Le sélectionneur de l’équipe d’Algérie de football Djamel Belmadi a animé ce dimanche 27 février une conférence de presse inhabituelle. Inhabituelle car c’est à la veille d’un stage ou d’une rencontre des Verts qu’il a l’habitude de rencontrer les médias.
Tout ce qui se dit sur l’équipe nationale qui s’apprête à jouer, fin mars, une double confrontation décisive pour la qualification au Mondial 2022 contre le Cameroun l’a amené à déroger à la règle pour dire ce qui doit être dit. Aussi, un peu plus d’un mois après la CAN 2021, le moment est peut-être propice pour un petit bilan et s’expliquer sur cette débâcle inattendue.
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C’est d’ailleurs par ce point que Belmadi a commencé pour « comprendre ce qui s’est passé », afin de « renouer avec le succès ». Il se trouve qu’il s’est passé des choses avant le tournoi africain et que le sélectionneur ne dévoile que maintenant, et en partie seulement, précise-t-il. Le coach des Verts révèle que son groupe a été littéralement décimé par le Covid. Sur 28 joueurs, 5 seulement n’ont pas attrapé le virus, dévoile-t-il pour la première fois.
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« On a eu une préparation chaotique, je parle de mon équipe, les autres chacun à sa manière de fonctionner », résume Belmadi. Car en plus du Covid, beaucoup de joueurs n’avaient pas rejoint à temps le stage, à cause de la décision de la FIFA d’autoriser les clubs à garder leurs joueurs jusqu’à une semaine avant la CAN, un « manque de considération pour tout le continent », juge l’entraîneur algérien qui dit par ailleurs son incompréhension du fait que, au Cameroun, le Covid touchait certaines équipes et épargnait d’autres. « Il me semble qu’il y a eu des équipes qui étaient imperméables au Covid. Apparemment, les mesures (de prévention) fonctionnaient pour certains et pas pour les autres », ironise-t-il.
« On ne va pas oublier l’attitude de notre public après l’échec »
« On se réveillait chaque matin avec la peur de perdre des joueurs », ajoute Belmadi qui assure qu’il lui était difficile de réunir la moitié de son effectif. Première conséquence de cette hécatombe, l’équipe nationale a perdu ce qui faisait sa force, les qualités athlétiques et physiques, explique encore le coach.
Et puis, il y avait cette inefficacité offensive qu’il a pointée du doigt dès le premier match face à la Sierra Leone (0-0). « On a battu tous les records en attaque, puis à la CAN, extinction des feux », regrette-t-il.
Mais aussi des erreurs d’arbitrage. Le sélectionneur dit ne pas comprendre ce que faisait à la CAN un arbitre du Guatemala, celui précisément qui a arbitré le match des Verts face à la Guinée équatoriale (0-1), un pays également hispanophone.
Belmadi dit assumer sa part de responsabilité dans « la précipitation » qu’a montrée l’équipe nationale à partir du deuxième match en courant derrière le résultat, mais accable aussi une partie des joueurs, coupables selon lui d’ « une forme d’autosatisfaction, ou de trop de certitude ».
Belmadi ne termine pas sans citer la charge physique et surtout « émotionnelle » qu’a induite la coupe arabe à laquelle plusieurs éléments de l’équipe ont pris part quelques semaines plutôt.
Quoi qu’il en soit, l’équipe nationale est appelée à se ressaisir dès la fin de ce mois pour passer l’écueil du Cameroun. Habitué à se mettre lui-même la pression, Belmadi qualifie cette double confrontation d’événement « le plus important » de toute sa « carrière de joueur et d’entraîneur ».
« L’échec, on ne peut même pas l’imaginer ». Le message est clair, l’équipe nationale doit gagner coûte que coûte. « Je ne dis pas que la CAN n’était pas un objectif, mais notre véritable objectif c’est la coupe du monde. Nous l’avons tracé juste après la CAN 2019 », dit-il.
L’équipe nationale, ajoute Djamel Belmadi, doit arracher le billet qualificatif au Mondial 2022 pour le public qui, malgré la débâcle de la CAN, s’est montré compréhensif.
« On sait que notre peuple attend ça avec impatience. J’ai vu un peuple très sage qui, certes, est déçu mais n’a pas été amnésique et a montré sa gratitude de ce travail presque inédit. Ça, on ne peut pas l’oublier », reconnaît-il. Aussi, pour beaucoup de joueurs, il s’agit de la dernière occasion pour jouer un mondial.
« Jouer à Japoma décuplera notre détermination »
Mais l’équipe nationale d’Algérie a-t-elle les moyens de passer l’écueil camerounais après ce qu’elle a montré à la CAN 2021 (élimination au premier tour) ?
« On sait qu’on est capables, le but c’est de ne pas commettre les mêmes erreurs. Il faut mettre en pratique notre football et nos principes de jeu. Il y a des choses qu’on doit rectifier. Ce n’est pas avec les mêmes données qu’on va aller en Coupe du monde. Le rêve est aussi décuplé pour les Camerounais, c’est qu’une question d’envie et de détermination. La seule manière que j’ai de vivre normalement (après l’échec) c’est d’avoir la possibilité de rectifier », dit Djamel Belmadi.
Sa part du travail, il assure qu’il l’a déjà entamée en « disséquant » les 13 derniers matchs des Lions indomptables. Concernant les éléments blessés, Djamel Belmadi dit espérer que tout le monde sera là pour le Cameroun et assure qu’il va faire en sorte de tirer le maximum des joueurs qui seront disponibles.
L’une des faiblesses de l’EN en ce moment, c’est sa ligne avant. Après avoir écarté la possibilité de rappeler l’avant-centre Andy Delort, Belmadi a envoyé un message qui ne doit pas trop rassurer Baghdad Bounedjah, pas très efficace.
« Bien sûr que c’est un passage à vide. Il marquait beaucoup de buts au Qatar et EN, mais il ne marque plus. On fait le nécessaire, il y a le travail qu’on fait avec lui, mais il y a la nécessité de marquer. Il faut des solutions et on va les trouver pour ces deux matchs », répond Belmadi.
Interrogé sur la pelouse du stade de Japoma, où les Verts ont mordu la poussière durant la CAN 2021 en janvier dernier et sur laquelle ils joueront le match aller face au Cameroun, Belmadi confirme qu’elle est « vraiment catastrophique », mais ne s’en plaint pas.
« Ils jouent tout le temps à Yaoundé, exceptionnellement ils nous font jouer à Japoma. Ils doivent se dire que c’est une équipe qui est traumatisée par cette pelouse, on les ramène dans ce stade. Non, ça ne peut que décupler notre détermination », affirme-t-il.
Interrogé sur ce qui s’est passé dans « l’environnement » de l’équipe nationale depuis la dernière CAN, Belmadi dira qu’il ne fait pas « de service après-vente », c’est-à-dire que sa mission se limite aux matchs et au terrain.
Néanmoins, il accepte de s’exprimer sur l’épisode du limogeage du manager Amine Abdi. « Le plus important c’est de ne pas tirer sur les uns et les autres. Amine Abdi, on a travaillé ensemble et sa destitution est aussi le résultat de nos échecs, on est tous responsables. Les erreurs, on en commet tous », dit-il, tout en ne tarissant pas d’éloges sur le nouveau manager, Djahid Zefzef, chez qui, dit-il, il a ressenti « un vrai professionnalisme ».