Face à la flambée de la pandémie de Covid-19 en Algérie, le Dr Lyes Merabet appelle à un retour rapide aux mesures barrières. Il suggère un confinement dès 20h dans les wilayas les plus touchées par les contaminations.
Quel est le constat à propos de la situation relative à la Covid en Algérie ?
Tout le monde s’accorde à dire que la situation sanitaire est en train de se dégrader. Je pense même que nos concitoyens sont sensibles à cette situation qui est en train de changer malheureusement dans le mauvais sens.
Et ce tant par rapport au nombre de cas quotidiens qu’à la prise de conscience des citoyens qui reconnaissent aussi que dans leur entourage immédiat, familial et professionnel, il y a beaucoup de malades.
Qu’est-ce qui caractérise le plus cette nouvelle vague de l’épidémie ?
Le constat qui est fait aujourd’hui est que la contamination est plus rapide. On est devant une nouvelle souche qui engendre de nouveaux symptômes associés à ceux déjà existants, notamment des symptômes digestifs.
Aussi, on constate qu’il y a de plus en plus de sujets jeunes surtout aux services de réanimation. Nous avons relevé des cas de décès de personnes jeunes qui étaient en très bonne santé et sans aucun souci de santé auparavant.
Comme cette jeune fille de 25 ans à Blida qui est décédée il y a de cela à peine une semaine. On compte aussi le décès d’un confrère, un jeune médecin généraliste de 38 ans de Tlemcen. On nous signale aussi qu’aux services de réanimation, entre 20 % et 30 % des patients ont moins de 40 ans !
Que faut-il entreprendre immédiatement pour casser les chaînes de transmission du virus ?
Cette nouvelle situation doit nous faire revenir rapidement aux mesures barrières et l’application stricte des protocoles sanitaires pour faire ralentir les infections. Et circonscrire les foyers des contaminations qui se déclenchent. Et pourquoi ne pas remettre en place un confinement.
Je le dis honnêtement et au risque de déplaire à certains responsables, confiner de minuit à 4h00 du matin, dans la situation actuelle n’a pas de sens. Il n’y aura aucun impact en termes de contaminations
Que proposez-vous ?
Je pense qu’il faut élargir les horaires du confinement. Comme on est en période d’été, pourquoi pas un confinement à 20h, et ce, au moins dans les grandes villes où la pandémie est en train d’évoluer rapidement et elle cause beaucoup de dégâts.
Je cite Alger et Blida mais aussi Constantine, Oran, Sétif, Tlemcen, pour ne citer que ces wilayas qui connaissent une forte concentration de population.
La population semble accepter de plus en plus la vaccination. Qu’est-ce qui explique cet afflux des citoyens dans les centres de vaccination ?
Je pense qu’il y a aussi un regain de confiance en le discours des professionnels de la santé et en l’approche préventive qu’on est en train de proposer depuis le début de la pandémie.
Ce regain de confiance se traduit par l’afflux significatif de citoyens dans les centres de vaccination anti-Covid. C’est déjà une bonne chose en soi. Nous nous attendons à ce qu’il y ait plus de monde, mais c’est réconfortant de voir que les citoyens se rapprochent de plus en plus des structures de santé pour se faire vacciner.
Au moins pour s’informer et prendre rendez-vous et c’est cela est très important. D’autre part, on voit autour de nous de plus en plus de personnes qui portent le masque, dans un retour à un réflexe préventif, à côté bien sûr des autres gestes barrières.
Enfin, un autre indice de cette confiance retrouvée, c’est le retour à la sensibilisation, et à l’approche préventive et pédagogique, notamment à travers les médias.
Qu’en est-il de la pression sur les structures de santé. Comment se traduit-elle concrètement ?
Il y a une pression terrible, quand bien même relative d’une wilaya à une autre. Mais dans les grandes villes à l’instar d’Alger, Blida, Sétif, Batna, Constantine, Biskra, Oran et Tlemcen mais à Laghouat aussi, il y a une énorme pression sur les services de santé et surtout les services de réanimation.
D’autres structures risquent aussi d’être rapidement rattrapées par cette situation pandémique qui est en train de s’étendre, de prendre en volume chaque jour et de grignoter l’espace sanitaire par le fait de réquisitionner d’autres services pour la prise en charge des malades Covid ou par la sollicitation d’autres structures de santé lesquelles, si elles sont aujourd’hui épargnées, peuvent ne pas l’être demain.
Y a-t-il un risque que cette nouvelle vague échappe au contrôle ?
En effet, notre crainte concernant cette nouvelle vague est que le niveau soit plus élevé et les dégâts encore plus importants.
Et donc le fonctionnement sur les structures de santé risque d’être impacté encore plus fortement : cela veut dire que ce sont des malades qui seront mis de côté, que c’est une prise en charge qui ne va pas être effectuée au moment opportun. Et donc on aurait d’autres décès à côté des décès par le Covid.