En Algérie, l’État reprend la main sur la production des viandes blanches et rouges dans un contexte marqué par la hausse des prix de ces produits de large consommation.
Selon un communiqué du ministère de l’Agriculture et du Développement rural en date du 25 août, un accord a été conclu entre plusieurs organismes publics afin de réguler l’approvisionnement du marché des viandes blanches et rouges. Il s’agit d’une reprise en main par l’État d’un secteur marqué par de nombreuses hausses de prix.
« Des structures d’élevage de volailles et de bétails appartenant aux unités de production agricole de la DCAS (Entreprise de développement des cultures agricoles stratégiques) seront mises à la disponibilité des groupes ALVIAR (Algérienne des viandes rouges) et ONAB pour la mise en place d’un stock stratégique pour l’alimentation du marché national durant le mois de Ramadan et l’Aïd El Kebir », a indiqué le communiqué.
Productions des viandes : comment l’Algérie veut réguler son marché
Objectif, produire pas moins de « 10.000 tonnes de viande blanche et 50.000 têtes de bétail ». Le rôle de l’Office national des aliments de bétail (Onab) sera d’assurer l’approvisionnement de ces unités de production en poussins et aliments du bétail.
« Nous disposons de toute une série d’infrastructures non-utilisées, des anciennes fermes pilotes, et qui peuvent être rentabilisées de façon optimale pour accroître la production nationale, ce qui nous permettra de constituer des stocks conséquents de viandes rouges et blanches pour approvisionner le marché durant les périodes de forte demande », a ajouté le ministère.
De son côté, la CNMA (Caisse nationale de mutualité agricole) sera chargée d’assurer la couverture des risques liés à l’élevage.
Ces mesures interviennent après que le prix du poulet ait atteint 500 DA/kg en Algérie et celui de la viande rouge a frôlé, et même dépassé dans certaines régions, les 3.000 dinars le kg.
Pour stopper cette flambée, le gouvernement a eu recours au poulet congelé importé du Brésil vendu à 295 DA/Kg qui remporte un vif succès auprès des consommateurs algériens.
Auparavant, on a importé du mouton de Roumanie et de la viande bovine d’Espagne et du Brésil pour faire baisser les prix des viandes à 1.850 dinars le kg pour la viande ovine de Roumanie et 1.200 dinars pour la viande bovine importée.
Un précédent dispositif concernant la viande rouge a été mis en place en 2022 à travers un accord triangulaire associant ALVIAR, l’ONAB et les éleveurs de moutons.
Il s’agissait de mettre à la disposition des éleveurs un approvisionnement en aliments en bétail sous réserve de livraisons ultérieures de leurs bêtes aux abattoirs gérés par ALVIAR. Un bilan de cette opération reste à faire.
Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes indique à propos de cette entreprise que ses capacités d’élevage sont de 300.000 têtes d’ovins, mais qu’en réalité, l’effectif du cheptel détenu tout au long des années 2010 à 2021, n’a pas dépassé 20.000 têtes ovines par an.
Le nouveau dispositif annoncé par le ministère de l’Agriculture exclue de facto les éleveurs. Ceux-ci devraient être remplacés par des fermes pilotes spécialisées dans l’élevage ovin.
À travers les moyens modestes détenus par ces fermes pilotes, il ne s’agit pas pour le secteur public de se substituer à l’activité de milliers d’éleveurs du secteur privé. L’objectif annoncé est d’assurer un approvisionnement du marché en viandes échappant aux hausses de prix, notamment lors des périodes de forte demande comme lors du mois de Ramadan.
Un manque de réglementation dans le secteur avicole
Au-delà de ces importations ponctuelles, la mobilisation des moyens à la disposition des organismes vise à freiner la hausse des prix dans un secteur où les éleveurs restent cantonnés dans l’informel.
À plusieurs reprises, Mustapha Zebdi, le président de l’Association algérienne de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement (APOCE), a dénoncé, dans la presse, le manque de réglementation dans le secteur avicole. Il souligne que près des 80 % des éleveurs de poulets ne disposent d’aucun agrément et suggère « la création de cartes d’éleveurs provisoires ».
L’informel concerne également l’élevage du mouton. Dans ce secteur, la situation est telle que le ministère de l’Agriculture a lancé en 2023 un recensement du cheptel.
Les structures publiques qui devraient être engagées dans la production seront soumises aux taxes réglementaires alors que les éleveurs détenteurs de la carte de fellah ne s’acquittent d’aucun impôt ou cotisation sociale. Une situation qui entraîne une distorsion de concurrence estimée de l’ordre de 10 à 16 %.
Outre cette distorsion de concurrence, les entreprises du secteur public alignent des capacités de 300.000 têtes de moutons, dans le cas d’ALVIAR, contre un total de 19 millions au niveau national.
Un cheptel appartenant principalement au secteur privé. C’est dire combien est ambitieux le nouveau programme annoncé par le ministre de l’Agriculture afin que les consommateurs ne soient pas condamnés à manger du mouton roumain et du poulet brésilien.
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