Manque de préparation, supervision insuffisante: une enquête du Pentagone révélée jeudi a conclu qu’une succession d’erreurs était à l’origine de la mort de soldats américains lors d’une embuscade au Niger en octobre 2017.
Quatre Américains et quatre Nigériens avaient été tués lorsqu’une patrouille de reconnaissance composée de 12 soldats américains des forces spéciales et 30 soldats nigériens était tombée dans une embuscade à proximité du village de Tongo Tongo, à une centaine de kilomètres de Niamey, près de la frontière avec le Mali.
Les soldats avaient été attaqués par des combattants affiliés à l’EI équipés d’armes automatiques, de grenades et de mitrailleuses. Le corps de l’un des Américains, le sergent La David Johnson, n’avait été retrouvé que 48 heures plus tard.
Selon le Pentagone, les militaires n’avaient pas suffisamment préparé cette mission qui n’aurait pas dû être approuvée en l’état.
Le rapport de huit pages rendu public est un résumé de l’enquête qui reste classée confidentielle.
Les militaires étaient arrivés à l’automne au Niger pour former l’armée nigérienne et lui fournir une assistance dans la lutte antiterroriste.
Mais au moment du déploiement, seule la moitié de l’unité avait eu un entraînement collectif, note le Pentagone.
La mission d’octobre était de « trouver/surveiller et si possible, capturer » un responsable –non nommé– du groupe jihadiste autoproclamé « Etat islamique dans le Grand Sahara » (EIGS), dirigé par Adnan Abou Walid Sahraoui.
Mais selon l’enquête, le chef de patrouille a « défini de manière inexacte » la nature de cette mission pour qu’elle soit approuvée au niveau local, alors qu’elle aurait dû recevoir le feu vert au niveau du chef de bataillon, basé au Tchad.
– Intervention française –
De plus, la description de la mission était un copier-coller d’une mission précédente, ce qu’un « manque d’attention dans les détails » n’a pas détecté.
Tous ces éléments « ont contribué à un manque général de prise de conscience de la situation et de supervision de la part du commandement à tous les échelons ».
De plus, l’unité n’a pas fait de répétition ni de simulation de combat avec la patrouille nigérienne avant le départ.
Le Pentagone a aussi rendu publique une reconstitution en images de synthèse des 10 premières minutes de l’attaque, alors que le convoi quittait le village où il s’était approvisionné en eau.
Les militaires ne portaient pas de gilet pare-balles et ont dû stopper les véhicules pour les mettre.
Le feu ennemi s’est alors rapidement intensifié alors que les assaillants sortaient d’une zone boisée. L’un des véhicules est alors isolé des autres et entouré par les jihadistes.
L’intervention d’avions de chasse de l’armée française, qui ont survolé la zone à basse altitude dans une « démonstration de force », a forcé les assaillants à battre en retraite.
Si les chasseurs n’ont pas engagé le combat car ils n’avaient pas la position des Américains, ces rase-mottes « ont sûrement sauvé la vie des membres survivants » de la patrouille, souligne le Pentagone.
La reconstitution montre également comment le sergent Johnson a été séparé du groupe. Sa mort avait provoqué une polémique quand une parlementaire avait dénoncé les commentaires du président Donald Trump à la veuve du militaire.
Cette dernière avait déploré, sur les chaînes de télévision américaines, les mots choisis par le président américain. « Je l’ai entendu dire +Je suis sûr qu’il savait ce pour quoi il s’engageait+ », a-t-elle notamment affirmé.
Les États-Unis ont quelque 6.000 militaires déployés en Afrique, des forces spéciales pour la plupart, en parallèle de celles du G5 Sahel (Mali, Niger, Mauritanie, Tchad et Burkina Faso). Portée par la France, cette force régionale lutte contre les groupes jihadistes qui ont multiplié les attaques au Mali, au Burkina Faso et au Niger depuis 2015.