Le diplomate et ancien ministre Abdelaziz Rahabi était derrière l’initiative de la conférence de Ain Benian (Alger), qu’il a présidée, pendant l’été 2019, avec l’objectif de trouver une issue à la crise politique que traversait le pays.
Trois ans après, il s’est exprimé sur cet épisode dans une émission de BRTV, faisant pour la première fois des révélations sur les raisons de l’échec de l’initiative et plus globalement, du non-aboutissement des revendications du Hirak.
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« En Algérie, toutes les crises ont été des ruptures violentes, sauf le Hirak qui est une exception dans l’histoire du pays », explique-t-il, regrettant toutefois que « le Hirak n’ait pas produit des forces politiques ».
Au sujet des motivations qui l’ont amené à lancer l’initiative de la conférence de dialogue d’Ain Benian, il dira : « J’avais le sentiment que l’Algérie était au bord d’une crise politique violente (…) L’approche de Ain Benian c’était de dire que le dialogue est la seule voie pour sortir de la crise et de poser la question : faut-il traiter avec le président de l’Etat ou pas ? .»
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Abdelaziz Rahabi rappelle qu’il était suivi par une partie de l’opposition et assure que jusqu’à l’ouverture de la conférence de Ain Benian, il espérait encore que certains hommes politiques « viennent donner leur point de vue ».
Mais ce n’est pas tout le monde qui est venu. « J’ai vu tous les groupes y compris les plus radicaux qui excluaient toute idée de dialogue. Ils m’ont dit : à chaque fois que nous avons dialogué avec ce pouvoir, il a gagné la bataille parce qu’il joue sur le temps et fait des promesses qu’il ne respecte pas », révèle-t-il.
« Deux courants radicaux »
Selon Abdelaziz Rahabi, « il y avait deux courants radicaux, l’un au sein du pouvoir, l’autre au sein du Hirak » et le non aboutissement des revendications « est de la responsabilité directe » des groupes radicaux des deux bords.
Le diplomate dit qu’il était pour le dialogue avec le président par intérim Abdelkader Bensalah car « l’Etat avait besoin d’avoir un président qui l’incarne » et, « c’est un des points de discorde avec des personnalités influentes du Hirak ».
Abdelkader Bensalah avait été désigné président de l’Etat après la démission d’Abdelaziz Bouteflika début avril 2019, sous la pression du hirak et de l’armée.
« J’ai dit nous avons le droit de demander un changement de gouvernement mais pas le départ du président de la État. Il a été nommé dans des conditions tout à fait anticonstitutionnelles mais la crise nous recommande que l’Etat soit représenté et que ce soit ces gens-là qui soient nos interlocuteurs », explique-t-il.
En revanche, pour lui, « il était exclu d’envisager une quelconque discussion avec le chef d’état-major » Ahmed Gaid Salah, d’autant plus, dit-il, que « la radicalisation du Hirak, il en est en partie responsable ».
« Je suis légitimiste jusqu’au bout, même dans les semblants de légitimité qu’on a connu dans cette période de crise », ajoute-t-il, avant de faire cette révélation fracassante à propos de certains participants à la conférence : « Aujourd’hui je le dis : une partie de Ain Benian a servi d’outil aux radicaux au sein de l’état-major. »
Analysant l’évolution du Hirak, Abdelaziz Rahabi dira qu’il a « duré longtemps », ce qui a créé un stress chez les services de sécurité, puis son infiltration par « des groupes radicaux algériens » et par « l’étranger ».
« Au début, c’était une affaire algérienne, mais en prenant la dimension qu’il avait prise, il était devenu une affaire de sécurité régionale », estime l’ancien ministre.