L’ANP ne souhaite toujours pas sortir du cadre constitutionnel pour régler la crise actuelle, mais elle semble s’impatienter. Le MDN a rendu public ce mardi 2 avril un communiqué qui sonne comme une dernière sommation au cercle présidentiel.
Pour résumer, l’armée exige l’application « immédiate » des articles 7, 8, et 102 de la Constitution, considère comme nulle et non avenue toute décision qui sera prise « en dehors du cadre constitutionnel » et estime que le communiqué attribué à la présidence de la République publié dimanche 1er avril émanait en réalité d’entités non constitutionnelles et non habilitées.
Aussi, Ahmed Gaïd-Salah affirme être avec le peuple « pour le meilleur et pour le pire ». Le communiqué sanctionnait une réunion de l’état-major de l’ANP au complet. Y ont pris part le chef d’état-major, les commandants de forces, les commandants des régions militaires, le secrétaire général du MDN et les chefs des deux départements de l’état-major.
Il était nécessaire d’afficher l’unanimité au sein de l’armée autour de la position de cette dernière par rapport aux événements qui secouent le pays depuis un mois et demi. Le président a annoncé hier qu’il démissionnera avant la fin de son mandat, mais l’armée estime qu’il n’y a plus de temps à perdre.
« Nous estimons qu’il n’y plus lieu de perdre davantage de temps et qu’il faut appliquer immédiatement la solution constitutionnelle proposée, à savoir la mise en application des articles 7, 8 et 102 et entamer le processus garantissant la gestion des affaires de l’État dans le cadre de la légitimité constitutionnelle », a indiqué le chef d’état-major Ahmed Gaïd-Salah au cours de la réunion.
Le fait est que le commandement de l’armée ne croit pas que le communiqué du 1er avril émane réellement du chef de l’État.
« Alors que le peuple algérien attendait avec impatience la satisfaction de ses revendications légitimes, parut en date du 1er avril un communiqué attribué au Président de la République, alors qu’en réalité il émanait d’entités non constitutionnelles et non habilitées, ayant trait à la prise de décisions importantes concernant la phase de transition. Dans ce contexte particulier, nous confirmons que toute décision prise en dehors du cadre constitutionnel est considérée comme nulle et non avenue », a ajouté Gaïd-Salah. Comprendre : l’armée ne reconnaîtra pas une décision de limogeage de son chef, si le cercle présidentiel venait à être tenté par une telle entreprise
Clairement, Ahmed Gaïd-Salah revendique le soutien du peuple pour sa démarche d’appliquer les dispositions de la Constitution, hélas accueillie par « l’entêtement de certains individus ».
« Le peuple algérien a approuvé cette démarche et l’a accueillie favorablement, voyant en elle un signe de bon augure et un espoir pour sortir de la crise. Cette initiative a été présentée par l’Armée Nationale Populaire, partant de son sentiment de responsabilité historique envers le peuple et la patrie. Malheureusement, cette démarche a été accueillie par l’entêtement, la tergiversation et la sournoiserie de certains individus qui œuvrent à faire perdurer la crise et la rendre plus complexe, avec comme seul souci la préservation de leurs intérêts personnels étroits, en se souciant que peu des intérêts du peuple et de l’avenir du pays », a-t-il déploré.
Pour la première fois, il évoque une poignée d’individus qui s’est accaparée les « richesses du peuple » : « Les efforts consentis par l’Armée Nationale Populaire depuis le début de la crise et son alignement total sur les revendications populaires, confirment que son unique ambition est de veiller à préserver la conception constitutionnelle de l’État, garantir la sécurité et la stabilité du pays et protéger le peuple d’une poignée de personne qui s’est indument accaparée des richesses du peuple algérien. À l’heure qu’il est, elle s’affaire à contourner ses revendications légitimes en fomentant des plans douteux, tendant à déstabiliser le pays et l’entrainer dans le piège du vide constitutionnel ».
Pour la première fois aussi, il affirme qu’il est prêt à aller jusqu’au bout, quoi qu’il arrive. « J’ai confirmé à maintes fois qu’en ma qualité de Moudjahid ayant lutté par le passé contre le colonialisme tyrannique et ayant vécu la souffrance du peuple en cette période difficile, je ne saurai me taire aujourd’hui sur les complots et les conspirations abjectes, fomentés par une bande qui a fait de la fraude, la malversation et la duplicité sa vocation. Aussi, je suis avec le peuple et à ses côtés pour le meilleur et pour le pire, comme je le fus par le passé, et je m’engage devant Allah et devant la patrie et le peuple que je n’épargnerai aucun effort à cette fin, quoi qu’il m’en coûtera », dit-il.
Un ton ferme et décidé qui ne laisse plus de place au doute et aux interprétations. Le clash entre le cercle présidentiel et l’armée est irréversible et il n’est pas à exclure que cette dernière prenne les choses en main plus directement. Son communiqué de ce mardi s’apparente à une dernière sommation après les précautions d’usage, dont la démonstration de l’unité de vision de toutes ses composantes et la prise à témoin de l’opinion publique. Quand bien même l’ANP sera amenée à déborder le cadre constitutionnel, elle aura prouvé par son insistance qu’on ne lui a guère laissé le choix.
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