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Dr Bekkat Berkani : « La situation épidémiologique est en train de s’améliorer »

Dr Bekkat Berkani : « La situation épidémiologique est en train de s’améliorer »

Dr Mohamed Bekkat Berkani, membre du comité scientifique en charge du suivi de l’épidémie de Covid-19 en Algérie, aborde dans cet entretien les questions relatives au vaccin anti-Covid, la situation épidémiologique en Algérie et les raisons de la décrue des contaminations…

La courbe des contaminations au Covid-19 poursuit sa décrue après avoir dépassé la barre des 1100 cas quotidiens. Quelle est la situation épidémiologique en Algérie ?

Dr Mohamed Bekkat Berkani : La situation épidémiologique est en train de s’améliorer. Les dispositions que les autorités ont prises dont le confinement partiel ont diminué les contacts et les résultats sont là. Il y a la suspension des transports interwilayas. Deuxième facteur : les Algériens par conviction ou par peur, s’attachent désormais aux gestes barrières, on voit de plus en plus de citoyens, par peur de la maladie, du policier ou du gendarme, porter le masque. Toutes ces mesures ont contribué à diminuer la circulation du virus. Et en diminuant le nombre de contaminés, on réduit par la même occasion les cas graves. Et il y a moins de pression sur les hôpitaux.

« On gère la Covid mais il ne faut pas oublier les autres maladies » 

À Alger tout particulièrement, se pose le problème du manque de lits d’hospitalisation pour prendre en charge les patients Covid-19. Comment le juguler ?

Il faut ouvrir des locaux dédiés aux malades du Covid pour essayer de sortir des hôpitaux. Et pour cause : dans certains hôpitaux on a arrêté les services de chirurgie. Le CHU Mustapha d’Alger dispose de deux grands services de chirurgie générale A et B, les deux ont été transformés en service Covid. Ceux qui ont besoin de chirurgie, comment doivent-ils faire ? On gère certes l’urgence (la Covid) mais il ne faut pas oublier les autres maladies ! Il y a lieu d’utiliser les locaux disponibles en les dotant des sources d’oxygène, c’est tout ce que cela demande. Il n’est pas toujours nécessaire d’aller en hôpital. La gravité de cette épidémie c’est qu’elle provoque une dyspnée (gêne respiratoire) avec une désaturation. Et à partir d’un certain moment, il faut donner de l’oxygène au patient, et ce en dehors des médicaments qui eux évitent une surinfection dans le cas des antibiotiques, mais qui ne sont pas « souverains » sur le virus.

Avez-vous ce sentiment que les malades chroniques sont quelque part les sacrifiés du Covid ?

C’est une réalité. On fera nos statistiques au bout de quelques mois pour voir comment les cancers en particulier ont évolué ainsi que les autres maladies chroniques. Un jour il va falloir faire le décompte de combien de malades avons-nous perdus faute d’avoir été opérés à temps pour des cancers multiples, etc. Mais cela fait partie de l’apprentissage de la santé. Malheureusement, cette épidémie nous est tombée dessus, et on s’en est pas mal sortis par des décisions courageuses. Il reste qu’en matière de santé on ne fait jamais assez : il n’y a pas de dogmes mais des logiques.

Vaccin anti-Covid : « l’Algérie doit d’ores et déjà se placer »

Pour le vaccin anti-Covid, quels critères l’Algérie doit-elle fixer pour l’acquérir ?

Il faut choisir le vaccin qui a le plus de pourcentage d’efficacité, qui est le plus facile d’utilisation et qui a le moins d’effets secondaires. L’Algérie est engagée dans la plateforme COVAX réunissant plus d’une centaine de pays et dépendant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il faut par conséquent faire confiance à l’organisation qui déterminera le ou les vaccins qui sont les plus efficaces et les plus sûrs. Nous sommes sous l’égide de l’OMS et c’est elle qui donne le feu vert pas qu’à un seul mais pour plusieurs vaccins. Mais en attendant,  l’Algérie doit d’ores et déjà se placer.           

Êtes-vous favorable à la vaccination contre la Covid ?

La vaccination est une partie de la solution mais qui est importante quand elle est bien appliquée. Commencer par les personnes fragiles, les corps constitués, les personnels de santé, est la démarche à suivre pour essayer d’arriver à la fameuse immunité collective. C’est une partie de la solution en plus des gestes barrières.

