Donald Trump et son équipe n’ont pas hésité à relayer des fausses informations et des « faits alternatifs » depuis leur arrivée au pouvoir il y a trois mois. L’entourage du dirigeant en a même fait une stratégie de sa communication. À l’heure du bilan des 100 premiers jours, retour sur les plus grandes inepties et mensonges du 45e président des États-Unis.
« Le spectacle de cette Maison Blanche propageant des mensonges éhontés est une tragédie pour la démocratie américaine. »Le constat accablant du chroniqueur du Financial Times Gideon Rachman est révélateur de l’actuel climat qui règne aux États-Unis. Selon un décompte du Washington Post qui scrute la parole du 45e président depuis le premier jour de son investiture, Donald Trump a prononcé « 417 déclarations fausses ou trompeuses ».
1- Steve Bannon, un proche si vite oublié
Lors d’une interview au New-York Post accordée le 11 avril dernier, le milliardaire a évoqué son conseiller très controversé Steve Bannon en affirmant que c’était une connaissance tout à fait récente.
« J’aime bien Steve, mais vous devez vous rappeler qu’il n’a pas été impliqué dans ma campagne pendant longtemps […]. J’avais déjà battu tous les sénateurs et tous les gouverneurs (pendant les primaires républicaines, ndlr) et je ne connaissais pas Steve. J’étais mon propre stratège et ce n’est pas comme si j’allais changer de stratégie parce que je devais affronter la malhonnête Hillary. »
En août 2016, Donald Trump annonce qu’il embauche Steve Bannon en tant que directeur de campagne ainsi que Kellyanne Conway comme conseillère. Il avait affirmé à ce moment-là sur son site de campagne qu’il « connaissait Steve et Kellyanne depuis plusieurs années. Ils ont de très bonnes capacités, sont hautement qualifiés. Ce sont des gens qui aiment gagner et qui savent comment gagner ».
Face aux déclarations contradictoires de M. Trump, Rebecca Berg, qui travaille pour le site Realclearpolitics, a expliqué que Trump et Bannon s’étaient rencontrés pour la première fois en 2011. Par la suite, le co-fondateur du site Breitbart News animait un programme radio dans lequel Trump était régulièrement invité. Le Wahsington Post a même rappelé que l’homme d’affaires avait été invité à neuf reprises. Les deux hommes ont donc entretenu des contacts réguliers bien avant que M. Trump nomme Steve Bannon dans son équipe à la suite du départ de son ancien directeur de campagne Paul Manafort.
2- L’influence de la Russie sur la campagne présidentielle
La Russie est soupçonnée depuis plusieurs mois d’avoir joué un rôle trouble dans la campagne de la présidentielle notamment chez le camp démocrate. Pour tenter de désamorcer la polémique, Donald Trump a posté en mars dernier un message sur Twitter indiquant que « la NSA et le FBI ont déclaré au Congrès que la Russie n’avait pas eu d’influence sur le processus électoral ».
The NSA and FBI tell Congress that Russia did not influence electoral process. pic.twitter.com/d9HqkxYBt5
— President Trump (@POTUS) March 20, 2017
Le tweet comporte une vidéo de 51 secondes sur une rencontre entre des élus du Congrès et les responsables des deux agences fédérales qui a duré plus de 5 heures. Dans cette vidéo, on peut entendre le patron du FBI James Comey et celui de la NSA Michael Rogers s’exprimer sur une enquête concernant la Russie. Ces derniers ont confirmé qu’il n’y a pas de preuves indiquant que le Kremlin ait pu intervenir dans le décompte des résultats le jour de l’élection dans les États clés comme la Floride, la Caroline du Nord et l’Ohio. Mais comme le souligne le site Politifact, le comptage des voix n’est qu’un des aspects du processus électoral évoqué par les deux responsables.
Par ailleurs, Rogers et Comey n’auraient jamais prononcé cette phrase durant la vidéo de cinq heures. Ils ont plutôt affirmé que « la Russie avait pu interférer dans l’élection présidentielle, dans le but d’aider Trump et saper le processus démocratique. En revanche, ils ont déclaré qu’ils ne savaient pas si cela avait eu des conséquences sur l’opinion publique ou les résultats de l’élection ».
3- Des attentats qui ne seraient pas couverts par la presse
Lors d’une visite dans le commandement central des États-Unis dépendant du département de la Défense en février dernier, Donald Trump s’en est pris aux médias, l’une de ses cibles favorites. Il a ainsi déclaré :
» Les terroristes islamistes sont déterminés à frapper notre territoire comme ils l’ont fait le 11 septembre 2001, à Boston, Orlando, à San Bernardino et à travers toute l’Europe […] Vous avez vu ce qu’il se passe à Paris et à Nice. Partout en Europe, cela arrive. On en est arrivé à un tel point qu’ils ne sont même plus couverts, et dans plusieurs cas, la presse vraiment malhonnête ne veut même plus les couvrir. Les médias ont leurs raisons et on peut les comprendre ».
