Douze mois à la Maison Blanche. Un flot ininterrompu de déclarations tonitruantes et autant de controverses et de scandales.
De toutes les ruptures de la présidence version Donald Trump, la plus nette et la plus saisissante n’est pas celle d’une orientation politique, mais celle des mots, du ton, du style.
Dans un pays plus polarisé que jamais, un seul point fait consensus: le milliardaire de New York, propulsé 45e président de l’histoire sans une once d’expérience politique, a cassé un à un tous les codes.
Jour après jour, l’Amérique et le monde observent, fascinés ou atterrés, le show Trump, scandé par de rituelles salves matinales de tweets.
Franc-parler rafraîchissant dans une capitale fédérale coupée des angoisses de l’Amérique profonde, jubile sa base électorale. Comportement indigne qui affaiblit la fonction présidentielle et libère la parole raciste, tonnent ses détracteurs.
“J’ai les meilleurs mots”, fanfaronnait le magnat de l’immobilier durant la campagne. Un an après son installation dans le Bureau ovale, le 20 janvier 2017, il reste convaincu de détenir l’arme absolue.
Toujours impulsif, hâbleur, provocateur, par moments agressif et méprisant: Donald Trump a opté pour un registre jusqu’ici inimaginable dans la bouche du dirigeant de la première puissance mondiale.
Il multiplie les tweets à sa gloire, se qualifie de “génie” face à un livre polémique (Le feu et la colère) qui met en doute ses capacités à gouverner, affuble ses détracteurs de surnoms moqueurs et d’adjectifs peu flatteurs: “stupide”, “crapule”, “poids-plume”, “incompétent”, “dingue”, “sournois”, “loser”.
– ‘Est-il fiable et crédible ?’ –
Un jour il ironise sur le changement climatique parce qu’il fait froid dehors et voit accusé de mélanger climat et météo. Un autre il s’en prend au physique de Mika Brzezinski, présentatrice de MSNBC, un autre au maire musulman de Londres Sadiq Khan accusé de minimiser la menace terroriste. Un autre encore à Barack Obama qu’il accuse d’écoutes imaginaires.
A chaque polémique, son équipe, minée par les départs en cascade et souvent prise de court par les ruades présidentielles, tente comme elle peut d’éteindre l’incendie.
Et met en avant un argument: les Américains ont élu Donald Trump pour son rejet assumé du politiquement correct, pas pour qu’il se fonde dans le moule de ceux qui étaient là avant lui.
Mais si cette parole débridée fut incontestablement un atout de poids en campagne, la donne n’est, par définition, pas la même au 1600 Pennsylvania avenue.
Certes, le milliardaire de 71 ans peut se vanter de donner le tempo – voire le tournis – à tout le pays.
Une croissance économique robuste et l’envolée de Wall Street sont par ailleurs des arguments solides à mettre en avant à l’heure du premier bilan.
Mais après un an dans le Bureau ovale, toutes les enquêtes d’opinion convergent: il est, à ce stade, le président le plus impopulaire de l’histoire américaine moderne.
Selon le dernier sondage Quinnipiac, 69% des électeurs estiment qu’il n’a pas la tête sur les épaules et 57% qu’il n’a pas les qualités requises pour être président.
Sur la scène internationale, Donald Trump a beau aller répétant que l’Amérique est “de nouveau respectée”, c’est d’abord le repli et l’isolement croissant du pays qui frappent les esprits.
Au-delà d’une soif de reconnaissance et d’un goût prononcé pour les honneurs et les tapis rouges dont il ne se cache pas, ses homologues peinent à distinguer de véritables lignes directrices derrières ses déclarations tonitruantes.
Pour Aaron David Miller, ancien haut diplomate spécialiste du Proche-Orient, le manque de cohérence de la parole de “l’être humain le plus influent de la planète” place les Etats-Unis dans une situation délicate.
“Si les mots du président ne sont pas en accord avec ses actes –voire avec la réalité– la question pour nos alliés comme pour nos adversaires devient la suivante: ce président est-il fiable et crédible ?”, explique-t-il à l’AFP.
– ‘Trump fait du Trump’ –
Sur la scène intérieure, son style atypique lui permettra-t-il d’être réélu en 2020 pour un deuxième mandat, comme le furent ses trois prédécesseurs, Barack Obama, George W. Bush et Bill Clinton ?
Il est infiniment trop tôt pour le dire.
Mais la marge de manoeuvre est limitée: loin de tenter d’élargir sa base un fois élu, il s’est recroquevillé chaque jour un peu plus sur cette dernière.
Sa rhétorique peut parfois lui jouer des tours, comme sur l’immigration où ses propos injurieux sur Haïti et l’Afrique lors d’une réunion avec des élus ont suscité une levée de boucliers au moment où les républicains ont un besoin crucial de compromis avec les démocrates.
Pour Julian Zelizer, historien à l’Université de Princeton, reléguer les déclarations controversées de Trump au rang de distraction présente, sur le long terme, un véritable “danger”.
“Si la classe politique et le public écartent ces moments d’un simple +Trump fait du Trump+, la barre sera placée tellement bas qu’il deviendra impossible de redonner sa grandeur à la fonction présidentielle”, écrit-il.
Pour l’heure, à l’exception de quelques voix dissonantes –John Kasich, John McCain, Jeff Flake– qui redoutent ouvertement que le parti républicain ne perde son âme, le Grand Old Party fait bloc, malgré les secousses.
Mais une vague démocrate au Congrès lors des élections de mi-mandat prévues en novembre pourrait changer la donne.
Reste aussi la menaçante épée de Damoclès du procureur spécial Robert Mueller qui enquête sur une éventuelle collusion de l’équipe Trump avec la Russie durant la campagne et une possible entrave à la justice de la part du président.