Économie

Endettement extérieur : les raisons de la méfiance de l’Algérie

L’Algérie a une longue histoire avec l’endettement extérieur qui explique ce choix ferme de ne pas y recourir. La semaine passée, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a réitéré, à deux reprises, son refus catégorique de recourir à l’endettement extérieur. D’abord au siège de l’UGTA le 1er mai, puis lors de sa visite mercredi 8 mai au siège du ministère de la Défense nationale.

Devant les officiers supérieurs de l’armée, Abdelmadjid Tebboune a usé de mots encore plus forts, n’hésitant pas à qualifier le recours à l’endettement extérieur de « trahison ».

« Si tu vas vers l’endettement, c’est fini, tu dois te taire »

À ceux qui ont un autre avis, estimant que l’emprunt extérieur est un moyen comme un autre de financer l’investissement et le développement, Tebboune a répondu de manière on ne peut plus tranchée.

« Ils nous font des fetwas, comme quoi l’endettement n’est pas une honte », a-t-il critiqué, avant d’assener : « C’est une honte et une trahison aux Martyrs d’allers vers l’endettement alors que tu peux t’en sortir sans l’endettement ».

Partagée sur le compte X de TSA, la vidéo d’Al24 News a été vue plus 600.000 fois, et suscité de nombreux commentaires.

Il faut dire que cette ligne de conduite de Abdelmadjid Tebboune n’est pas seulement induite par la conjoncture d’aisance financière actuelle de l’Algérie grâce un cours du baril qui se maintient à des niveaux appréciables.

Dans les premiers mois de son mandat, malgré la conjugaison de plusieurs facteurs contraignants (pandémie du Covid-19, baisse des réserves de change et chute drastique des prix du pétrole qui ont atteint des valeurs négatives en avril 2020), le recours à l’endettement n’a pas été envisagé par l’Algérie.

« Si tu vas vers l’endettement, c’est fini, tu dois te taire, tu ne peux défendre ni Gaza ni le Sahara occidental ni les droits de l’homme ou les droits des opprimés en Afrique ou ailleurs. Pour cela, nous ne recourrons pas à l’endettement et nous n’y avons pas eu recours malgré le piège qui nous a été tendu », a soutenu le président de la République devant les hauts gradés de l’ANP, une semaine après l’avoir fait devant les syndicalistes de l’UGTA.

Clairement, l’Algérie ne veut pas recourir à l’endettement extérieur pour garder la main sur sa politique étrangère et choisir ses partenaires économiques.

Le piège de l’endettement extérieur, l’Algérie l’a connu dans les années 1990 lorsqu’un mauvais alignement des planètes a fait qu’elle ne pouvait  plus payer les services des dettes arrivées à échéance.

Le pays s’est endetté dans les premières décennies de l’indépendance pour financer son développement puis dans les années 1980 consécutivement à une chute subite des prix des hydrocarbures.

Le traumatisme des années 1990

En 1994, et alors que le pays était en proie à la violence terroriste et les cours du pétrole tournaient autour de 15 dollars le baril, sa dette extérieure avait atteint 26 milliards de dollars. Le problème à l’époque n’était pas tant ce volume que le service de la dette que l’Algérie devait payer cette année-là, supérieur aux maigres recettes des hydrocarbures.

Les recettes attendues de l’exportation de gaz et de pétrole, quasiment l’unique ressources en devises du pays, étaient de 8 milliards de dollars, soit moins que les remboursements de la dette arrivés à échéance qui se situaient entre 8,5 et 9 milliards de dollars.

Pour ne rien arranger, le financement des importations nécessitait 10 milliards de dollars par an. L’équation était insoluble. L’Algérie avait tenté de résister depuis 1992 mais elle a fini par céder pour éviter une situation de cessation de paiement.

En 1994, le gouvernement a sollicité le rééchelonnement du service de la dette algérienne sur 15 ans, en contrepartie de conditions drastiques du Fonds monétaire international (FMI) qui a imposé au gouvernement algérien un programme d’ajustement structurel sévère.

Les créanciers avaient dicté à l’Algérie une politique économique libérale : libéralisation du commerce extérieur, réduction de 40% de la valeur du dinar, réduction du déficit budgétaire, restructuration du tissu industriel…

Concrètement, cette orientation s’est traduite par des mesures sociales très douloureuses qui restent encore dans la mémoire collective des Algériens.

Le gouvernement a dû procéder à une compression d’effectifs à grande échelle dans le secteur économique public et la fonction publique, une ponction sur les salaires des fonctionnaires pour payer les travailleurs du BTP, une révision du système des subventions qui a fait décupler du jour au lendemain les prix du pain et d’autres produits de consommation. Des entreprises ont été fermées, d’autres vendues au dinar symbolique. C’est un miracle que l’Algérie ait pu éviter une explosion sociale.

Échaudé par cette expérience, l’Algérie, dès qu’il en a eu les moyens, a non seulement cessé de recourir à l’endettement mais il s’est aussi empressé de se défaire de celle contractée depuis des décennies.

Avec l’embellie pétrolière des années 2000, l’ancien président Abdelaziz Bouteflika a décidé en 2008 de rembourser par anticipation presque la totalité de la dette du pays qui avait atteint 40 milliards de dollars en 2000, faisant de l’Algérie l’un des pays les moins endettés au monde.

Depuis, le pays rejette systématiquement le recours à l’endettement extérieur, préférant tailler à la hache dans ses dépenses en réduisant drastiquement les importations comme ce fut le cas à partir de 2020 que de taper aux portes du FMI et de la Banque mondiale.

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