Huit nouveau-nés morts d’un coup, certains calcinés, d’autres étouffés. Le drame est tout simplement inqualifiable. Le pays est d’autant plus choqué que cela est advenu dans une structure de santé, un hôpital mère et enfant où toutes les conditions sanitaires, de confort et de sécurité, jusqu’à l’air respiré, sont censées faire l’objet de la plus infaillible des vigilances.
Quelle défaillance au niveau de cet hôpital d’El Oued, dans le sud du pays, a donc pu causer une telle catastrophe ? On n’en sait pas trop pour le moment mais la gravité de l’incident a amené le ministère de la Santé à prononcer déjà les premières sanctions : le directeur local de la santé est relevé de ses fonctions et tout le personnel médical de garde est suspendu à titre conservatoire.
La protection civile parle après les premières constatations d’un incendie qui serait parti d’un appareil anti-moustiques défaillant. Seule une enquête approfondie est à même de le confirmer ou de l’infirmer, mais il demeure certain qu’un feu a pris dans le pavillon des nouveaux nés et il ne peut être imputé à une négligence des médecins ou des infirmiers. La sécurité, ce n’est pas de leur ressort.
Il aurait été peut-être plus sage pour le ministre de présenter sa propre démission. Sa responsabilité morale n’a nul besoin d’enquête pour être établie, même si, à sa décharge, il faut dire que les drames signalés régulièrement dans le secteur sont le résultat de l’accumulation de décennies de marasme et de mauvaise gestion.
Ceux qui parlent de déliquescence de l’État n’exagèrent point. Il y a un peu plus d’un mois, cinq jeunes venus assister à un concert musical ont perdu la vie dans une bousculade au stade du 20-Août d’Alger. Le drame avait créé une telle onde de choc que plusieurs responsables ont sauté, parmi lesquels la ministre de la Culture Meriem Merdaci qui a présenté de sa démission, le directeur général de la police, démis de ses fonctions, ou encore le directeur de l’ONDA, carrément incarcéré.
La célérité de la réaction des autorités et les sanctions prononcées avaient laissé croire à une rupture avec les pratiques du passé, où les commissions d’enquête n’allaient presque jamais jusqu’au bout, se contentant dans le meilleur des cas de charger le menu fretin.
Le drame d’El Oued, autrement plus grave, provoquera-t-il un autre coup de balai similaire à celui qui a suivi la bousculade du 20-Août ? D’autres têtes doivent tomber et beaucoup de pratiques doivent cesser dans le secteur, de la mauvaise planification au plus haut niveau jusqu’au corporatisme et la solidarité mal placée des personnels.
Le mal qui ronge la santé en Algérie est profond et son extirpation nécessite une autre politique, un autre état d’esprit. Le drame d’El Oued vient rappeler au gouvernement que les effets d’annonce ne règlent rien, le populisme encore moins.
Il survient, curieusement, quatre jours après l’annonce en grande pompe d’une série de mesures prises en faveur du secteur de la santé, précisément dans les régions du Sud et des Hauts plateaux que les professionnels qualifient à juste titre de désert médical.
Les zones déshéritées manquent cruellement de médecins, de structures de santé et d’équipements. On se souvient de cette universitaire de Ouargla morte d’une banale piqûre de scorpion, faute de sérum et de prise en charge rapide.
Dans son plan d’action dévoilé la semaine passée, le gouvernement a débloqué vingt milliards de dinars que devront se partager seize wilayas et frappé, de nouveau, à côté. Aux spécialistes qui réclament depuis des années de meilleures conditions de travail, de l’encadrement et plus de moyens pour exercer dans ces régions, il a promis des salaires plus conséquents…