé le marché mondial provoquant une baisse des prix et la destruction de nombre d’emplois dans les pays occidentaux.
Seulement, depuis l’annonce par Trump en mars, de l’imposition des droits de douanes sur l’acier et l’aluminium, les entreprises américaines qui achètent des métaux pour les besoins de leurs propres productions ont déjà dénoncé des prix plus élevés de l’acier et se sont plaintes que les producteurs américains n’aient pas la capacité de répondre à la demande.
Les économistes et les entreprises américains ont même prévenu que les coûts plus élevés des métaux perturberaient les chaînes d’approvisionnement et finiraient par se répercuter sur les consommateurs américains. Ils ont même dit que ces barrières tarifaires étaient susceptibles d’entraîner des pertes d’emplois chez les entreprises qui dépendent de ces matériaux.
Un coup de com’ électoraliste
Grand adepte de la communication politique sur Twitter, Donald Trump a souvent recours à une tactique aussi douteuse qu’efficace dans sa politique économique protectionniste : lancer des Tweets menaçants à l’encontre d’une entreprise qui a l’intention de délocaliser sa production, puis quand elle change d’avis, s’en attribuer les bénéfices politiques.
De grands constructeurs automobiles mondiaux comme Ford, General Motors, Fiat Chrysler et Toyota, se sont déjà fait prendre à ce jeu-là. Peu après son élection, Trump menaçait sur Twitter ces constructeurs automobiles d’instaurer des droits de douanes de 35% à l’entrée du marché américain sur les véhicules dont ils comptaient, à l’époque, délocaliser une partie de la production au Mexique.
Tous les constructeurs visés par Trump ont renoncé à leurs délocalisations et ont annoncé des investissements aux États-Unis avec à la clé la création de près de 7000 emplois cumulés. Donald Trump ne se privera pas de s’en attribuer la paternité pour paraître comme le protecteur de l’industrie américaine aux yeux de ses électeurs.
D’ailleurs ce discours protectionniste martelé à satiété durant sa campagne électorale de 2016 pour les présidentielles américaines avait fortement séduit les classes ouvrières américaines blanches qui ont subi un lent déclassement social suite au déclin industriel du nord-est des États-Unis depuis les années 1980.
En novembre 2018, les Américains retourneront aux urnes pour élire leurs élus à la Chambre des représentants ainsi qu’un tiers de leurs sénateurs. Selon les sondages, les Républicains qui détiennent la majorité dans les deux chambres du Congrès des États-Unis, sont à la veille d’une débâcle annoncée au profit des Démocrates.
Cela, le président républicain ne l’ignore certainement pas. Il est fort à parier que les récentes mesures protectionnistes sur l’importation de l’acier et de l’aluminium soient un de ces coups de communication dont Donald Trump a le secret, en prévision des élections de mi-mandat. Seulement cette fois, la recette risque de ne pas prendre, ni pour son camp ni pour ses électeurs. Même les élus républicains à la Chambre des représentants, qui sont traditionnellement très proches des industriels américains, se sont dès le début opposés aux mesures des barrières tarifaires sur les importations d’acier et d’aluminium, craignant que cela n’ait des effets néfastes sur les entreprises américaines utilisant les métaux importés. Les ouvriers américains quant à eux risquent aussi d’en sortir perdants.