L’intervention au journal télévisé de M6 le week-end dernier d’une jeune femme voilée représentante du syndicat étudiant de gauche – l’UNEF – à l’université Paris-IV continue de susciter une vive polémique en France.
Quelques minutes après la diffusion du reportage dans lequel la jeune femme, Maryam Pougetoux, justifiait la mobilisation étudiante dans les universités françaises, Laurent Bouvet, politologue et co-fondateur du Printemps républicain, une association qui défend le principe de laïcité dans l’Hexagone, ironise sur les réseaux sociaux. « À l’UNEF, la convergence des luttes est bien entamée. C’est la présidente du syndicat à l’Université Paris-Sorbonne qui le dit ».
Dans la foulée, les réactions sur les réseaux sociaux sont nombreuses. Le syndicat étudiant concerné condamne lui « fermement le déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe dont Maryam est victime », et demande des sanctions contre l’universitaire.
Voile et syndicat de gauche incompatibles, selon un universitaire
Dans une interview accordée au Figaro mardi 15 mai, le professeur de « théorie politique » à l’université de Versailles Saint-Quentin a souhaité préciser sa réaction. Il explique que son propos « portait sur l’UNEF, et non sur la croyance de cette jeune femme que je respecte pour ce qu’elle est ». « Cette jeune femme a tout à fait le droit, comme citoyenne, comme étudiante et comme militante syndicale, d’avoir la conviction religieuse qu’elle souhaite et de le montrer par sa manière de se vêtir, ce n’est pas ce qui est en cause ici ».
Selon lui, le débat est tout autre. Il fustige l’incohérence du discours du syndicat de gauche. « Quel est le sujet ? Le fait que cette jeune femme apparaisse dans les médias pour parler au nom d’un syndicat étudiant de gauche, qui affiche des principes progressistes et féministes, vêtue d’un voile qui ne laisse voir que l’ovale de son visage, donc qui indique ostensiblement non seulement son appartenance religieuse mais une croyance particulière, stricte, au sein de l’islam, m’a sauté aux yeux comme l’illustration de l’incohérence du discours de l’UNEF au regard de ses pratiques militantes. On ne peut prétendre défendre la contraception, l’IVG, le mariage pour tous, la PMA… et avoir pour représentante et porte-parole à la Sorbonne une militante qui affiche une expression de l’islam qui dit exactement le contraire, avec virulence. », explique-t-il dans Le Figaro.
“Infiltration” des Frères musulmans à l’université
Céline Pina, une essayiste française, ancienne conseillère régionale socialiste du Val-d’Oise, aujourd’hui retirée de la vie politique, y voit quant à elle la marque de l’infiltration des Frères musulmans dans la sphère universitaire.
« Si vous lisez ceux qui ont travaillé sur les Frères musulmans, vous verrez que leur premier objectif est la jeunesse et que le pouvoir au sein des universités les intéresse car ce sont souvent des ventres mous où la lâcheté de la gouvernance est vue comme de la coolitude. (…) L’infiltration et le noyautage du syndicalisme étudiant est une volonté forte car elle répond à ces deux objectifs. Ce sont les étudiants musulmans de France EMF, filiale des frères musulmans, qui en sont chargés. Visiblement dans certains endroits, la manipulation a réussi. », écrit-elle sur Facebook.
Pourquoi cet objectif ?, questionne Céline Pina : « Conditionner idéologiquement une partie de la jeunesse est le premier but. Le second, prendre des postes au sein de l’administration de l’Université. Comme les syndicats étudiants ne représentent rien (dans la plupart des facs la participation n’atteint même pas 10% du corps électoral), il suffit de contrôler peu d’étudiants pour être élu. »
Interrogations côté gouvernement sur le choix d’une porte-parole voilée
Interrogée sur cette polémique, la secrétaire d’État à l’Égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa, a défendu le droit de la jeune femme à porter le voile, et condamné les attaques dont elle est la cible depuis son intervention dans les médias.
Néanmoins, elle questionne également les motivations du syndicat étudiant. « Ça m’interpelle, non pas parce que c’est une étudiante qui porte le voile, c’est son droit le plus strict, » a-t-elle déclaré mercredi 16 mai au micro de France Info, « mais ça m’interpelle que l’Unef ait choisi comme porte-parole une personne qui de toute évidence a des signes manifestes de religion, d’islam politique en réalité ».
« Qu’est-ce que l’Unef souhaite promouvoir comme valeurs, est-ce qu’il souhaite défendre la laïcité, est-ce qu’il souhaite défendre l’émancipation des femmes, est-ce qu’il souhaite défendre d’autres choses ? », a poursuivi Marlène Schiappa.
Évolution idéologique du syndicat étudiant
Le syndicat étudiant, dont la tradition historiquement était d’être laïc, fustige la réaction de la secrétaire d’État, et estime qu’il n’y a rien d’incompatible entre les valeurs de l’Unef et le fait d’avoir une porte-parole qui porte le hijab.
« Non, évidemment qu’il n’y a rien d’incompatible. C’est problématique que la ministre prétende que, parce qu’une femme musulmane porte le voile elle ne puisse pas être féministe et même pire serait soupçonnée d’islamisme. Au contraire, aujourd’hui quand on est une femme, on doit pouvoir défendre l’ensemble des femmes », indique mercredi 16 mai Lilâ Le Bas, la présidente du syndicat à FranceInfo.
Malgré cette mise au point du syndicat, un autre membre influent du gouvernement Macron est allé encore plus loin ce vendredi. Invité sur BFMTV, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb trouve “choquant” qu’une responsable locale de l’Unef apparaisse à la télévision coiffée de son voile islamique. Avant d’établir un parallèle avec Daech et le terrorisme.
“Est-ce que l’islam est un islam qui veut converger avec la culture française ? J’ai des doutes. Je pense qu’un certain nombre de jeunes peuvent se laisser attirer par des thèses de Daech. Une étude de l’institut Montaigne montre que près de 28% des jeunes pourraient être attirés par cette idéologie. Cela veut dire qu’il y a un grand débat culturel pour qu’il y ait un islam moderne qui s’oppose à l’islam régressif”, a-t-il estimé