Dans un (très) long entretien accordé au magazine Le Point, ce mercredi 11 janvier, le président français Emmanuel Macron a décortiqué sans tabous tous les sujets liés à la relation franco-algérienne, de la mémoire, bien entendu, à l’exigence par l’Algérie de l’extradition de certains activistes installés en France, en passant par les brouilles épisodiques entre les deux capitales, dont celle qu’il a lui-même provoquée en septembre 2021.
Macron signale d’emblée que « prendre la parole sur l’Algérie est potentiellement périlleux mais indispensable ».
C’est que, reconnaît-il, l’Algérie constitue un « risque politique » car, entre autres raisons, la guerre d’Algérie « est une matrice des familles politiques françaises ». « Le candidat de 2017 que j’étais l’avait sans doute sous-estimé. Mais, aujourd’hui, je suis détaché de cela », dit-il.
Macron : il n’y a pas que le choix entre « le déni et la repentance »
Pour Macron, il n’y a pas que le choix entre « le déni et la repentance, la fierté nationale et la repentance ». Il explique qu’il a essayé « de bâtir un chemin » qui ne procède pas d’ « échanges d’otages et de rançons, en demandant aux Algériens de faire la même progression que nous en France ».
« Certes, il y a une volonté d’avancer de la part des Algériens et du président Tebboune, mais cette volonté algérienne, parallèle à ce qui s’accomplit en France, suit son propre chemin et son propre rythme », dit-il, tout en se félicitant de la « volonté réelle » du président Tebboune « d’entamer une nouvelle étape ».
« La capacité à traiter cette histoire dans le cadre d’une relation franco-algérienne assainie, c’est la possibilité de fonder une relation bilatérale normale et féconde avec le continent africain », assure Macron, qui reconnaît toutefois que « les grands chantiers, on ne les achève jamais dans le temps où l’on préside ».
« Demander pardon c’est un solde de tout compte »
Toute cette volonté ne débouchera néanmoins pas sur la présentation d’excuses à l’Algérie.
Il rappelle qu’il a demandé pardon aux harkis, à Maurice Audin, Ali Boumendjel, mais « pour le reste, c’est un chemin. Qui laisse à voir une réalité, celle qui veut que l’identité soit une narration, un récit qui continue. Aujourd’hui, ces récits se regardent encore en miroir, malheureusement ».
« Je n’ai pas à demander pardon, ce n’est pas le sujet, le mot romprait tous les liens », tranche-t-il. Avant d’expliquer : « Le pire serait de conclure : on s’excuse et chacun reprend son chemin. Là, la fausse réponse est aussi violente que le déni. Parce que, dans ce cas, ce n’est pas la vraie reconnaissance. C’est le solde de tout compte. »
Revenant sur ses propos sur « la rente mémorielle » tenus en septembre 2021, le président français reconnaît que « c’est peut-être une phrase maladroite et qui a pu blesser » et que son propos sur la nation algérienne, a été rapporté « d’une manière rapide ». « Ce n’est pas exactement ce que j’avais dit », rectifie-t-il.
Tout en reconnaissant qu’il ne s’attendait pas à ce que « cela allait prendre cette importance », il estime qu’il faut « savoir se retendre la main et s’engager ». « Ce que nous avons su faire avec le président Tebboune », se félicite-t-il.
À propos du président Algérien, Macron dit espérer qu’il « pourra venir en 2023 en France ». « Je crois que cela fera sens dans l’histoire du peuple algérien. Pour le peuple français, ce sera l’occasion de comprendre des réalités souvent cachées », dit-il.