Ce vendredi 10 mai, le douzième depuis le début du mouvement populaire contre le pouvoir, sera le premier de ce mois de Ramadan, est encore décisif.
La chaleur, la soif et la faim, en plus des derniers développements sur la scène politique peuvent démobiliser les manifestants, mais il est très peu probable que le « hirak » s’arrête net à cause de Ramadan.
Manifester de jour ou de nuit, se contenter de rassemblements statiques pour ne pas se fatiguer ou encore, arrêter les marches et faire grève, étaient quelques unes des possibilités soulevées par les acteurs du mouvement à l’approche de Ramadan pour répondre à l’inquiétude de la forme que prendrait la mobilisation pendant ce mois de jeûne.
Le mardi des étudiants et le 8 mai montrent la voie
Depuis quelques jours, une tendance commence à se dégager sur les réseaux sociaux où sont lancés tous les appels à l’action de rue depuis le 22 février : manifester de jour, aux mêmes horaires qu’avant Ramadan. Une tendance confirmée par le 11e mardi de mobilisation des étudiants. En marchant comme lors de leurs précédents mardis de mobilisation, ils ont démontré que Ramadan n’était pas un obstacle, et qu’il était possible d’envisager une poursuite des marches imposantes des vendredis tout au long de ce mois.
Dans plusieurs villes universitaires, dont Oran, Mostaganem, Béjaia, Constantine et Alger, les étudiants ont bravé les températures élevées et les dures conditions de Ramadan pour marcher. A Alger, des centaines d’étudiants, voire des milliers, ont occupé une partie de la rue Didouche Mourad et la place de la Grande Poste pendant plusieurs heures. Les manifestants se sont dispersés plus tôt que d’habitude et ont aussi été plus statiques et plus calmes. Une adaptation à Ramadan.
La commémoration du 8 mai 1945 à Kherrata et à Sétif s’est fait sans les autorités publiques cette année. En cause, les citoyens de ces deux régions qui ont manifesté leur rejet du pouvoir en organisant une marche à Kherrata et un sit-in de protestation à Sétif, pendant lequel le wali a été chassé par des manifestants réunis devant la stèle commémorative des événements du 8 mai.
Le jeûne et la chaleur n’ont pas empêché les habitants de Kherrata de marcher pour commémorer la date et dénoncer le pouvoir. Dans cette même ville, une foule très nombreuse a assisté à une conférence-débat organisée en présence, entre-autres, de Karim Tabou, Mustapha Bouchachi et Samir Laribi.
« Hirak karim »
Sur les réseaux sociaux, les appels à marcher se multiplient, ils invitent les Algériens à « poursuivre le hirak et à tenir bon ». L’habituel formule « Ramadan karim », utilisée par les Algériens pour se congratuler à l’occasion du début de ce mois de jeûne, a été remplacé par de nombreux internautes par « Hirak karim », annonçant clairement la couleur : ça sera un Ramadan de mobilisation.
Le « hirak sauce Ramadan » prend forme et de nouvelles formules sont inventées. « Ramadan révolutionnaire », « Ramadan de la résistance », « Ramadan de la victoire », sont les noms attribués à des « événements » appelant à marcher ce vendredi. « Le 12e vendredi du béni Hirak », a été intitulé un de ces événements qui comptabilise, à quelques jours de vendredi, plusieurs milliers de participants.
Les appels à manifester ce vendredi 10 mai proviennent surtout d’auteurs anonymes mais des associations, dont RAJ et des syndicats autonomes, dont le Snpsp (praticiens de la Santé publique), qui a appelé à manifester aujourd’hui à Alger à partir de l’heure habituelle, soit 14h00.
Les mots d’ordre lancés sur les pages Facebook les plus importantes et les plus influentes concernent principalement le départ de Bensalah et Bedoui et « après, l’organisation d’élections le plus vite possible ». Mais beaucoup insistent sur la nécessité de poursuivre, coûte que coûte, les marches pacifiques à travers le pays.
En plus des appels renouvelés à manifester ce 12e vendredi, des déjeuners collectifs sont prévus dans plusieurs villes du pays. A Alger, un collectif prévoit un repas collectif gratuit pour les manifestants sur l’esplanade de la Grande Poste et sur la rue Didouche Mourad. La même chose à la « capitale du hirak », Bordj Bou Arréridj, où un repas gigantesque est annoncé pour aujourd’hui, après la manifestation.
Manifester le jour, déjeuner ensemble sur le lieu même de la marche, débattre de la situation politique dans la soirée est une routine qui pourrait s’installer dans plusieurs villes du pays dans les prochains jours. C’est un nouveau mode d’emploi qui semble se dégager pour manifester pendant ce mois du jeûne.
Les manifestants ne semblent pas découragées par le Ramadan. Des dizaines sont déjà rassemblés ce matin à la place de la Grande Poste pour réitérer les revendications du mouvement populaire.