Benjamin Stora a remis ce mercredi au président français Emmanuel Macron un rapport portant sur la colonisation française de l’Algérie, qui comprend 22 recommandations.
L’historien appelle à la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » qui aura pour rôle d’impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie, rapporte ce mercredi le journal Le Monde.
C’est Emmanuel Macron qui avait chargé M. Stora en juillet dernier de « dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ». Cité par Le Figaro, l’historien français a fait part de son souhait à travers les recommandations incluses dans le rapport de promouvoir une « volonté de passage, de passerelle, de circulation, de décloisonnement des mémoires ».
« Ce n’est pas simplement idéologique, ce n’est pas simplement des discours qu’on prononce, des mots fétiches qu’on prononce, mais des actes, c’est-à-dire ouvrir des archives, identifier des lieux, chercher des disparus, entretenir des cimetières. Ce sont des choses qui sont très simples, très pratiques, très évidentes mais qui sont autant de contentieux, de problèmes très lourds entre la France et l’Algérie », a affirmé Benjamin Stora.
Le rapport de M. Stora recommande donc notamment la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie, dans laquelle pourraient siéger « différentes personnalités engagées dans le dialogue franco-algérien » à l’image de la présidente du groupe d’amitié France-Algérie de l’Assemblée nationale, Fadila Khattabi, le délégué interministériel à la Méditerranée, Karim Amellal, mais également des intellectuels, médecins, chercheurs, chefs d’entreprises ou encore animateurs d’associations.
Le rapport inclut également 22 recommandations touchant des sujets vastes tels que les commémorations, les essais nucléaires, les harkis, le « massacre d’Oran », ou encore les archives.
Reconnaître l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel
Benjamin Stora recommande ainsi par exemple à la France de reconnaître l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, tué pendant la bataille d’Alger en 1957.
Le rapport recommande également à la France de discuter avec les autorités algériennes de la possibilité de faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie, et d’œuvrer aussi à la publication d’un « guide des disparus » (algériens et européens) de la guerre d’Algérie, sur la base des recherches du « groupe de travail » créé à la suite de la déclaration d’amitié signée lors de la visite du président François Hollande à Alger en 2012.
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Le rapport préconise en outre de poursuivre les commémorations, comme celle du 19 mars 1962 demandée par plusieurs associations d’anciens combattants. « D’autres initiatives de commémorations importantes pourraient être organisées autour de la participation des Européens d’Algérie à la seconde guerre mondiale ; du 25 septembre, journée d’hommage aux harkis et autres membres de formations supplétives dans la guerre d’Algérie ; du 17 octobre 1961, à propos de la répression des travailleurs algériens en France », précise-t-on.
De plus, le rapport recommande d’encourager la préservation des cimetières européens en Algérie par le biais de travaux, entretiens, réhabilitations des tombes, ainsi que des cimetières juifs à l’image de ceux de Constantine et de Tlemcen.
Une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader
Le rapport remis au président Macron recommande également de construire une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader en France, de réactiver le projet de musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, prévu à Montpellier et abandonné en 2014, de poursuivre le travail conjoint concernant les lieux des essais nucléaires français en Algérie, mais aussi de mettre en place une commission mixte d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les enlèvements et assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962 ainsi qu’entendre la parole des témoins de cette tragédie.
Les harkis et le « massacre d’Oran »
Il est par ailleurs préconisé dans le rapport de créer une commission franco-algérienne d’historiens chargée d’établir l’historique du canon « Baba Merzoug » ou « La Consulaire », volé lors de la conquête d’Alger en 1830 et installé à l’arsenal de Brest. La commission aura pour rôle de formuler des propositions partagées quant à son avenir, « respectueuses de la charge mémorielle qu’il porte des deux côtés de la Méditerranée ».
Au sujet des restes humains, le rapport appelle à poursuivre l’activité du comité mixte d’experts scientifiques algériens et français chargé d’étudier les restes humains de combattants algériens du XIXe siècle conservés au Muséum national d’histoire naturelle.
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