Officiellement, l’ancien ministre de l’Économie devrait battre la présidente du Front national au second tour de la présidentielle française sans trop de difficultés. Toutes les enquêtes d’opinion au lendemain de sa victoire au premier tour le donnent vainqueur. Pour autant, il n’est pas certain que cette bataille soit un triomphe à l’arrivée. Moins de 800.000 voix séparent Macron de Le Pen au premier tour.
Dimanche soir, la défaite historique des partis traditionnels a presque gommé l’autre information essentielle de cette soirée électorale, la qualification de la candidate d’extrême-droite pour le second tour avec 21,4% des suffrages. Pire, la présence du Front national n’a pas suscité le même émoi qu’en 2002. Les journaux français ont préféré titrer sur la victoire du jeune candidat de 39 ans sans étiquette. Ce n’était de toute évidence pas une surprise, rétorquent la plupart des commentateurs. Tous les sondages martelaient depuis des mois que Marine Le Pen obtiendrait son ticket pour le second tour.
Le FN réalise un score historique
Certes, cette qualification était annoncée sauf que depuis le 21 avril 2002, date à laquelle Jean-Marie Le Pen avait bouleversé le paysage traditionnel gauche-droite de la Ve république, le FN est en progression constante.
Dimanche 23 avril 2017, le FN a ainsi réalisé son meilleur score tous scrutins confondus, depuis la création du parti en 1972, avec 7,7 millions de voix. En 15 ans, il a gagné plus de 2 millions d’électeurs. Marine Le Pen est arrivée en tête dans 48 départements sur 101. Et, si l’information est passée quasi inaperçue, le département de Mayotte (outre-mer), à 98% musulman, a offert un score au-dessus de la tendance nationale à la candidate du FN avec 27,28% des voix.
Un report de voix pas certain
Les deux formations traditionnelles éjectées de cette élection ont appelé à voter pour Emmanuel Macron. Mais le « tout sauf Le Pen » de 2002 est un lointain souvenir. Le candidat Jean-Luc Mélenchon, qui a obtenu 19,6% des suffrages, n’a donné aucune consigne de vote pour ce second tour. Si une partie de son électorat va très certainement reporter son vote sur le candidat d’En Marche ! il n’est pas certain que cette démarche soit partagée par tous. Selon un sondage quotidien Présitrack d’Opinionway-ORPI pour le journal Les Échos, 55 % de ses électeurs du premier tour envisageraient de mettre un bulletin pour Macron le 7 mai, et 22 % un bulletin FN.
De même, il est peu probable que les électeurs de François Fillon -qui a obtenu 19,9% des suffrages- reportent massivement leur vote sur le candidat d’En marche !. Ils pourraient décider de boycotter ce scrutin pour se concentrer sur les législatives de juin. En outre, les électeurs de Nicolas Dupont Aignan, qui pèsent tout de même 4,75% des suffrages estimés, vont-ils décider d’apporter leur soutien à Le Pen ou s’abstenir ? Florian Philippot, le vice-président du FN a affirmé dimanche soir sur TF1 qu’il demanderait à M. Dupont-Aignan “d’être cohérent avec lui-même”. “Nous partageons ensemble ce gaullisme, cet amour de la France et je pense qu’il sera cohérent au second tour“.
Macron porte le bilan du quinquennat Hollande
Enfin, autre difficulté, la filiation directe avec le président sortant. Bien que le candidat Emmanuel Macron se dise sans étiquette, il est pourtant associé au quinquennat de François Hollande dont une majorité de Français est déçue.
D’abord secrétaire général adjoint de l’Élysée en mai 2012, il devient ministre de l’Économie fin août 2014 avant de démissionner deux ans plus tard. Malgré l’adoption d’une loi pour la croissance et l’activité, son bilan est peu convaincant en matière de croissance et de chômage.