Le vaccin ne va pas faire disparaître l’épidémie pour autant…  

D’après les spécialistes, le vaccin ne va pas tout faire disparaître d’une seule fois. Pour la raison simple que la vaccination s’étendra dans le temps. On ne peut pas vacciner tout le monde en une semaine. Il faut y aller crescendo. Et par ailleurs, le vaccin est une solution pour reprendre une activité socioéconomique.

Comment garantir la réussite de la vaccination et quelle est la démarche à entamer dès à présent ?   

En fait, le Premier ministre a installé deux Taskforce, le volet sanitaire dépendant du ministère de la Santé (choix, structures vaccinales et surveillance du vaccin), et le volet logistique a été confié au ministère de l’Intérieur.

La vaccination n’étant pas obligatoire, n’y a-t-il pas lieu d’entreprendre dès maintenant un travail de sensibilisation voire de pédagogie pour éviter l’effet « antivax » ?

Je pense que les Algériens sont aujourd’hui conscients. La question des antivaccins est un combat d’arrière-garde et très ancien dans certains pays développés vis-à-vis de toute forme de vaccination. L’arrivée annoncée du vaccin anti-Covid a soulevé un débat stérile. Par rapport au Covid-19 qui tue par centaines, entraîne des cas graves et engorge les hôpitaux et les salles de réanimation, le vaccin est salvateur pour tenter d’arriver à l’immunité collective.

Pensez-vous qu’il faudra associer les médecins de ville dans cette opération de vaccination ainsi que les pharmaciens, pour plus d’efficacité et comme gage de confiance vis-à-vis de la population ?

Tout à fait d’accord, mais à la condition qu’il y ait une facilité d’administration : si on choisit un vaccin qui nécessite une conservation à -70°, les médecins de ville sont de fait disqualifiés. Il faudrait un vaccin qui se conserve dans un frigo, tout simplement.

Un candidat à la vaccination peut-il choisir le vaccin qu’il veut se faire injecter en fonction du pays de sa provenance ?

Il n’y a pas lieu de rentrer dans ces situations. L’État algérien garantit, et ça a toujours été le cas, l’excellence du produit en lui-même. Il est certain qu’il achètera le vaccin qui aura le plus fait ses preuves. Maintenant, nous risquons d’avoir plusieurs fournisseurs, c’est clair. Mais il n’est pas question de faire « un choix à la carte » par rapport à chaque individu.

Le flou persiste autour de la gratuité du futur vaccin ?   

Comme l’a déjà souligné le Pr Senhadji (président de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, ndlr), le vaccin sera très certainement et sans l’ombre d’un doute, gratuit. Pour autant, il ne s’agit pas de proposer aux candidats quel type de vaccin ils veulent se faire injecter, sinon on ne s’en sortira pas. La vaccination est une décision régalienne de la part des autorités sanitaires à qui il revient de trancher quel type de vaccin il faudra donner, et cela bien entendu en fonction de la disponibilité. Le vaccin, quelle que soit sa provenance, est garanti par l’État algérien. Nous avons, à cet effet, un circuit qui est éprouvé depuis longtemps. Nous avons l’Institut Pasteur d’Algérie qui a été classé comme laboratoire de référence par l’OMS. Nos spécialistes et immunologues vont très certainement se pencher sur les dossiers des vaccins, et faire des propositions d’achat aux autorités politiques.

Le gouvernement a annoncé la reprise du transport aérien domestique et des vols de rapatriement. Comment avez-vous accueilli ces mesures ?

Écoutez, le transport aérien est nécessaire à la vie d’un pays, surtout dans un pays-continent comme le nôtre. Nos compatriotes du sud souffrent… il y a un protocole sanitaire à respecter, les avions sont pourvus de triples filtres, et par conséquent je ne crois pas que dans les avions il y ait plus de risques de contamination que dans les familles. Sur le plan international, il est vrai que nous avons été sauvés par les mesures prises très tôt (fermeture du ciel à partir du 17 mars, ndlr) au moment où le monde était submergé par la vague de la pandémie de la Covid. Aujourd’hui, nous avons appris à connaître les dispositions des tests PCR 72 h avant (l’embarquement), et au niveau des aéroports il y a des protocoles sanitaires qui sont mis en place, etc. Pour nos concitoyens malheureusement restés en rade dans plusieurs pays, envoyant des signaux de détresse, il est clair qu’il est temps qu’ils regagnent le pays.

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