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En Iran, « la non-distribution » de la rente pétrolière en grande partie à l’origine des manifestations

Depuis le jeudi 28 décembre, un vent de contestation s’est emparé de l’Iran. Ce soulèvement, dont l’ampleur rappelle celui des mouvements de 2009 suite à la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, serait surtout dû à une situation économique intenable dont souffrent les plus pauvres du pays. C’est ce qu’explique le sociologue franco-iranien Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHSS).

Comment expliquez-vous ces révoltes ?

Les révoltes qui touchent l’Iran sont surtout dues à des raisons d’ordre économiques. La rente pétrolière sert une minorité et la grande majorité de la population se sent dépossédée. C’est le cas en Iran, mais aussi en Algérie, un autre pays pétrolier important. Je dirai que c’est la non-distribution de cette rente qui est en grande partie à l’origine de cette vague de manifestations. Les classes déshéritées se sentent spoliées, aliénées. D’autres dimensions conjoncturelles sont aussi à prendre en compte dans l’avènement de ces événements, notamment en ce qui concerne l’inflation alimentaire. À titre d’exemple, le prix des œufs s’est envolé (NDLR : en un an, son augmentation avoisine les 54%.) Cela n’est pas sans rappeler ce que l’on a nommé les « révoltes de la faim ».

La fin de la guerre que l’on évoque en Syrie a-t-elle joué un rôle dans cet élan de protestations ?

Ce n’est pas à proprement parler le dénouement qui se profile en Syrie qui a participé à la naissance des manifestations, mais plutôt la gestion de la politique étrangère du pays. Celle-ci coûte cher. Le gouvernement de la République islamique a financé le Hezbollah syrien. Le peuple aurait préféré voir cet argent être investi pour l’amélioration de ses conditions de vie.

Que demandent les manifestants ?

Pour l’heure, les manifestants sont surtout issus des couches d’en bas. Ils demandent le retour de la capacité à vivre décemment. Ils veulent que les prix baissent et que cesse la corruption qui gangrène l’ensemble du pays.

Comment jugez-vous la posture du président de la République islamique, Hassan Rohani, face à la crise ?

Rohani s’est positionné du côté du pouvoir, en laissant faire cette sévère répression (NDLR : les manifestations ont fait 21 morts jusqu’à ce jour). Il est clair qu’il se trouve dans une position délicate. Il est coincé entre les conservateurs et la nécessité de calmer cette vague contestataire.

L’Iran peut-il vivre un « printemps arabe » ?

Pour le moment, je ne crois pas à l’éventualité d’un « printemps arabe » en Iran. Parce que les protestations qui sont en train de se jouer touchent essentiellement une frange de la population, les couches déshéritées. Mais si, dans quelques années, ces classes les plus pauvres rallient dans leur sillage les classes moyennes, les choses risqueront de s’embraser davantage.

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