Pourtant les différents attentats évoqués par M. Trump ont largement été couverts par les médias occidentaux comme en témoignent les milliers de mentions dans Google actualités. Selon le directeur du site globalsecurity.org John Pike interrogé par Politifact, « il y a quelques incidents d’importance mineure que les autorités locales ont du mal à définir comme du terrorisme […]. Mais si un citoyen américain ou européen ou un officier est gravement blessé ou tué, il y aura forcément un compte rendu dans la presse ». C’est d’ailleurs ce qui s’est passé lors de l’assassinat du policier français qui a été abattu sur les Champs Elysées récemment.
4- Un attentat inventé en Suède
Après avoir accusé les médias de ne pas couvrir certains attentats terroristes, le chef d’État américain a inventé un attentat en Suède qui n’a jamais eu lieu. Lors d’un discours prononcé en Floride en février dernier, Donald Trump a évoqué des thèmes liés aux réfugiés et à l’insécurité dans le monde. Il a interpellé le public en déclarant :
« Regardez ce qui se passe en Allemagne, regardez ce qui s’est passé hier soir en Suède. La Suède, qui l’aurait cru ? La Suède. Ils ont accueilli beaucoup de réfugiés, et maintenant ils ont des problèmes comme ils ne l’auraient jamais pensé. »
Il a poursuivi : « Vous voyez ce qui se passe à Bruxelles, partout dans le monde. Regardez Nice, regardez Paris. » Or il ne s’est quasiment rien passé de grave en Suède à ce moment-là. Le tabloïd Aftonbladet et d’autres médias suédois, ont évoqué quelques faits divers survenus dans ce pays scandinave la semaine précédente mais aucune attaque terroriste n’a été mentionnée. Pour se justifier, le milliardaire a affirmé avoir repris une information diffusée sur la chaîne Fox News quelques jours avant.
My statement as to what's happening in Sweden was in reference to a story that was broadcast on @FoxNews concerning immigrants & Sweden.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) February 19, 2017
Donald Trump fait référence à un documentaire réalisé par Ami Horowitz et diffusé par la chaîne conservatrice qui brosse le portrait de la Suède depuis la hausse de l’accueil des réfugiés en 2014. Le documentariste indique que « la Suède a subi sa première attaque terroriste islamiste, il n’y a pas si longtemps » mais il n’apporte pas plus de précisions. La dernière grande attaque terroriste revendiquée par un islamiste remonte à 2010 mais n’a fait aucun mort. Sur Twitter, l’ex-Premier ministre suédois n’a pas manqué de réagir aux propos de Donald Trump :
Sweden? Terror attack? What has he been smoking? Questions abound. https://t.co/XWgw8Fz7tj
— Carl Bildt (@carlbildt) February 19, 2017
« La Suède ? Une attaque terroriste ? Qu’est-ce qu’il a fumé ? Les questions abondent. »
5- Le coût du mur largement sous-estimé
Durant la campagne présidentielle, Donald Trump a promis la construction « d’un grand et magnifique mur » le long de la frontière sud des États-Unis. Dans son plan initial des 100 premiers jours, le New-Yorkais a affirmé qu’il allait travailler avec le Congrès pour financer entièrement le mur « en sachant que le Mexique allait rembourser les États-Unis l’intégralité du coût d’une telle construction ». Interrogé le 21 avril par Associated press sur le coût de l’édifice, Donald Trump a paru hésitant :
« Donald Trump – Bien, après tout, le mur coûtera bien moins cher que les chiffres que j’ai pu voir. Je vois des chiffres, je veux dire que ce mur ne sera pas aussi cher que ça.
Associated Press : Que pensez-vous de ces estimations ?
Trump : Oh, je vois ces chiffres – 24 milliards de dollars, je pense qu’on peut le faire pour 10 milliards ou moins…Les opposants parlent de 25 milliards de dollars pour le mur. Cela ne coûtera jamais aussi cher.
Associated Press : Vous estimez le coût à 10 milliards ou moins.
Trump : Oui, je pense ça. »
À ce stade, il est encore difficile d’avoir une estimation juste du coût de cet édifice. Plusieurs paramètres peuvent jouer un rôle important comme la hauteur, la longueur, les matériaux utilisés, le coût de la main d’oeuvre. Mais d’après les différentes projections relevées par le site factcheck.org, les chiffres qui circulent sont beaucoup plus élevés que ceux évoqués par M.Trump. Selon un document du département de la sécurité intérieur (l’équivalent de notre ministère de l’intérieur) obtenu par l’agence Reuters, le coût serait proche de 21 milliards. La revue MIT Technology éditée par le Massachusetts Institute of Technology a estimé qu’un mur de 1.600 kilomètres pourrait coûter entre 27 et 40 milliards de dollars. Des chiffres qui sont bien éloignés de ceux mentionnés par Donald Trump lors de l’interview.
« Plus d’information sur l’économie et la finance sur latribune.fr »