Économie

En 2019, la planche à billets sera sollicitée dans des proportions importantes

On se souvient que le budget 2018 avait été marqué par une forte expansion des dépenses publiques, estimée à plus de 21% par le ministère des Finances.

En cause, une hausse exceptionnelle du budget d’équipement (de plus de 50%) couvrant notamment la relance des projets gelés dans les secteurs de l’éducation nationale, de la santé et des ressources en eaux, ainsi qu’un effort plus soutenu en direction du développement local.

Dans un virage à 180 degrés, la stratégie de réduction des déficits entamée en 2016 par le gouvernement Sellal était donc renvoyée à des jours meilleurs. Néanmoins, le nouvel Exécutif dirigé par Ahmed Ouyahia promettait un retour à la discipline budgétaire dès 2019 avec des dépenses qui devaient être réduites à 7.500 milliards de dinars. Ce sont les dépenses d’équipement qui devaient faire les frais de cette nouvelle cure d’austérité avec une réduction de 30% en 2019 et de nouveau de 7% en 2020.

Ce scénario avait été avalisé par le président de la République lui-même lors de la signature de la loi de Finances en décembre dernier. Se référant à l’augmentation substantielle du budget d’équipement pour 2018, le chef de l’État avait relevé que cette situation « devrait être une exception, et que l’acheminement graduel vers l’équilibre des finances publiques devra être reflété dès 2019 à travers une baisse du budget de l’État qui sera inscrit dans le projet de Loi de finances ».

Des engagements solennels qui n’avaient pas manqué de provoquer un certain scepticisme, de surcroît dans un contexte qui sera en 2019 celui d’une échéance politique majeure.

En avril dernier, le rapport de la Banque Mondiale sur l’Algérie résumait le sentiment général en notant : « En 2019, le gouvernement algérien aura bien du mal à résister à la tentation de maintenir un niveau élevé de dépenses publiques ».

Dépenses publiques : le gouvernement n’a pas résisté à la tentation

Pronostic confirmé. Le gouvernement n’a pas résisté à la tentation. L’avant-projet de Loi de finances pour 2019, dont TSA détient une copie, table sur des dépenses de 8.502 milliards de dinars, en très légère baisse de 1,5% par rapport aux 8.650 milliards en prévision de clôture de l’exercice en cours.

L’année prochaine, les dépenses d’équipement devraient se contracter sensiblement après leur explosion de 2018 (-12.2% pour les crédits de paiements). En revanche les dépenses de fonctionnement devraient augmenter de 7,5% et frôler la barre des 5000 milliards de dinars contre 4580 prévus pour la fin de l’année 2018.

Les « promesses » de réduction des dépenses ne sont pas complètement oubliées mais elles sont désormais renvoyées à 2020 et 2021.

Des recettes stables, mais plus dépendantes du baril

Coté recettes, pas d’évolution significative en montant global. Elles devraient s’établir en 2019 à 6.507 milliards de dinars, en hausse d’un tout petit +0,2% par rapport aux recettes prévues en clôture de 2018.

La structure des recettes évolue en revanche sensiblement avec des recettes de fiscalité pétrolières prévues en forte hausse (plus 15 %) à plus de 3200 milliards de dinars sur la base d’un prix de marché du baril de 60 dollars. La fiscalité ordinaire devrait de son côté accuser l’année prochaine une baisse notable, et très surprenante, de 9%.

Maintien du déficit budgétaire à un niveau très élevé

La principale conséquence de ces évolutions sera le maintien des déficits du budget de l’État et du Trésor public à des niveaux particulièrement élevés. Le document de présentation du ministère des Finances évoque un déficit budgétaire à 2 chiffres et encore légèrement supérieur à 10% du PIB en 2019 contre 10,8% prévus en 2018.

Le besoin de financement du Trésor pour l’année prochaine est estimé à plus de 1800 milliards de dinars. On est très loin des estimations de M. Raouya qui, à l’occasion de l’adoption de la loi sur le financement non conventionnel, évoquait un chiffre de 580 milliards de dinars pour 2019.

En l’absence d’épargne budgétaire, c’est donc la planche à billets qui sera sollicitée de nouveau l’année prochaine, dans des proportions importantes, pour financer le déficit du budget de l’État.

Les montants fournis par la Banque d’Algérie, estimés initialement à 3000 milliards de dinars pour l’ensemble de la période de 5 ans couverte par la loi sur le financement non conventionnel, devrait donc être largement dépassé dès l’année prochaine compte tenu des montants déjà engagés en 2017 et 2018.

Persistance du déficit externe et érosion des réserves de change

Les déficits externes ne seront pas en reste. C’est avec une très grande franchise, et apparemment sans aucun état d’âme, que le gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia envisage désormais la poursuite de l’érosion accélérée des réserves de change.

Après avoir mentionné un chiffre inédit, 90,6 milliards de dollars de montant des réserves à fin mai dernier, le document de présentation du budget préparé par le ministère des Finances évoque des soldes de la balance des paiements qui s’établiraient à -17.2 milliards de dollars en 2019, -14,2 milliards en 2020 et toujours -14 milliards en 2021.

« Comme incidence directe d’un tel profil de la balance des paiements, l’encours des réserves de change sera impacté et se contracterait à 62, 47.8 puis à 33.8 milliards de dollars respectivement en 2019, 2020 et 2021 » note le document. Des chiffres qui sont désormais assez proches des prévisions des institutions financières internationales.

On est très loin des déclarations du gouvernement Sellal qui, en 2016, annonçait encore vouloir défendre un plancher de 100 milliards de dollars pour les réserves de change du pays.

Aucune visibilité à moyen terme

En laissant clairement filer les déficits internes et externes, le gouvernement d’Ahmed Ouyahia semble ainsi inscrire complètement son action dans une stratégie de court terme qui laisse entier le problème de l’ajustement de l’économie algérienne au nouveau contexte pétrolier et n’offre aucune visibilité financière au-delà d’un horizon de 3 à 4 ans.

À moins que les prix pétroliers franchissent un nouveau pallier dans les mois à venir. C’est le seul espoir auquel semble se raccrocher un Exécutif en panne de solutions. Le document élaboré par le ministère des Finances indique significativement que le « prix d’équilibre » du baril qui permettrait d’éliminer le gros déficit de la balance des paiement prévu l’année prochaine se situera en 2019 à 92 dollars.

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