Instabilité politique et crise sanitaire ont fait beaucoup perdre à l’économie algérienne, qui se dirige vers une autre « année blanche » au rythme où évoluent les choses et au vu de l’agenda politique qui attend le pays.
L’investissement est au point mort, de nombreux dossiers sont frappés du sceau de l’irrésolution et plusieurs textes législatifs très attendus peinent à voir le jour.
Cela, au moment où les recettes des hydrocarbures, même avec une nette remontée des prix du pétrole ces derniers mois, demeurent très en-deçà des niveaux nécessaires pour équilibrer les comptes du pays.
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Presque toute l’année 2019 avait été marquée par les manifestations du Hirak, qui ont commencé le 22 février et qui se sont poursuivies chaque semaine pendant toute l’année.
Il y a eu aussi des événements politiques importants pendant cette année charnière : démission du président Bouteflika, arrestation de plusieurs anciens hauts responsables civils et militaires, dialogue politique, élection d’un nouveau président de la République…
La situation exceptionnelle, et son statut de gouvernement de transition nommé pour expédier les affaires courantes, n’avait pas empêché le gouvernement qui a géré le pays de début avril à fin décembre d’engager quelques textes de réformes.
Le plus notable est la nouvelle loi sur les hydrocarbures, élaborée dans l’urgence et adoptée malgré l’opposition d’une grande partie de la société, notamment des manifestants du Hirak qui y voyaient une manière de « brader » les richesses du pays, au moment où le gouvernement présentait le texte comme primordial pour attirer les investissements étrangers nécessaires afin de stopper le déclin de la production de pétrole et de gaz.
L’Exécutif avait aussi pris plusieurs mesures populistes, dans le but de calmer la rue bouillonnante, à l’image de la clause autorisant l’importation de véhicules d’occasion, contenue dans la loi de finances 2020.
Au début de l’année 2020, un nouveau gouvernement est nommé par le président de la République élu. Abdelaziz Djerad est désigné Premier ministre à la tête d’une équipe dite de technocrates dont la principale mission était de relancer et diversifier l’économie nationale.
A peine installé, le nouvel Exécutif a dû faire face à un imprévu qui, pendant toute l’année, va absorber toute son énergie : la crisesanitaire de Covid-19. Le virus, qui est arrivé en Algérie fin février, a causé l’arrêt total ou partiel de pans entiers de l’activité économique, mobilisé toutes les ressources de l’Etat et remis à plus tard tous les projets de réformes.
La pandémie a aussi fait chuter les prix du pétrole, principale source de devises du pays, à des niveaux jamais atteints. En avril, le baril a connu des valeurs négatives (jusqu’à -37 dollars). L’Algérie a clôturé l’année avec 22 milliards de dollars de recettes de pétrole et de gaz et une récession de 5.5%.
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Les réformes devront attendre, l’investissement aussi…
L’année 2021 devait logiquement être celle du démarrage réel des réformes et de la relance économique pour plusieurs raisons : suspension des marches du Hirak, prévisions de reprise de la croissance pour toute l’économie mondiale (3.6 % pour l’Algérie, selon la Banque mondiale) et remontée des prix du pétrole (entre 60 et 70 dollars depuis quelques semaines).
Mais il y a surtout l’espoir suscité par la mise au point de plusieurs vaccins contre le virus et les grandes ambitions annoncées par l’Algérie concernant la vaccination de sa population.
Mais alors que le pays a entamé le deuxième trimestre de l’année, toutes ces prévisions ne se sont pas concrétisées, mis à part les prix du pétrole qui se maintiennent dans la même fourchette.
La campagne de vaccination promise tourne au fiasco (seuls 0.03 % de la population était vacciné début avril), les frontières du pays demeurent fermées, les marches hebdomadaires ont repris avec plus d’intensité.
Pendant ce temps, les réformes promises et présentées comme primordiales n’ont toujours pas vu le jour. Le nouveau Code de l’investissement n’est pas élaboré, ainsi que les textes d’application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, pour ne citer que les textes qui revêtent une importance capitale dans la conjoncture actuelle.
« Il est anormal qu’en une année, pas un seul dossier d’investissement industriel n’a été étudié », a déploré dimanche le président du CAPC (ex-FCE), Sami Agli, soulignant l’ampleur du blocage de l’investissement en Algérie.
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Le gouvernement tergiverse aussi sur des dossiers moins compliqués, comme ceux de l’importation et du montage de véhicules qui ne sont toujours pas définitivement tranchés, ou encore de la dépénalisation de l’acte de gestion qui a été annoncée pourtant par le président de la République en août dernier.
Même la promesse de mettre en place des cellules au niveau de chaque wilaya sous l’autorité directe du wali pour lever les obstacles à l’investissement n’a pas été tenue.
Hélas, l’année en cours pourrait ne pas être elle aussi celle des grandes réformes à cause de l’agenda politique du pays. Le président de la République a procédé à la dissolution de l’Assemblée populaire nationale le 21 février.
Ce qui implique que depuis cette date, le chef de l’Etat peut légiférer par ordonnance, mais seulement sur des questions urgentes. Une nouvelle assemblée devrait être élue le 12 juin, et d’ici là, le gouvernement et toute l’administration seront pris par les préparatifs du scrutin et par la campagne électorale.
Ce seront ensuite les vacances d’été puis les préparatifs pour un autre rendez-vous électoral, celui des élections locales qui devraient avoir lieu pendant l’automne.
Ce qui restera de l’année, le gouvernement devrait le consacrer à l’élaboration de la loi de finances 2022. Sans oublier la gestion de la crise sanitaire et de la crise politique, exacerbée avec le retour des manifestations de rue.
En somme, les réformes devront attendre, l’investissement aussi, c’est ce que redoutent le plus les chefs d’entreprises qui sont confrontés à une crise économique d’une ampleur inédite.
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