Saint-Mandé est une très chic banlieue de Paris, à la lisière du bois de Vincennes. Une ville pas très métissée, remarquera n’importe quel visiteur. A l’entrée d’un bistrot, mardi soir, c’est l’Algérie qui était au centre d’une conversation entre deux hommes. « C’est fabuleux ce qui se passe là-bas », admire l’un d’entre eux.
L’Algérie « fière et digne » promise à son arrivée par Bouteflika se révèle cruellement contre lui. Contre son entêtement à se maintenir au pouvoir malgré la maladie qui l’a affaibli et l’a conduit loin du pays où il est censé mener campagne pour ce cinquième mandat qu’il veut assurer et abandonner, comme un caprice consenti à un patriarche irascible.
Les manifestants qui décrochent son portrait comme les Irakiens qui ont abattu la statue de Saddam Hussein suscitent un respect et une admiration qui font revivre le souvenir du pays qui fut la Mecque des Révolutionnaires. D’Afrique, du Moyen-Orient, d’Europe, la France notamment, affluent des marques de sympathie pour ces cortèges colorés de femmes et d’hommes qui crient leur amour pour le pays, leur désir d’y vivre en toute tranquillité.
Un respect aussi pour les forces de l’ordre qui font jusque-là preuve de retenue face à des manifestants qui les traitent comme des frères. Il est en ainsi jusqu’aux « gilets jaunes » en France qui défilent en chantant « one, two, three viva l’Algérie ».
D’autant plus heureux d’exprimer cette solidarité que les policiers français ont révélé face à eux une brutalité insoupçonnée dans un pays où manifester est un droit constitutionnel alors que cela est tout simplement interdit à Alger. Et finalement, on a des manifestations qui se déroulent « dans un calme qui ferait envie dans bien des pays », a observé l’animateur Yves Calvi sur Canal + .
« Quelle est belle l’Algérie pacifique qui défile dans les rues pour la dignité de sa citoyenneté « , s’enthousiasme le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon dans un tweet.
» Je veux dire à ces Algériens et ces Algériennes qui ont pris les rues de tant de villes que je les aime », écrit le philosophe Raphaël Glucksmann en conclusion d’un long texte. Pour l’économiste Jacques Attali, né à Alger, « l’Algérie a tout pour être l’un des pays les plus beaux et les plus heureux du monde. Il a tout pour donner du travail à ses enfants. Au grand profit de ses voisins et des nations méditerranéennes. Il faut juste qu’il devienne ce qu’il mérite: une démocratie ».
Une autre déclaration d’amour émane de l’éditeur Franco-syrien Farouk Mardam Bey : « Algériennes, Algériens qui manifestez, nous Syriens vous comprenons très bien et vous aimons », écrit-il en souhaitant un amour réciproque. « J’espère que vous finirez un jour par nous comprendre et nous aimer ». Les Algériens y verraient le démenti le plus éloquent aux prédictions funestes d’Ahmed Ouyahia au moment où Daëch finit d’être écrasé.
Côté Afrique, c’est un manifestant contre le franc CFA qui exprime son admiration en se trouvant Place de la République à Paris où étaient rassemblés les Algériens. Le monsieur réalise une vidéo où il appelle Africains et Antillais à prendre exemple sur les Algériens. « Voilà un exemple que nous devons suivre nous les Africains », dit-il à leur adresse.
Au lendemain de la manifestation du 1er mars, le quotidien catholique devait reconnaître : ces hommes et femmes disent le calme, la maturité, la tranquille assurance de la société civile qui émerge, sa soif de démocratie, son envie de vivre tout simplement ».
Le temps de quelques manifestations, l’Algérie fait envie. L’image de sanctuaire intégriste a été déchirée malgré les tentatives des autorités de la garder sur le front des citoyens;