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En 20 ans, les surfaces agricoles irriguées ont été multipliées par 5 en Algérie

En 20 ans, les surfaces agricoles irriguées ont été multipliées par 5 en Algérie

Agriculture Stock.adobe.com
Agriculture

Le professeur Ali Daoudi de l’École nationale supérieure agronomique d’El Harrach s’est félicité de la progression des surfaces irriguées en Algérie qui doit inventer, selon lui, son propre modèle agricole saharien pour éviter de tomber dans les mêmes erreurs que l’Arabie saoudite.

Il a également plaidé pour le développement de l’agriculture en sec et la recherche de moyens adaptés pour ce type d’activité afin d’éviter tout dualisme entre ces deux formes d’agriculture.

L’intervenant a fait remarquer qu’en 20 ans, les surfaces irriguées en Algérie sont passées de 300.000 à 1,4 million d’hectares. « On était à 300.000 hectares irrigués à la fin des années 1990 et aujourd’hui, nous sommes à 1,4 million d’hectares, ce qui a permis tous les résultats obtenus par le secteur agricole. C’est l’irrigation qui a permis de maintenir et consolider le taux de croissance du secteur agricole ces dernières années. C’est le levier principal de l’intensification agricole et sa maîtrise est une question importante », a-t-il développé dans un entretien à la Chaîne III de la Rédaction.

Le Pr Daoudi a précisé que les eaux souterraines jouent un rôle clé dans l’irrigation des terres agricoles en Algérie. « Les eaux superficielles ne représentent que 200.000 hectares des surfaces irriguées », a-t-il dit, en mentionnant que la mobilisation des eaux souterraines a « atteint presque ses limites » dans le nord de l’Algérie.

 « Dans le nord, on ne peut presque plus gagner des terres irriguées, si ce n’est à travers l’amélioration de l’efficacité. C’est-à-dire irriguer avec les mêmes quantités d’eau des surfaces supérieures. Il y a aussi la maîtrise des autres ressources hydriques, notamment les eaux usées épurées et dessalées », a expliqué M. Daoudi.

Une progression qui a permis notamment une augmentation importante de la productivité des cultures dont celle de la pomme de terre et de blé dont le rendement a atteint des pointes de 70 quintaux.

L’intervenant a cependant rappelé la nécessité de développer les techniques les plus efficients en matière d’irrigation en demandant : « comment irriguer plus de surfaces avec les mêmes quantités d’eau ? »

Ali Daoudi a souligné que, dans le cas de l’agriculture saharienne, il s’agissait d’inventer un modèle spécifique algérien se démarquant ainsi du cas de l’agriculture en Arabie saoudite marqué par un échec de la production de blé suite à l’épuisement des réserves en eau des nappes  ce pays qui a conduit à une nouvelle stratégie consistant en l’exploitation de terres à l’étranger.

Prenant le cas de la région de Rechaïga (Tiaret) que cet expert a eu l’occasion d’étudier durant plusieurs années, il a fait remarquer que les progrès dans la production de pomme de terre et d’oignon avaient été accompagnés d’un rabattement du niveau de la nappe d’eau.

Aussi a-t-il plaidé pour le développement d’une concertation entre les exploitants agricoles et l’administration afin d’arriver à une utilisation plus rationnelle de la ressource en eau.

À cet égard, il a rappelé l’intérêt de la petite hydraulique pour une meilleure mobilisation des eaux de surface, citant à cet égard les lacs collinaires.

Concernant les cultures non irriguées, dites pluviales, Ali Daoudi a plaidé pour une plus grande attention pour ce type d’agriculture d’autant plus « qu’il s’agit de la seule activité possible dans ces territoires » ajoutant qu’en « terme de dynamique territoriale, ces territoires ruraux avaient un rôle important. »

Plaidoyer pour l’agriculture pluviale

Ali Daoudi a indiqué que l’agriculture pluviale est « en mal de développement et en mal de modèle de développement » et a souhaité que des modèles alternatifs soient développés en Algérie.

Une agriculture, qui selon cet expert, possède ses spécificités, que ce soit en zone de montagne ou dans la steppe. Aussi a-t-il insisté sur la nécessité de « temps long » qui caractérise ce type d’approche et qui s’oppose à la « tyrannie du court terme » soulignant que la sécurité alimentaire et le développement durable demandent une « hauteur de vue ».

Il a ainsi appelé à la maîtrise de ressources génétiques résistantes à la sécheresse, à la recherche de techniques de travail du sol adaptées et de lutte contre l’érosion des terres.

Prenant l’exemple de la culture du sorgho et du mil, Ali Daoudi a souhaité que l’accent soit mis sur l’utilisation d’espèces cultivées qui « résistent à la sécheresse ».

Il a, par ailleurs, attiré l’attention sur le risque de dualité concernant le niveau d’investissement entre l’agriculture irriguée et l’agriculture pluviale dont la première bénéficie d’importants investissements. « Il faut mettre le paquet » s’est-il exclamé à propos de l’agriculture pluviale.

À ce propos, il a fait remarquer que les fermes pilotes d’État qui renferment les terres les plus fertiles d’Algérie, devaient constituer un modèle pour les agriculteurs concernant l’utilisation de techniques modernes, ajoutant l’importance qui devait être accordée dans l’utilisation des compétences des agronomes.

Agriculture pluviale, des alternatives possibles

À plusieurs reprises, la question de l’optimisation de la production en agriculture pluviale a fait l’objet de la préoccupation des pouvoirs publics algériens. 

En janvier 2023, lors d’une réunion du conseil des ministres, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a demandé que les opérateurs de ce secteur aient l’ambition de porter la moyenne des rendements de 17 à 30 quintaux.

Si cette moyenne est actuellement atteinte en sec par certains agriculteurs, nombreux sont ceux qui emploient encore des techniques rudimentaires.

Il arrive que le blé soit semé à la volée, sans apport d’engrais et sans désherbage. À la récolte, les pailles sont utilisées pour l’élevage du mouton sans qu’aucune restitution ne soit opérée au sol afin de maintenir sa fertilité. Dans de telles conditions, l’effet du manque de pluie est amplifié.

Dès le milieu des années 1975, les expertises menées par l’Institut de Développement des Grandes Cultures ont conclu à la nécessité de rechercher de nouvelles méthodes pour emblaver plus de surfaces en céréales.

En 2010, à l’occasion d’un séminaire international tenu à Sétif, des solutions ont été proposées dans le cadre de l’agriculture de conservation.

Une démarche qui combine l’abandon du labour et son remplacement par la technique du semis direct, la restitution d’une partie des pailles au sol et la rotation des cultures.

Afin de permettre une meilleure association de la céréaliculture à l’élevage du mouton, la recherche locale a également proposé l’emploi de mélanges fourragers sur les jachères pâturées et de fertilisation de ces jachères afin de tripler la biomasse produite.

Chacune de ces techniques restent à adapter selon les conditions locales, ce qui nécessite des moyens matériels et humains conséquents.

Pour Ali Daoudi, le développement de l’agriculture pluviale en Algérie est d’autant plus important que ce secteur concerne les plus grandes surfaces ainsi que le plus grand nombre d’agriculteurs et de familles.

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